C’est la prière qui, depuis des jours et des nuits, s’élève des quatre coins du pays. Comme un interminable cordon ombilical, elle court au-dessus des chaumières les plus humbles, des villas les plus cossues
Elle survole des cités dortoirs, des villages aussi anonymes que misérables, des villes qui étouffent, des quartiers où foisonnent des colonnes de hittistes. Comme un trait d’union qui cimente cette si chère Maison Algérie, elle dit, certes, tout l’espoir de tout un peuple de voir ses fils remporter le match de ce soir. Mais cette prière est plus qu’un souhait pour une victoire footballistique.
Farhouna ya louled ; donnez-nous de la joie ! Rendez-nous le sourire ! Voilà ce qui, en fait, est demandé aux Verts. Le peuple veut oublier ce qu’il a enduré. Ouvrir une parenthèse dans la grisaille du quotidien dur à vivre. Donnez-nous de la joie, parce que, alentour, c’est la morosité. «Rendez-nous le sourire», parce que sur nos visages, c’est souvent un rictus qui cache mal notre mal vie. Un rictus façonné par des promesses mirobolantes, mais jamais tenues de ministres et autres responsables pour «améliorer notre cadre de vie». Un rictus figé à la vue de ces bourgades sans eau, sans électricité, sans travail pour leurs jeunes et où tout manque — c’est inconcevable — un demi-siècle après l’indépendance. Rendez-nous le sourire, parce que jusqu’ici, il est désabusé à la vue de toutes ces volumineuses enveloppes, bourrées de milliards débloqués d’une manière récurrente sans que le progrès et les commodités d’un monde moderne touchent ces bourgades enserrées dans les griffes de la misère, de la pauvreté et du dénuement.
Farhouna ya louled. «Donnez-nous de la joie. Rendez-nous le sourire». C’est le vœu ardent de tout le peuple. Ce soir, la victoire permettra aux Verts de composter leur billet pour le prestigieux rendez-vous du Mondial au Brésil. Ce faisant et puisque l’on dit que le football est l’opium du peuple, alors le peuple veut son overdose d’allégresse, de danse, d’euphorie, d’évasion, de rêves. Voilà ce que nous apportera, la qualification des Verts. Pour cela, ils n’ont pas le droit à l’erreur. Toutes les conditions ont été réunies pour qu’ils réalisent l’exploit. Ils vont évoluer dans leur stade fétiche, où ils aiment jouer et où ils n’ont jamais perdu. Tchaker, citadelle imprenable ? Aux Fennecs de confirmer ce statut. Des milliers et des milliers de poitrines rageuses lanceront sans arrêt des ovations d’encouragement et salueront les promesses qu’on attend d’eux. Alors ? Farhouna ya louled. C’est votre devoir. C’est votre mission.
H.Ouandjeli