Pour lutter contre le travail informel : Le Care plaide pour plus de flexibilité

Pour lutter contre le travail informel : Le Care plaide pour plus de flexibilité

L’introduction de nouvelles formes d’emploi, à travers la diversification du statut des salariés, devrait permettre d’extraire une proportion “élevée” de travailleurs du secteur informel, ont estimé, hier, des experts, lors d’une conférence-débat organisée à l’hôtel Hilton (Alger), dans le cadre des “Matinales du Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise”.

Pour Mahrez Aït Belkacem, directeur du cabinet de consulting “As Management” et consultant en entreprise, cette démarche “inclusive” de l’offre de travail permettra de lutter contre le travail informel qui, par définition, est générateur d’injustice sociale et de précarité en tous genres. La diversification des formes d’emploi pourrait devenir un moyen de lutte contre le chômage, surtout si elle s’accompagne d’une fluidification du recrutement.

Le Cercle d’action et de réflexion (Care) autour de l’entreprise estime dans un communiqué que “la présence d’une importante économie informelle ne semble pas émouvoir, outre mesure, sinon dans des déclarations évasives, ni les pouvoirs publics ni les syndicats qui semblent accepter de bonne grâce l’existence de cette économie informelle, alors que son importance démesurée est de nature à mettre en cause la cohésion sociale et l’édification d’une économie citoyenne”. M. Aït Belkacem renchérit : “On ferme les yeux et on dénonce un marché du travail dual où s’opposeraient les emplois à durée indéterminée (CDI) et les emplois précarisés par les contrats à durée déterminée (CDD).

” Alors que dans les faits, s’appuyant sur les statistiques de l’Office national des statistique (ONS), M. Aït Belkacem montre que de 2003 à 2009, “les CDD ont vite fait de rejoindre les CDI”. L’ONS, dans sa dernière enquête emploi auprès des ménages, indique que les salariés permanents forment 35,9% de la main-d’œuvre totale, alors que les salariés non permanents en constituent 33%. “Ce qu’on devrait opposer et qui devrait nous préoccuper, c’est l’emploi formel et légal contre l’emploi informel et donc illégal”, a estimé

M. Aït Belkacem.

Ce dernier, se référant aux données du ministère des Finances, citées par Foued Cheriet, maître de conférences en stratégie et marketing international (INRA-Montpellier SupAgro), avance 220 milliards de dinars (environ 3,06 milliards dollars), soit 2% du PIB, d’évasion fiscale en 2011 et 150 milliards de dinars (environ 2 milliards de dollars) d’évasion sociale. “Pour être plus précis, on devrait comptabiliser le manque à gagner de la Casnos qui ne doit recouvrer que 20% à peine des non-salariés définis par la loi et censés cotiser à cette caisse”, a-t-il ajouté. Karim Tamir, ancien directeur d’un cabinet conseil en ressources humaines, estime que l’entreprise algérienne, au même titre que les autres entreprises de par le monde, doit pouvoir s’adapter à un environnement économique de plus en plus complexe : concurrence régionale et internationale agressive, réaction rapide aux fluctuations du marché, adaptation à la conjoncture économique, etc.

Le recours à de nouvelles formes d’emploi, à savoir temporaire, externalisé, à temps partiel et CDD, peut constituer un levier de la compétitive. M. Tamir reconnaît les effets indésirables de cette diversification du statut des salariés à travers ces nouvelles formes d’emploi : précarisation de l’emploi, une extériorisation juridique du travail… Mais pour lui, il ne s’agit pas de discuter des avantages et inconvénients des nouvelles formes d’emploi ? Ni d’opposer emplois typiques (stables et protégés) et emplois atypiques (précaires et peu protégés) ? “Il ne faut pas se tromper de débat !”, a-t-il indiqué. “De nouvelles formes de relations de travail peuvent-elles permettre à toute une frange de la population travaillant ‘au noir’ — dans des emplois informels — de basculer vers des emplois formels, déclarés à la Sécurité sociale et protégés par la réglementation ?”, voici la question qui mérite d’être posée, selon M. Tamir. Pour lui, la réponse devrait être affirmative.

L’assouplissement de la réglementation du travail à travers la diversification du statut des salariés peut se révéler fondamentale, pour, entre autres, contribuer à extraire du “travail au noir” un grand nombre d’emplois, lutter contre le chômage en favorisant l’offre de nouveaux emplois. Le conférencier suggère de faire du CDD un contrat de travail normal, et non pas un contrat à caractère exceptionnel, d’autoriser et de libérer le travail temporaire et d’assouplir la loi relative au placement et au contrôle de l’emploi.

Cependant, souligne Mahrez Aït Belkacem, cette exigence de flexibilité ne devra pas se faire au détriment des travailleurs. “Les outils de la protection sociale doivent évoluer”, a-t-il estimé, suggérant, entre autres, la réhabilitation de l’assurance chômage en en facilitant l’accès et l’élargissement aux travailleurs en CDD, ainsi que la redynamisation des fonds dédiés à la formation des travailleurs.