Nos villes à l’ heure de l’été, La chaleur humaine prime à Djelfa

Nos villes à l’ heure de l’été, La chaleur humaine prime à Djelfa

Djelfa dans les hauts-plateaux, Tizi Rached sur des piemonts de la kabylie. Rien ne fait ressembler a priori ces deux localites. Elles reflètent pourtant les préoccupations communes aux Algériens durant cette saison estivale. Dans la première, les loisirs manquent cruellement et les jeunes sont les première à s’en plaindre. Dans la seconde, la cherté touche même les mariages qui, en cette saison, fleurissent comme les fleurs du printemps.

A Djelfa, il existe deux sortes de chaleur. Celle dégagée par les humains et celle provenant du ciel. Les deux sont omniprésentes et coexistent, comme deux sœurs siamoises. En été, Djelfa est l’une des rares villes où l’en entend la cigale chanter dès que le soleil est à son zénith. Les jours de repos où les personnes ne travaillent pas et notamment avec la décision de la fermeture des souks à bestiaux à cause de la fièvre aphteuse, les cafés sont bondés. Il y a comme un deal entre le soleil et les Djelfaouis. Le jour, ils occupent les coins ombragés, restent cloîtrés chez eux ou bien font la sieste, appelée dans leur langage « El kiloula ». Le soir, des familles entières sortent et réoccupent les lieux : rues, ruelles, places, placettes sont investies. Les lumières des candélabres brillent et éclairent le moindre recoin ne laissant que quelques pénombres.

Ce qui met en confiance les familles qui se promènent en toute quiétude. Les jeunes, justement, absents pendant la journée, en train de dormir et récupérer leurs forces, ne se réveillent qu’en fin de journée pour une nouvelle nuit qu’ils vivront comme la précédente. Le soir, ils se retrouvent en groupes et scrutent le ciel et les étoiles. Chacun d’eux voyage. L’espoir d’avoir la bonne étoile. Ils discutent et parlent des piscines et des plages qu’ils ne fréquentent jamais qu’à travers la télévision. Par contre l’amabilité est une règle de savoir-vivre chez les Djelfaouis. Tout le monde demande des nouvelles des autres en se serrant la main ou en faisant la bise ou encore en effectuant une accolade affectueuse. L’absence criante de loisirs est bien ressentie. Les plus nantis fuient vers la capitale le temps des vacances. Les plus débrouillards s’arrangent pour envoyer leur progéniture en colonies de vacances. Les autres, et ils sont nombreux, passent leur temps à le compter, seconde par seconde, pour voir vite le journée passer et ouvrir les yeux sur une autre, peut-être plus clémente et douce à vivre.

Faute de piscines, on se contente des gueltas

La fermeture de l’unique piscine olympique de Djelfa n’a pas arrangé les choses. Les portes fermées ont été forcées par un groupe de jeunes qui voulaient se baigner. Ils étaient tellement nombreux que les services de sécurité n’ont pu les contenir. Devant ce forcing, les autorités de la wilaya ont décidé de sa fermeture. Sa réhabilitation est renvoyée aux calendes grecques. C’est le désarroi au sein de la jeunesse avide de loisirs. Que faire pour supporter cette chaleur écrasante ? Pour certains, la parade est toute trouvée. Les oueds et gueltas sont investis tant la fraîcheur est là. Jeunes et moins jeunes, comme une procession de chenilles, traversent la ville et se rendent à Haouas, une zone où se trouvent des gueltas (mares d’eau). Malgré la pollution des eaux à cause des rejets domestiques, c’est l’insouciance totale.

Qu’importe, il faut bien se rafraîchir. Tant pis pour les conséquences qui découlent de cet instant magique pour les uns, un passe-temps favori pour les autres. Ali, un enfant haut comme trois pommes, scolarisé à l’école primaire Ali Benattia, fréquente assidument l’oued Mellah. Il a appris à nager sans l’aide d’un moniteur comme ses autres camarades. Les parents insouciants ou indulgents laissent faire, faute d’alternative. « On ne peut les emprisonner à la maison éternellement », s’est exclamé ce père de famille rencontré à la maison de la culture, venu admirer l’exposition de l’artisanat. Les jeunes et les moins jeunes sont nombreux à accueillir ce premier festival – une ouverture sur le mode de vie naïli – comme un défouloir. D’ailleurs, les gradins réservés aux jeunes sont archicombles dès l’ouverture du stade olympique où se déroulent les joutes du festival de la chanson naïli. Pratiquement, aucun jeune n’est assis. Tous dansent aux sons de la ghaita et du bendir. Une chose est sûre, tous les jeunes rencontrés souhaitent plusieurs festivals pour donner vie à leur ville meurtrie par le soleil, d’une part, et la sècheresse culturelle, de l’autre.

R. F.