De ses débuts prometteurs au NA Hussein-Dey à l’apothéose européenne avec Porto et de ses années heureuses avec les Verts au consulting TV sur les plateaux d’Al Jazeera Sport, Rabah Madjer a surfé sur la planète «foot».
Globe-trotter de luxe, il a posé ses pieds, impérial, sur les lieux les plus emblématiques du football mondial. VIP vêtu d’élégants costumes, il s’est invité aux cérémonies les plus prisées des «Foot People». Mustapha, comme l’appellent ses proches, a tout gagné dans sa vie, tout vu. Au firmament de sa carrière de joueur, il ne pensait pas pouvoir graver, un jour, l’empreinte de ses deux pieds au… pied du Rocher. Au cœur de Monaco, sur l’une des plus médiatiques artères du monde.
Depuis hier, c’est chose faite. Dans un décor qui sied aux musées et aux célébrations mondaines, il a «coulé» ses «footprints» sur la Champions Promenade de Monte-Carlo. Traduction littérale : la promenade des Champions. Une voie jalonnée de pieds magiques qui ont crédité le roman du foot de gestes d’anthologie. Et procuré du bonheur à des milliards de spectateurs et téléspectateurs. Confessions au sortir d’une autre journée heureuse dans la vie de la star.
Le Jeune Indépendant : «Mustapha», les lecteurs du Jeune Indépendant – et, à travers eux, les amoureux de la balle ronde – s’interrogent sur le pied dont tu as gravé l’empreinte, hier, à Monaco. Est-ce le pied de la «talonnade», celle qui, dans un geste jamais réalisé sur un terrain de foot, a placé Rabah Madjer et le FC Porto sur le toit de l’Europe ?
Rabah Madjer : Contrairement à ce que vos lecteurs sont tentés de croire, l’opération «Golden Foot» immortalise les empreintes des deux pieds. Ainsi le veut la tradition de cette manifestation. Toutes les légendes du foot qui ont «posé leur empreinte» ici à Monaco ont sacrifié à la règle des deux pieds. Peu importe si ces vedettes se sont illustrées grâce au pied droit ou gauche. Les organisateurs les invitent, toutes, à «couler» les deux pieds dans le moule
Le poids du temps faisant son œuvre – la finale Porto-Bayern remonte à mai 1987 –, j’ai oublié avec quel pied tu as réalisé cette sacrée talonnade. Si mes souvenirs sont bons, c’était au moyen du pied gauche
Erreur, mon cher ! Revois l’action sur «Youtube». C’était avec le pied droit. Je vois bien – comme tu le dis – que le poids du temps commence à faire son drôle d’œuvre.
QUEL SENTIMENT T’INSPIRE LA JOURNÉE DU 10 OCTOBRE 2011 ?
Le sentiment d’un joueur heureux et comblé. Dans la vie d’un footballeur en activité ou en retrait des terrains, rien ne peut émouvoir qu’un palmarès ouvert, un parcours sans cesse enjolivé. Graver mes empreintes dans le cadre d’une opération internationale dédiée aux légendes du football, voilà qui est merveilleux…
…A QUOI PENSES-TU À CE MOMENT…
(il coupe) justement, j’allais en venir. Je remercie Dieu de m’avoir tout donné et je ne cesserai jamais de le répéter. Je pense bien évidemment à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, m’ont aidé à forger un itinéraire jalonné de succès et de bonheur footballistique.
Je pense à ma petite famille, à la famille, plus large, du NAHD. Une collectivité attachante au sein de laquelle j’ai appris les rudiments du jeu et fourbi mes armes de futur footballeur professionnel. Je pense naturellement à mes camarades de l’équipe nationale. Sociétaires de l’équipe de 1982/86 ou celle de 1990 (championne d’Afrique), tous ont contribué à nourrir mon talent.
«Mustapha», beaucoup estiment – et tu as dû en entendre parler – que sans la printanière soirée viennoise et cette majestueuse talonnade en guise de bouquet, la notoriété de Madjer n’aurait pas pris une dimension planétaire. Ou, à tout le moins, aurait été moins éclatante. Votre célébrité tient-elle à un geste immortalisé, pour l’histoire, sous le qualificatif de «la Madjer» ?
C’est un point de vue que je ne partage pas mais que, naturellement, je respecte. Nombre de vedettes internationales ont connu des parcours analogues. Loin de moi l’idée de me comparer à eux, ils sont nombreux à avoir «bonifié» leur parcours grâce à un geste ou une action. Joueur de légende s’il en est, Diego Maradona doit beaucoup au Mondial mexicain de 1986 et à son slalom hors du commun contre l’Angleterre. La célébrité de Panenka n’aurait pas été ce qu’elle est aujourd’hui sans ce penalty transformé sous forme de lob en finale de l’Euro 1976 contre l’Allemagne fédérale (RFA).
Pour autant, la «Madjer» a beaucoup servi l’image de Madjer.
Il n’y a pas eu que la talonnade dans ma longue carrière de joueur. Des gestes techniques, j’en ai fait sur les terrains d’Europe, d’Algérie et du monde. Mais il se trouve qu’il y a eu cette talonnade, qui plus est lors d’une finale de Coupe d’Europe des champions, l’ancêtre de la Champions League. Hors année de coupe du monde, une finale européenne résonne comme un temps fort de la saison footballistique. Et, à ce titre, elle a une résonance médiatique inespérée. La diffusion du match Porto-Bayern dans les foyers du monde entier et la présence, à Vienne, de plusieurs centaines d’envoyés spéciaux de la presse internationale ont immortalisé le geste.
En se remémorant l’action, en la repassant au crible de l’analyse, d’aucuns estiment que tu as pris un sacré risque pour ton équipe. Pour inédit qu’il fut, ton geste n’était pas un garant d’efficacité, surtout dans un match du calibre d’une finale de coupe d’Europe. As-tu pensé, à ce moment-là, au facteur risque.
Ferais-je la même chose si c’était à refaire ? Je vous mentirais si je vous disais oui. Le football a une part d’imprévisible et de magie. C’est, au demeurant, ce qui fait son charme. Le talent, la ruse et l’art de jouer du ballon sont autant de facteurs qui militent en faveur de tels gestes.
La talonnade ? Dans le feu de l’action et dans un moment de pression intenable, c’était un sacré moment d’inspiration. Le ballon se présente à vous dans des conditions pas tout à fait évidentes. Vous avez une petite fraction de seconde pour anticiper et décider de la meilleure manière de fructifier l’action. Inspiré sur le moment, j’ai fait ce qui me semblait être le meilleur geste à faire. Cela a marché et j’en suis heureux.
Depuis 2010, votre «CV» s’est enrichi de deux nouvelles lignes : «ambassadeur de bonne volonté» de l’UNESCO et «ambassadeur de la paix» de l’Union africaine. Prenez-vous ces nominations pour des distinctions honorifiques ?
Pas du tout. Je les prends pour ce qu’elles sont réellement, ce qu’elles recoupent comme missions.
Deux illustres organisations internationales m’ont sollicité et choisi pour activer sous leurs bannières respectives et œuvrer en faveur d’idéaux qui lui tiennent à cœur. La confiance qu’elles ont placée en moi m’honore et honore mon pays. Cela me renforce dans ma conviction de cultiver mon image de footballeur qui a réussi à l’échelle mondiale et qui s’attache à la mettre au service des actions de l’UNESCO et de l’Union africaine.
Tout au long des deux dernières années, tu as été très présent dans les médias. Interview par ci , entretien par là, où il est question, tour à tour, de la (re)désignation de Madjer à la tête de l’équipe nationale ou de sa candidature, le moment venu, aux élections de la Fédération algérienne de football (FAF). Certains voient dans ta visibilité quotidienne dans les colonnes l’illustration d’un nom qui se vend médiatiquement. D’autres critiquent une «agitation médiatique» de ta part mue par une ambition démesurée
Chacun est libre de penser ce qu’il veut. Permettez-moi de ne pas m’y attarder. Je préfère jouir du bonheur de l’instant, la cérémonie de «Golden Foot». Mon ambition à diriger la FAF et présider aux destinées du football algérien ? Footballeur international, je trouve que c’est une aspiration légitime.
M. K.