Leur niveau va-t-il s’en ressentir ? Les cadres jouent au Golfe

Leur niveau va-t-il s’en ressentir ? Les cadres jouent au Golfe

C’est désormais officiel, trois nouveaux cadres de notre équipe nationale ont décidé de rejoindre des clubs du Golfe arabo-persique. Antar Yahia, Mourad Meghni et Karim Ziani ont décidé de rejoindre Nadir Belhadj au Qatar et Abdelmalik Ziaya en Arabie saoudite. Madjid Bougherra est même sur le point de les rejoindre. Nous vous proposons de faire une sorte d’état des lieux, de rappel historique et un petit bilan concernant leurs carrières pour expliquer ce qui a conduit ces footballeurs algériens à jouer au Golfe.

Belhadj,



le 1er à s’exiler

Nadir Belhadj a été le précurseur de cette partie de «Golfe» en s’envoyant d’un énorme «swing» de Pretoria la sud-africaine à Doha la qatarie. A l’époque, ce transfert avait fait couler beaucoup d’encre mais lorsqu’on analyse de plus près le parcours de l’arrière gauche des Fennecs, on a envie de dire : «Pouvait-il en être autrement ?» Formé à Lens, qui ne le conserve pas à l’issue de son cursus, c’est à Gueugnon puis à Sedan, deux modestes clubs de Ligue 2 française, que Belhadj fait la moitié de sa carrière. Il arrive à 25 ans sans avoir vraiment gagné sa vie comme un footballeur lambda. C’est lors du mercato hivernal 2007 qu’il rejoint le très riche Olympique Lyonnais pour une aventure intéressante sportivement et très lucrative financièrement. Malheureusement, l’aventure lyonnaise tourne court, Belhadj est «placardisé» par son coach Alain Perrin et décide de quitter le club au mercato hivernal pour rejoindre son club formateur, le RC Lens, en acceptant de baisser son salaire. Un choix qui se révèle fort peu judicieux puisque Lens descend en ligue 2. Parachuté à Portsmouth, avec le même salaire qu’à Lens, Belhadj rebondit en Premier League, où il fait son trou et croit voir à nouveau le bout du tunnel. Malheureusement, nouveau coup du sort, Portsmouth, son troisième club en moins de deux ans, fait faillite. Belhadj se retrouve à 28 ans avec deux choix, la Lazio de Rome en acceptant de diviser son salaire par deux, ou Al Sadd du Qatar avec un salaire net de 280 000 euros par mois et d’autres avantages. Belhadj décide finalement de signer au Qatar, et reçoit les foudres de l’ensemble des acteurs du football algérien, en premier lieu les supporters. Ce choix d’Al Sadd sera pour beaucoup dans la perte de sa place de titulaire sous l’ère Benchikha.

Meghni

a traversé le désert pour atteindre Oum Salal

Si un jour on faisait un film sur la carrière de Mourad Meghni, le titre serait assurément : «Itinéraire d’un talent maudit !» tant la carrière de ce joueur pétri de talent est un gâchis monumental. Dès son arrivée à l’INF Clairefontaine, on lui donne le maillot bleu floqué du 10 et on l’affuble du sobriquet, très dur à porter, de «nouveau Zidane». Son passage à l’AS Cannes en jeunes, comme Zizou, n’arrangera pas les choses. Cette comparaison à la star mondiale du football va lui porter la «poisse» car sa carrière professionnelle va être un fiasco énorme. Trop jeune, il fait le choix financier et part à Bologne alors que sa carrière n’est pas terminée. Un choix italien qui ne va pas s’avérer judicieux et, en 2005, retour en France pour Meghni, à Sochaux, où cela ne se passe pas bien. Il n’y restera d’ailleurs qu’une saison. L’année suivante, retour à la case départ pour une saison et enfin la Lazio Rome, l’autre grand club de la capitale italienne, qui lui ouvre ses portes et sa carrière semble enfin démarrer. Il est heureux à la Lazio et grâce à la loi sur les binationaux, initiée par l’Algérie, il quitte le coq gaulois pour le fennec algérien où, après cinq minutes face à l’Uruguay, il est adopté immédiatement par le public algérien dont il devient le nouveau chouchou. Il participe à l’épopée des éliminatoires et surtout à la trilogie égyptienne et devient l’un des héros d’Oumdorman. Malheureusement, les choses vont se gâter puisqu’il joue la CAN blessé et aggrave sa blessure au tendon rotulien lors de la demi-finale Algérie-Côte d’Ivoire. Au lieu de se soigner en France, pays en pointe en matière de genou, il choisi Aspetar, la clinique qatarie partenaire de la FAF. Il ne se rétablit pas et est privé de Mondial 2010. La Lazio lui fait comprendre qu’il ne jouera plus et après une traversée du «bunker», d’un petit «birdie», il signe dans le club qatari d’Oum Salal pour 120 000 euros par mois et enfin l’opportunité de jouer une saison en tant que titulaire. Une opportunité de jouer enfin au football après un an et demi de galère, de mettre de l’argent de côté et d’assurer sa retraite après une carrière caractérisée par le manque de chance en dépit d’un talent immense.

Antar,

du charbon de la Ruhr au pétrole saoudien

Contrairement à ses trois autres collègues, la signature d’Antar Yahia au club saoudien d’Al-Nasr est la plus acceptée par le public. En effet, le capitaine des Verts, qui avait signé à l’Inter de Milan de Ronaldo à 18 ans, malchanceux en Ligue 1, avec Bastia et Nice, a réussi une carrière magnifique et exemplaire en Allemagne, au Vfl Bochum, le petit club familial de Bundesliga situé dans la région ouvrière des bassins houillers de la Ruhr dont les valeurs sont les mêmes que sa Mulhouse natale. L’enfant originaire de Sedrata n’a jamais oublié son pays chaoui natal et l’Algérie et a toujours tout donné en équipe nationale jusqu’à nous propulser au Mondial grâce à un but d’anthologie. Après le Mondial 2010, Bochum étant désormais en Ligue 2, Antar, qui a déjà tout connu et qui est un peu émoussé, décide de relancer sa fin de carrière en signant dans l’autre club phare de la capitale saoudienne Al-Nasr, pour un salaire autour de 100 000 euros et un nouveau challenge dans la chaleur et le désert du Golfe, qui lui feront oublier la neige et le froid allemands.

Ziani,

l’armée du Qatar plutôt que les gendarmes

de Glasgow

C’est officiel depuis peu, El-Djeich, le club de l’armée du Qatar, a fait signer Karim Ziani, l’icône du football algérien. Cette signature fait beaucoup de bruit et fait grincer beaucoup de dents chez les supporters des Verts. Mais, comme l’a déclaré le numéro 15 des Verts sur nos colonnes, avait-il le choix ? Rappelons pour les amnésiques que Karim Ziani, après une magnifique saison 2007 à Sochaux, signait en grande pompe à l’Olympique de Marseille l’année suivante. Un Olympique de Marseille où il a été placardisé par un certain Eric Gerets qui avait à l’époque cédé au clan dominant dans l’équipe, celui de Djibril Cissé et surtout de Samir Nasri, star de l’OM qui ne voulait surtout pas qu’on lui fasse de l’ombre. L’année suivante, alors qu’il a l’opportunité de se relancer chez le champion d’Allemagne, Wolfsburg, il choisit plutôt de se concentrer sur son club, de tout miser sur l’équipe nationale qui se qualifie en grande partie au Mondial grâce à ses passes décisives. Des éliminatoires du Mondial qui lui vaudront une blessure qui ne lui permettra jamais de revenir à Wolfsburg. Après six mois à Kayzerispor où il est titulaire indiscutable, il se résout à quitter le club pour des raisons familiales, notamment l’absence d’école française pour ses enfants. Alors qu’il est prêt à diviser son salaire par deux, les deux offres sérieuses qu’il reçoit des Glasgow Rangers et du PSV Heindoven se révèlent dérisoires et Karim décide de signer à El-Djeich du Qatar, où il sera le leader du jeu, pourra scolariser ses enfants et enfin conservera ses 300 000 euros par mois pour assurer une reconversion, comme Djamel Belmadi et Ali Benarbia avant lui. Un choix de la raison pour Karim Ziani.

Bougherra,

le 5e

Lekhouiya, le club de Djamel Belmadi, champion du Qatar, a tout fait pour l’avoir, mais Bougy a décliné l’offre dans un premier temps. Madjid Bougherra avait l’opportunité de signer enfin le gros contrat égal à son immense talent pour devenir le 5e Fennec à arriver dans le Golfe. Notre Madjid Bougherra national rêvait de retrouver la Premier League, qu’il avait connue en 2007/2008, il a songé à rester une année de plus en Ecosse en espérant une signature en Angleterre au mercato hivernal. Mais dans un deuxième temps, le rêve tend à devenir réalité. Madjid est sur le point d’opter pour Lekhouiya, il va pouvoir troquer ses 80 000 euros par mois des Rangers pour un salaire à six zéros.

Une Europe

du football en crise économique qui ne peut

plus payer ses joueurs

Certains pensent que ce problème de signature au Qatar ne concerne que les Algériens. Certains cèdent à la facilité en disant que les joueurs algériens ne pensent qu’à l’argent, etc. Ces gens se trompent lourdement. La signature du Marocain El Arabi et de son compatriote Hermach en est la preuve. Même les Sud-Américains et les joueurs d’Afrique subsaharienne signent directement au Qatar et y font toute leur carrière. Le problème c’est qu’un footballeur, depuis la nuit des temps, monnaye son talent au club le plus offrant. A une époque, l’argent était en Europe et on signait en Europe, ensuite l’argent était aux Japon et dans les années 90 tous les entraîneurs et les joueurs sont partis pour le pays du Soleil-Levant. Aujourd’hui, l’argent et les moyens se trouvent dans le Golfe et tous les joueurs talentueux signent dans le Golfe. L’aspect péjoratif de ces signatures est agité par les Européens qui n’acceptent pas et sont vexés d’être devenus un second choix face à des pays supposés «inférieurs», qui se payent même le luxe d’acheter leurs clubs.

Leur niveau

va-t-il s’en ressentir ?

La Fédération qatarie de football a obtenu, comme chacun le sait, l’organisation de la Coupe du monde 2022. L’objectif étant de bien figurer lors de ce Mondial. Elle a ainsi décidé de relever le niveau de son football en augmentant le niveau de son championnat de première division en deux phases. La première consiste à doter ses clubs de tous les moyens en termes de finances et d’infrastructures, la deuxième à recruter de grandes stars du football mondial pour jouer et entraîner dans ces mêmes clubs. Le frère ennemi saoudien calque sa politique sur le Qatar, même sans Coupe du monde. Voilà ce qui explique la présence de nos Fennecs dans les clubs qataris et saoudiens. La seule interrogation qu’on est en droit de se poser, c’est : «Est-ce qu’en termes de rythme et de niveau de jeu, nos joueurs, habitués à l’Europe, ne vont pas perdre leur niveau ?» L’avenir nous le dira.

Vahid va

scruter leurs matchs

à la loupe

Soyons sûr que Vahid Halilhodzic, l’entraîneur national, va abandonner son abonnement au bouquet satellite français pour celui du Qatar, pour suivre et même scruter à la loupe tous les faits et gestes des Algériens du Golfe et s’enquérir de leur forme. Nos joueurs devront cravacher dur pour conserver leur niveau qui sera synonyme pour coach Vahid de poursuivre l’aventure chez les Verts.