Le retard dans les dons d’organes persiste en Algérie. Les malades qui en dépendent voient les jours passer sans que rien n’arrive de l’Agence algérienne mise en place par le ministère de la Santé. Cette agence demeure dans l’expectative après moult dates de livraisons.
Sur les 17 000 insuffisants rénaux près de 2 000 espèrent un jour être greffés, en vain pour l’heure !«Il faut des décisions fermes et des hommes compétents pour pouvoir amorcer cette option dès lors que toutes les équipes pluridisciplinaires profitent aux hôpitaux et structures de soins», martèle le Pr Dahdouh, néphrologue à la clinique rénale Daksi. En attendant, les malades endurent souffrances et désagréments alors que les caisses étatiques supportent de plus en plus de dépenses. Séances d’hémodialyses, traitements, accompagnement des malades sont très coûteux aussi bien pour le patient et ses proches que pour les pouvoirs publics.C’est pour alléger toutes ces charges et organiser les transplantations suivant un calendrier précis que le ministère de la Santé a décidé de créer une agence nationale de dons d’organes. Mais la mise en fonction de cette structure tarde à venir malgré les promesses du ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès.Il faut, au préalable, faire un travail en amont pour préparer et faciliter la tâche de cette structure vitale, nous explique le Pr Aberkane, qui, rappelons-le, a déjà occupé le poste de ministre de la Santé. Pour l’heure, «les malades ont la chance de prolonger leur vie grâce aux techniques d’hémodialyse et d’épuration extrarénale.
Maintenant qu’ils sont plus nombreux en plus des enfants atteints, il est clair pour tout le monde que c’est la greffe qui est le meilleur moyen de répondre à leur problématique, et ce, en tous points : moral, bien-être, économique…», ajoutera-t-il.Loin de croire à la résolution de tous les problèmes du don d’organes dès la mise en marche de l’agence, le professeur focalisera son attention sur la «dégradation» qui a freiné, voire tiré vers le bas, les greffes en Algérie. «D’abord, il n’y pas de dons d’organes. On a initié la greffe du rein parce que la demande était colossale. C’est une souffrance terrible. La clinique rénale allait être le fer de lance et la locomotive pour développer cette pratique qui a démarré à Constantine en 1987. Cela fait 25 ans ! En parallèle, les greffes de foie, de pancréas, de cœur et notamment celle de cornée qui se pratiquaient déjà en 1962 se trouvent sur une pente descendante avec une extinction de ce qui se faisait naturellement à partir d’un donneur décédé pour ce qui est de la greffe de cornée. Actuellement, les quelques greffes réalisées à Alger utilisent des greffons qui viennent des Etats-Unis à des prix incroyables et dont les dispositifs sont contraignants. Les privés le font et le secteur public ne parvient pas à relever le défi. Aussi bien pour la greffe de rein que celle de foie qui a démarrée à Alger au centre Pierre et Marie Curie avec de jeunes et brillants chirurgiens», soutiendra le Pr Aberkane.
«Au fil du temps, c’est la déliquescence. Pourtant, il y a une volonté de faire, et ce n’est pas rien. L’acte peut être assuré et tous les maillons de la chaîne sont disponibles – néphrologie, biologie moléculaire, chirurgie,… Cette composante existe bien, ici, à Constantine, à Alger, à Oran. Il faut que la mayonnaise prenne», ajoutera-t-il.Réagissant à l’attente de l’ouverture de l’agence de don d’organes, le professeur dira qu’à son avis, «c’est une question organisationnelle moins que de compétences, puisque les ressources humaines sont là. Quand on a voulu faire la greffe rénale à Constantine, on l’a faite sans qu’il y ait une aide d’Alger. Développons la compétence existante». «Ma conviction est que le local prime, voire détermine le national. Preuve en est, lorsqu’on s’est penché sur la greffe rénale à Constantine, on a matérialisé le projet sans attendre l’aide d’Alger. Evitons l’installation de l’idée que le donneur n’adhère pas à cette option de dons d’organes. C’est la démarche elle-même qui n’est pas faite», précisera-t-il.
Évoquant la fatwa qui a soutenu le don d’organes à partir de cadavres, le Pr Aberkane dira : «La fetwa sur le don à partir de cadavres est bien là depuis les années 1980», aussi, importera-t-il de chercher le retard dans les incompétences au niveau des hôpitaux. «Les hôpitaux doivent changer de vitesse. Une rupture devrait se faire. C’est dramatique, on ne réévalue pas et on ne transforme pas les systèmes», et c’est la mission du ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière, affirmera le Pr Aberkane qui place les fonctions de l’Agence algérienne de transplantation d’organes dans un contexte purement organisationnel. Selon lui, cette structure ne devra s’occuper que des listes de donneurs et de receveurs, en toute équité. «L’authentique agence est le ministère de la Santé et de la réforme hospitalière. S’il veut accélérer la procédure, le don d’organes sera abondant», conclut-il.
N. H