Ras-le-bol, affrontement, destructions : Ces émeutes qui font mentir le pouvoir algérien

Ras-le-bol, affrontement, destructions : Ces émeutes qui font mentir le pouvoir algérien
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Les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont repris vendredi à Alger tandis que de violents incidents ont éclaté à Annaba, dans l’est de l’Algérie, à Oran ainsi qu’en Kabylie où des manifestants ont affronté la police.

Ces émeutes les plus graves et les plus importantes en Algérie depuis la révolte d’octobre 1988 et les événements de Kabylie en 2001 constituent un désaveu massif de la politique mise en place par le pouvoir algérien depuis une décennie.



A Alger, dans le quartier populaire de Belouizdad (Belcourt), des groupes de jeunes ont affronté avec des pierres et des bouteilles en verre des policiers déployés en masse et lourdement armés, selon ces sources. Les policiers se sont opposés aux manifestants en faisant usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes. A Annaba, épargnée jusqu’à présent par la contestation qui s’est étendue depuis son début à une dizaine de départements, de violents incident ont éclaté après la grande prière du vendredi dans le quartier populaire dit « gazomètre », selon un correspondant de l’AFP

Les incidents ont commencé vers 15H00 (14H00 GMT) quand des centaines de jeunes se sont mis à lancer une pluie de pierres contre des policiers déployés depuis la veille, notamment autour des bureaux de la wilaya (département). Les échauffourées se sont ensuite étendues à la cité voisine des Lauriers-Roses avant que les manifestants ne coupent avec des barricades la principale artère menant vers le Centre hospitalier universitaire de la ville, selon la même source.

A Oran, la grande métropole de l’ouest algérien, où plusieurs édifices publics avaient été saccagés mercredi soir, les échauffourées ont repris vendredi après-midi dans la quartier du Petit-Lac, à quelque 2 km de la ville. Des dizaines de jeunes ont attaqué avec des pierres des policiers qui ont riposté avec des grenades lacrymogènes, selon un correspondant de l’AFP. L’autoroute Est-Ouest, « chantier du siècle » en Algérie, a été fermée à la circulation au niveau de Boukadir par la population pour protester contre la mort d’une personne âgée percutée par un automobiliste.

Des scènes d’une rare violence on été également enregistrés dans la vallée de la Soummam. Des jeunes manifestants se sont pris à des édifices publics en saccageant à Tazmalt, Akbou, El Kseur, Béjaia et Tichy. Des affrontements opposaient vendredi de jeunes à des éléments anti-émeute.

Outre les affrontements avec les forces de l’ordre, la colère des manifestants est particulièrement dirigée sur les édifices publics, symboles de l’Etat. Sièges de l’entreprise nationale d’électricité, bureaux des impôts et de la poste, tribunaux, daïras (sous-préfecture), postes de police et commissariat, de nombreux établissements ont été attaqués, pillés ou brûlés comme ce fut le cas du tribunal d’Akbou et du siège de la Sonelgaz à Tazmalt, deux villes situées dans la wilaya de Bejaia. La région de Kabylie a connu des émeutes meurtrières durant le printemps 2001, émeutes qui ont fait plus de 120 morts.

Pour ne pas revivre le spectre de cette révolte sanglante durant laquelle gendarme et policiers ont tiré à balles réelles, les autorités ont donné ordre aux services de sécurité de ne pas faire usage d’armes de feu. D’éventuelles victimes pourraient avoir des conséquences incalculables pour le pouvoir.

Depuis plus d’une semaine, des groupes de jeunes – les moins de 30 constituent 75 % des 35, 6 millions d’Algériens – dénoncent un peu partout dans le pays ce qu’ils appellent leur « mal-vivre ». Chômage, le mal-logement, corruption, inégalités sociales, injustice et abus d’autorité, manque de perspectives, la cherté de la vie, les passe-droits, les raisons de cette brusque colère sont multiples.

Ces émeutes, les plus importants et les plus graves en Algérie depuis la révolte populaire d’octobre 1988 sonnent comme un désaveu pour le pouvoir algérien. Elles soulignent également un fossé entre le discours triomphaliste des autorités et la réalité de la société algérienne. C’est d’autant plus frappant que le pays est immensément riche grâce à la manne pétrolière.

Etrangement, trois jours après le début des émeutes, ni le Président Bouteflika ni son Premier ministre ne sont exprimés sur cette situation explosive qui prévaut dans le pays. La seule réaction officielle est celle du ministre du Commerce qui annonce la tenue samedi 8 janvier d’un conseil interministériel pour examiner les moyens de juguler la flambée des prix des produits de base.