De nouveaux affrontements ont éclaté dans la nuit de dimanche à lundi aux abords de la place Tahrir du Caire entre les forces de l’ordre égyptiennes et des centaines de manifestants hostiles à l’armée au pouvoir.
L’Onu a dénoncé l’usage excessif de la force de la part de l’armée et de la police, au moins 10 personnes étant mortes dans ces violences depuis vendredi.
Les Etats-Unis ont pour leur part exprimé leur profonde préoccupation.
Ces violences surviennent entre les deux tours de la deuxième phase des élections législatives.
Le parti Liberté et Justice (FJP), émanation politique des Frères musulmans, a obtenu environ 40% des voix lors du premier tour de cette deuxième phase la semaine dernière, a-t-on appris dimanche auprès du FJP.
Durant la nuit, des policiers et des militaires armés de matraques sont parvenus à expulser les manifestants de la place Tahrir, épicentre du soulèvement ayant abouti au renversement d’Hosni Moubarak en février, a constaté un journaliste de Reuters.
Les manifestants ont pris la fuite dans des rues adjacentes, en s’éloignant des secteurs sensibles tels que les abords du parlement, du siège du gouvernement et du ministère de l’Intérieur. Ils étaient auparavant revenus sur la place après en avoir été expulsés une première fois.
« A bas Tantaoui », ont scandé les manifestants dimanche soir en désignant le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, ministre de la Défense d’Hosni Moubarak pendant 20 ans et désormais chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA) supervisant la transition.
Des jeunes gens ont lancé des pierres et des cocktails Molotov contre les forces de l’ordre, au sein desquelles la police semble avoir remplacé l’armée en première ligne.
La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton s’est dit « profondément préoccupée » par les violences en Egypte. « J’exhorte les forces de sécurité égyptiennes à respecter et à protéger les droits universels de tous les Egyptiens, y compris le droit de se rassembler et le droit d’exprimer librement et pacifiquement ses opinions », a-t-elle ajouté.
MANIFESTANTS BATTUS À TERRE
Selon un communiqué des services du secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon est « grandement alarmé par l’usage excessif de la force employée par les forces de sécurité contre les manifestants et invite les autorités de transition à agir avec retenue et à respecter les droits de l’homme, notamment le droit à manifester pacifiquement ».
Des soldats en tenue anti-émeutes ont été filmés ces derniers jours en train de battre à l’aide de longues matraques des manifestants, même à terre. Sur une photographie prise par Reuters, on peut voir deux militaires traîner une femme au sol par ses vêtements, la dénudant en partie.
Dimanche, alors que des centaines de manifestants étaient rassemblés sur la place Tahrir, un groupe d’activistes a exhorté des lanceurs de pierres à cesser d’agir ainsi mais ces derniers ont refusé en invoquant les 10 morts depuis vendredi.
D’autres ont livré à l’armée des manifestants soupçonnés de fabriquer des cocktails Molotov.
Dix mois après le renversement d’Hosni Moubarak, une partie de la population soupçonne l’armée de profiter de son rôle à la tête du processus de transition pour tenter de conserver le pouvoir. D’autres savent gré aux militaires de chercher à maintenir le calme et l’ordre afin de permettre le bon déroulement des élections.
Un groupe de manifestants campe sur la place Tahrir depuis un rassemblement le 18 novembre contre une proposition visant à soustraire l’armée à tout contrôle civil dans le cadre de la future Constitution.
Des incidents éclatent régulièrement depuis. Fin novembre, 42 personnes ont trouvé la mort.
Ces violences entachent le processus électoral censé désigner un parlement qui, lui-même, formera une commission de 100 membres chargée de rédiger une nouvelle Constitution. Le CSFA a promis de céder le pouvoir et d’avancer l’élection présidentielle au mois de juin prochain.
Les élections législatives se déroulent en plusieurs phases et elles ont pour l’instant réussi aux islamistes, les Frères musulmans devançant les salafistes d’Al Nour. Le second tour de la deuxième phase doit avoir lieu dans le courant de la semaine.
Avec John O’Callaghan, Marwa Awad, Alexander Dziadosz et Shaimaa Fayed; Bertrand Boucey pour le service français