Le cadavre mal conservé pose un véritable problème pour le légiste
Lors de la catastrophe de Boumerdès, on a fait appel aux étrangers car le pays ne disposait pas suffisamment de médecins légistes.
On ne respecte même pas les morts en Algérie. La législation régissant le décès et le traitement dû aux cadavres est complètement dépassée. Elle n’est pas encore dépoussiérée, selon les professeurs présents hier aux travaux de la Journée scientifique nationale de médecine légale judiciaire. Le Code de la santé publique ou la loi sanitaire doit être réadapté pour apporter la solution aux maints problèmes rencontrés par le médecin légiste dans la pratique quotidienne.
En attendant, ce sont les fetwas qui s’y sont engouffrées ainsi que l’anarchie au niveau des CHU et hôpitaux algériens. Outre l’absence de couverture correcte, on parle des morgues dont le système électrique tombe souvent en panne à l’image de celui de l’hôpital de Mila pour ne citer que celui-là, sachant que le cadavre mal conservé pose un véritable problème pour le légiste, apprend-on encore.
Dans ces conditions, les opérations de prélèvement ou celles relatives au don d’organe ne sont codifiées ou organisées par aucun texte législatif. L’Agence nationale de greffe et de transplantation d’organe n’a pas encore vu le jour faute de texte d’application alors que le projet de décret de sa création existe, fait savoir le même professeur.
La législation funéraire date de 1975. Elle avait été préparée par Ahmed Medeghri, l’ancien ministre de l’Intérieur. La réadaptation de ce texte, souligne-t-il, pourra se solder par la création de plusieurs postes d’emploi à travers la généralisation de la création de sociétés de pompes funèbres.
Lors de la catastrophe de Boumerdès on a fait appel aux étrangers alors que l’Algérie dispose de 200 médecins légistes dont 14 professeurs et une soixantaine d’autres en formation, regrette le vice-président de la Société algérienne des science médico-judiciaires, le professeur Aziz Benharkat en déplorant du coup le manque de confiance en nos médecins légistes. «Sur le plan de la formation nous n’avons pas à nous plaindre. Nous pouvons assurer la couverture de tout le territoire national. Cependant, la corporation souffre du manque d’organisation pour la répartition correcte à travers toutes les régions du pays.»
Or, dit-il, «le Comité national de médecine légale relevant du département de la santé, de la population et de la réforme hospitalière, a qui échoit ce rôle d’organisation, ne s’est pas réuni depuis 1995!». Il faut «réviser et revoir nos codes et nos textes tombés en désuétude et se mettre au diapason du progrès qui se fait ailleurs», poursuit-il. Selon Anne-Marie Duguet, maître de conférence des universités Inserm, présente à la rencontre d’hier, le respect du corps humain ne cesse pas après la mort, les restes de personnes décédées doivent être traitées avec respect , dignité et décence.
On ne porte pas atteinte à l’intégrité corporelle, on respecte les droits de la personne morte. «Tout éléments séparé de corps humain ne saurait devenir assimilable à une marchandise, fut-ce par le biais d’un instrument juridique», estime-t-elle.
En outre, les conditions prévues pour l’autopsie scientifique ne s’appliquent pas à l’autopsie judiciaire, selon cette spécialiste.
La famille doit avoir accès au corps avant sa mise en bière qui leur garantisse respect. Par ailleurs, a ce jour, différents modèles de constat de décès sont utilisés en Algérie. Le dernier remonte à 2006. S’il répond au normes de l’OMS, il est très peu utilisé. La plupart des modèles ne comportent pas des éléments fondamentaux tels que la forme médico-légale. On a constaté également l’absence de la cause de la mort et l’utilisation de deux langues différentes. Pour les légistes, il s’agit beaucoup plus d’un certificat descriptif.
Or, un certificat de décès mal fait peut avoir des répercutions graves sur la crédibilité des institutions publiques et porter atteinte à la justice.