C’est à Milanello, le centre d’entraînement de l’AC Milan, que nous avons rencontré, hier après-midi, Djamel Mesbah, à l’issue de son premier entraînement avec l’AC Milan. Toujours courtois et avenant, il a répondu à nos questions avec sa simplicité habituelle, sans forfanterie aucune. Bref, c’est Mesbah tel que les Algériens ont découvert et apprécié qui a accepté de nous parler de sa nouvelle aventure.
Ce matin en vous réveillant, est-ce que vous aviez conscience que vous alliez vous entraîner avec un club vainqueur 7 fois de la Ligue des champions au sein duquel sont passés quelques-uns des meilleurs défenseurs de l’histoire du football, dont Franco Baresi et Paolo Maldini ?
(Sourire) J’ai pris conscience de cela hier déjà, en signant le contrat. C’est vrai que je suis dans un très grand club et c’est une occasion à saisir pour moi, afin de progresser davantage. J’ai encore des choses à apprendre dans le haut niveau et l’AC Milan m’en offre l’opportunité. J’arrive dans un club où règne la mentalité de la gagne. Je l’ai vu à l’entraînement : ici, les joueurs sont là pour gagner et ne rien lâcher. C’est un nouveau challenge qui s’offre à moi et il m’appartient de bien saisir cette occasion.
Avez-vous quand même bien dormi la nuit passée ?
Pas de souci de ce côté-là. J’ai très bien dormi et je me suis réveillé avec la perspective d’un nouveau chapitre qui s’ouvre dans ma vie de footballeur. Comme je vous l’ai dit, je suis conscient que je ne suis pas encore arrivé et que j’ai tout à prouver. Je dois travailler très dur pour m’imposer et gagner ma place afin d’être digne de la confiance placée en moi. Je suis motivé pour réussir et j’espère le faire.
Avez-vous consulté le sélectionneur Vahid Halilhodzic avant de vous engager à l’AC Milan ?
Non, je n’ai pas eu de contact avec lui, mais je vais l’appeler ce soir. D’ailleurs, je profite de cette opportunité pour le remercier pour les belles choses qu’il a dites de moi au sujet de mon transfert, tout comme je remercie cheikh Rabah Saâdane, Rabah Madjer. J’en oublie peut-être de ceux qui m’ont dit des mots gentils car je n’ai pas pu lire tout ce qui a été dit dans la presse, mais que tout le monde reçoive le témoignage de ma gratitude. A présent, j’ai hâte de retrouver la sélection nationale pour le match important face à la Gambie pour lequel nous sommes tous tenus d’être bien concentrés pour réaliser un bon résultat.
Justement, lors du prochain stage des Verts, vous serez certainement la «star» parmi vos coéquipiers…
(Il sourit mi-amusé mi-agacé) Pourquoi serais-je la star ? Vous savez, je suis et je reste le même.
On veut dire par là que vous êtes désormais joueur du club le plus prestigieux de tous ceux au sein desquels jouent les internationaux algériens…
Cela ne veut absolument rien dire. Je l’ai déjà dit et je le répète : la sélection nationale n’est pas un club où on est déçu quand on ne joue pas. Quand j’étais arrivé dans la sélection algérienne, c’était en acceptant même d’être remplaçant ou doublure, car l’intérêt de l’équipe passe avant toute autre considération. Lorsque j’arriverai au prochain stage, je viendrai avec l’idée de donner le meilleur de moi-même sans rien revendiquer et ce sera au sélectionneur de faire ses choix. Je voudrais que les Algériens le comprennent bien : Mesbah ne changera pas. Ce n’est pas parce qu’il est à l’AC Milan qu’il va se prendre la grosse tête. Au contraire, je dis que si je suis dans ce club, c’est aussi pour apprendre et progresser, tout en étant toujours prêt à donner le meilleur de moi-même, tant en club qu’en sélection.
On suppose que des joueurs de la sélection vous ont contacté pour vous féliciter au sujet de votre transfert…
Oui. Bougherra, Medjani et Ghezzal m’ont appelé pour me féliciter et m’encourager dans ma nouvelle aventure, alors que d’autres joueurs m’ont envoyé des messages. Ça m’a fait chaud au cœur. Au risque de me répéter, c’est à moi d’être digne de cette nouvelle expérience.
Et digne aussi de la stature de l’AC Milan…
Pour en être digne, il faut que je fasse mes preuves. Je ne m’enflamme pas, car je suis conscient que j’ai encore tout à prouver dans ce club. Certes, j’ai signé dans un très grand club, mais il me faut aussi gagner ma place dans l’équipe. C’est aussi un challenge.
On peut dire quand même que vous avez été un peu perturbé durant cette semaine assez spéciale, avec la naissance de votre fils et les négociations pour votre transfert…
Non, pas du tout. La naissance de mon fils n’a pas été une perturbation. Elle a eu lieu lundi passé et, comme vous le devinez, ça a été un bonheur immense. Concernant les négociations sur mon transfert, elles ne m’ont pas du tout perturbé. En fait je savais bien que, puisque l’AC Milan me voulait, il finirait par s’entendre avec Lecce. La seule fois que j’ai été perturbé, c’était il y a plusieurs jours, lorsqu’on m’avait annoncé que Milan voulait me recruter. Je ne vous cache pas que ça m’avait remué. Sinon, j’étais confiant.
Franchement, vous attendiez-vous à cette offre ?
En toute honnêteté, non. Elle m’a surpris, mais c’était une opportunité à ne pas rater et j’étais décidé à la saisir. C’était l’offre la plus sérieuse et la plus intéressante qui m’est parvenue. Les choses ont suivi leur cours et voilà que je suis dans ce grand club.
Donc, ce n’était pas une offre qui date de l’été dernier ?
Pas du tout. L’été dernier, à ma connaissance, l’AC Milan ne s’était pas manifesté. Il y avait d’autres clubs et d’autres offres.
Avec du recul, le fait d’attendre et de ne pas vous précipiter a été une décision sensée puisqu’elle vous a permis d’avoir cette formidable opportunité…
En effet, mais ce n’était pas du tout calculé. Je ne sais pas ce qui s’était dit entre les clubs qui me voulaient l’été dernier et la direction de Lecce, mais je sais qu’on n’était pas parvenu à un accord. D’un autre côté, je voulais rester à Lecce pour une autre saison afin de m’aguerrir davantage et confirmer ma première saison en Serie A. C’est pour cette raison que ça ne m’avait pas dérangé d’être resté à Lecce pour une autre saison, d’autant plus que je savais que je serai libre en juin.
En ce premier jour à l’AC Milan, avez-vous une pensée pour Lecce ?
Oui, absolument. C’est le club qui m’a révélé en Italie et avec lequel j’ai eu le privilège de découvrir et de m’imposer dans la Serie A. Les gens ont été très corrects avec moi là-bas, que ce soit les dirigeants, les joueurs ou les supporters. Je n’oublierai jamais que je dois beaucoup à ce club et c’est avec un pincement au cœur que je l’ai quitté. J’espère que l’équipe réussira à se maintenir en Serie A.
Parlez-nous de votre premier entraînement à l’AC Milan. Avez-vous eu des appréhensions ?
J’ai abordé l’entraînement le plus normalement du monde. J’ai découvert un club très professionnel, avec des joueurs de renom, mais qui savent que seul le travail paye. J’ai fait ce qu’on m’a demandé de faire tout en espérant avoir été à la hauteur. Bref, ça s’est bien passé.
Avez-vous discuté avec quelques joueurs en particulier ?
Non, pas en particulier. Comme je parle l’italien, je n’ai pas eu de problème de communication avec les joueurs, les membres du staff technique ou les employés. Ce qui est certain, c’est que j’ai été accueilli de manière courtoise et très professionnelle.
Vous êtes-vous entretenu avec l’entraîneur Massimiliano Allegri de ce qu’il attend de vous et du poste dans lequel il compte vous utiliser ?
Nous avons échangé quelques propos, mais nous n’avons pas parlé de ce sujet. Comme il y a le match de championnat contre Novara dimanche prochain, il a été question aujourd’hui uniquement de la préparation de ce match. Peut-être qu’il me parlera plus tard ou qu’il ne me parlera pas. Ce qui est important, c’est de bien travailler avec le groupe.
Le fait que vous ayez participé à la séance d’entraînement signifie-t-il que vous pourriez être convoqué pour le match de Novara ?
Je n’en ai aucune idée. C’est au coach de décider. Moi, je m’entraîne et je travaille et c’est au coach de faire ses choix.
Lorsque vous avez signé hier, avez-vous eu une pensée pour le jour où, à 16 ans, vous aviez fait des essais au FC Barcelone et failli être recruté, n’était une blessure, sachant justement que vous avez souvent galéré à cause des blessures ?
Je n’ai pas particulièrement pensé à ça. Déjà, il faut préciser que j’avais 18 ans et non pas 16. Et puis, c’était de simples essais et des contacts car, concrètement, le Barça ne m’avait rien proposé. Il est vrai, comme vous dites, que les blessures m’ont beaucoup handicapé et avaient freiné ma carrière à plusieurs reprises. Peut-être que ma carrière aurait pris son envol plus tôt sans ces blessures, mais on ne sait jamais.
Du Servette de Genève, vous êtes passé au FC Bâle, avant de vous blesser, de galérer un peu à Lorient et de rejoindre Aarau et Lucerne, puis débarquer en Italie à Lecce via Avellino… Votre carrière a connu quand même un cheminement progressif et cohérent, non ?
Passer directement de Lecce à Milan, vous trouvez ça cohérent (rires) ?
C’est vrai que ce n’est pas évident de passer du dernier du classement de Serie A au champion d’Italie en titre…
Je ne parlais pas du classement de Lecce. Je voulais juste dire que passer comme ça d’un club qui a accédé il y a un peu plus d’un an à un autre qui joue chaque année pour les titres nationaux et européens constitue une sacrée promotion. C’est pour ça que je me dois de travailler d’arrache-pied pour être au niveau de ce que l’on attend de moi.
Vous gardez la tête sur les épaules et les pieds sur terre, mais savez-vous qu’en Algérie, les gens ne parlent que de votre transfert ?
Oui, mon père me l’a dit. D’ailleurs, connaissant la passion qu’ont les Algériens pour le football et plus particulièrement pour ce qui touche aux joueurs de la sélection, je devine aisément l’ambiance qui doit régner. Je remercie les Algériens pour cette belle pensée pour moi. Je tâcherai d’être à la hauteur de leur confiance et de leurs attentes. C’est une responsabilité.
Pour en revenir à la sélection, confiant pour le match de la Gambie ?
Oui, confiant, car je sais que les joueurs sont conscients de l’importance de la mission. C’est un match important qu’il faudra aborder très sérieusement, avec le même état d’esprit qui a été le nôtre lors de nos derniers matchs. Il faudra continuer à travailler, car il reste encore du chemin à faire.
Pour conclure et rassurer les Algériens, Djamel Mesbah restera-t-il le même ?
Oui, toujours. Je ferai tout pour être meilleur et plus performant sur le plan football, mais sur le plan humain, Mesbah ne changera pas, il restera comme tous les gens l’ont connu.
Entretien réalisé à Milan par F.A.S.