Les marins du navire MV Blida, arraisonné le 1 janvier 2011 par des pirates somaliens, ont été libérés après versement d’une rançon de 2,6 millions de dollars. Contrairement aux dénégations des officiels algériens et de l’armateur, les pirates ont bel et bien obtenu le paiement d’une rançon avant de libérer leurs otages le 3 novembre dernier. L’argent, largué en deux colis, a été compté par les membres de l’équipe du vraquier.
DNA a pu obtenir des témoignages de certains marins qui ont assisté à la remise de l’argent. Pour protéger ces témoins, nous avons décidé de ne pas divulguer leurs identités afin de leur éviter d’éventuelles représailles.
Samedi 1 janvier 2011. Un groupe de pirates somaliens arraisonnent le vraquier MV Blida, avec à son bord 27 membres d’équipage dont 17 Algériens, à 150 miles au sud-est du port de Salalah (Oman).
Flibustiers sans foi ni loi, les Somaliens en fait de l’arraisonnement des navires qui croisent aux larges de la Somalie un business lucratif. Mieux, une économie qui leur a rapporté 238 millions de dollars en 2010.
Mahmoud le Soudanais
Avec les marins du MV Blida, ils ne feront pas exception.
Il faudra attendre deux mois pour que les premières négociations démarrent sur le sort des otages. Au cœur des pourparlers, l’argent. Rien que l’argent.
L’intermédiaire des ravisseurs, Ali, démarche auprès d’un certain Mahmoud, de nationalité soudanaise, lequel négociera au nom de l’armateur. A partir d’Athènes, en Grèce.
Ce dernier explique que le montant de la rançon sera d’un million de dollars. Pas plus !
Les pirates s’énervent. Ils s’énervent d’autant plus que leur interlocuteur exige des documents, des formulaires à remplir, des fax à envoyer.
Bref, tout ce qui a don de mettre en colère les ravisseurs, des voyous de haute mer peu enclins aux procédures bureaucratiques.
Les premières discussions sont rompues au mois d’août
Passablement énervés du déroulement des négociations, les pirates chargent leur porte-parole, Mohamoud Haji Ismail, d’envoyer un message très clair : 7 millions de dollars contre la vie des otages.
« Si le propriétaire du navire ne veut pas payer de rançon, on s’en fiche. On reste sur notre position. Nous avons une négociation avec les affréteurs mais on n’est pas satisfait de rythme de cette négociation. Notre dernier message est que nous passeront les otages au couteau s’ils n’acceptent pas de payer la rançon exigée », prévient Haji Ismail, dans une déclaration au site Somalia Report.
Devant le refus de l’armateur d’avancer une telle somme d’argent et face à l’intransigeance des autorités algériennes concernant le paiement d’une rançon, les négociations butent. Elles buteront encore plus dans la mesure où les pirates changeront à maintes reprises d’intermédiaires.
Menaces et privations
Pour mettre la pression sur l’armateur et sur le gouvernement algérien, les ravisseurs menacent donc d’exécuter les otages et leurs font subir de multiples tortures physiques et morales.
Menaces de mort, privations de nourritures et de soins, conditions d’hygiènes dégradantes, coups et maltraitances physiques, tout était bon pour accentuer le chantage autour de la vie des marins.
Bien que ces derniers aient toujours été détenus à bord de leur navire, leurs ravisseurs leurs faisaient souvent changer de place. Ce qui contribue à accentuer davantage cette pression autour des négociateurs.
Mais par de là les menaces et les privations, les discussions ne se sont jamais rompues.
Des médicaments, du gasoil, de la nourriture et 21 000 dollars
Dans le courant du mois d’octobre, Mahmoud arrive à conclure une première vraie transaction avec les pirates : il leur fait livrer des médicaments, du gasoil et de la nourriture pour les otages ainsi qu’une somme de 21 000 dollars.
Le précieux paquet est largué par hélicoptère au dessus du navire MB Blida. Le dénouement est donc proche.
C’est ainsi que mardi 11 octobre, les ravisseurs consentent à libérer deux otages, un Algérien et un Ukrainien. Cinq jours plus tard, Azzedine Toudji regagne Alger. Il reste encore 25 membres de l’équipage : 16 Algériens, cinq Ukrainiens, deux Philippins, un jordanien et un Indonésien.
Pour obtenir leur libération, il faut payer. Combien et comment ?
Après dix mois de captivité, les négociateurs mandatés par les pirates et l’armateur tombent d’accord sur la somme à verser : 2,6 millions de dollars. La cargaison sera livrée par avion.
Nous sommes mercredi 2 novembre. Un hélicoptère s’approche du MVBlida, fait trois rotation autour du navire, prend plusieurs clichés avant que le commandant ne lui accorde l’autorisation de largage.
L’appareil lâche alors deux colis contenant 1,3 million de dollars chacun, rangés par liasses de 10 000 dollars. Les pirates récupèrent le butin.
Pour s’assurer que la somme négociée est bel et bien livrée, ils chargent deux membres de l’équipage du vraquier, le commandant de bord ainsi que le chef mécanicien, tous deux de nationalité ukrainienne, de compter l’argent contenu dans les deux colis.
L’opération durera une bonne demi-heure.
Le compte est bon, les pirates quittent le MV Blida par petits groupes avec 2,6 millions de dollars entassés dans leur embarcation. Leurs otages sont désormais libres.
Pas de rançon disent les officiels
Jeudi 3 novembre, le gouvernement algérien annonce que l’ensemble de l’équipe du MV Blida a été libéré. Acheminés à Alger à bord d’un avion spécial, les 16 marins algériens atterrissent dimanche 13 novembre à l’aéroport militaire de Boufarik.
Leur retour se fera sous bonne escorte, le ministère des Affaires étrangères ayant décidé d’écarter les journalistes de la presse privée en n’autorisant que la télévison et l’agence d’Etat à approcher les ex-otages.
Après une semaine à l’hôpital Ain Naâdja, ils sont autorisés à regagner leurs familles.
Depuis la capture jusqu’à la libération des otages, les officiels algériens se sont employés à nier le principe même de paiement d’une rançon. Nacereddine Mansouri, directeur général d’International Bulk Carriers (IBC), armateur du navire MV Blida, en fera de même.