Qu’est-ce qui motive des femmes, de tout âge, à casser les tabous en s’unissant avec des étrangers ? En Algérie, ce phénomène s’est accentué.
De vieux clichés et tabous se sont évanouis, comme par enchantement. L’étranger et l’étrangère sont de plus en plus admis dans le circuit fermé des petites familles algériennes, comme pour faire écho à notre hospitalité légendaire. Certaines femmes aspirent à plus de liberté en épousant un Français, un Espagnol ou un Canadien. De leur côté, nos jeunes hommes recherchent dans les yeux bleus et les formes plantureuses des Européennes de l’Est, une certaine forme de féminité, un tempérament calme et susceptible de s’adapter à la culture algérienne, ses traditions, sa religion.
Elles supporteraient même le machisme du conjoint et l’envahissante belle-famille. Chacun ayant trouvé chez l’autre ce qu’il ne trouvait pas dans sa propre société, à savoir une beauté différente, une liberté, une ouverture d’esprit, un exotisme ou une histoire d’amour… tout simplement. Plusieurs points de vue s’opposent dans ce genre de situation. Certains pensent que les mariages mixtes dans notre société sont un signe de progrès prétextant que les enfants nés dans ces familles sont plus intelligents et plus beaux, ils se débarrassent des barrières ethniques. D’autres pensent, au contraire, que l’union « internationale » est toujours source d’ennuis et finit toujours par une séparation et un divorce.
Le bonheur, et au bout…
Kami a 33 ans. Algérienne d’origine kabyle, elle a rencontré Morrizio, un Sicilien en 2012. Employée dans une entreprise multinationale, la jeune fille a trouvé son confort auprès de cet Italien qui la fait vivre, selon elle, « comme une princesse ». « Auparavant, j’étais fiancée à un Algérien durant une année. Il m’a laissée tomber la veille où nos parents devaient se rencontrer pour fixer la date du mariage » raconte-t-elle . « L’amour de ma vie s’est débiné à la dernière minute prétextant qu’il n’était pas sûr de ses sentiments ». Ce fut le choc pour Kami qui a sombré dans la déprime. Quelque temps après, elle a repris le travail et s’est retournée vers Morrizio qui, pendant longtemps, l’avait sollicitée pour une union stable.
Après une longue réflexion, elle a fini par dire « oui » et ce, après avoir usé de tous les moyens pour convaincre son grand frère qui s’était opposé à ce prétendant étranger et non musulman plus particulièrement. « Morrizio était prêt à tout pour moi, il s’est reconverti à l’Islam, il a suivi toutes les procédures administratives lui permettant de devenir un citoyen algérien musulman et, quelques jours après, je suis devenue épouse de Youcef Marone », dit-elle avec fièrté. « L’Algérien m’a maltraitée et humiliée alors que l’Italien respecte ma famille et ne me pose pas de problème dans mon travail ou dans la manière de voir les choses », a-t-elle précisé. Kami ne manquera pas pourtant de préciser que même si son époux a changé de religion, sa famille le considère toujours comme un étranger.
« Il y a une sorte de cassure avec ma belle-famille », dira-t-elle déçue. Dans les mariages mixtes, les origines ou la couleur de la peau sont « gérables ». La religion est le facteur qui crée le plus de malentendus. Chose réglée pour Manel qui a assumé son choix en épousant, il y a sept ans, un Allemand. Le couple avait décidé au départ de ne pas se mêler de la religion de l’autre et de se respecter mutuellement. « Je suis musulmane, c’est l’essentiel », dira-t-elle avec assurance. « Il me donne beaucoup d’amour, me respecte, je voyage énormément et je suis très choyée par mon époux, chose que je n’aurais pas trouvée auprès d’un Algérien dont l’orgueil mal placé et le machisme m’auraient détruite. » « Mon mariage a beaucoup d’avantages, particulièrement sur mes enfants qui ont désormais des cultures et des langues différentes », s’est-elle félicitée. « Il faut être ouvert et tolérant. »
… La déception
En général, l’inconvénient majeur est d’ordre culturel. Lamia, coiffeuse à Alger-Centre, a vécu un fiasco avec un Portugais. « Après une déception avec un Algérien qui m’a quittée pour ma meilleure amie, je me suis jurée de ne jamais épouser un gars du bled », dira-t-elle. Elle rencontrera pourtant son Portugais lors d’une réception. Ce fut le coup de foudre. Mais une fois unis, elle a découvert qu’il était dépressif. Pire, il la battait et la maltraitait. « Je suis partie vivre avec lui juste pour essayer de l’aider mais il m’a été très difficile de m’adapter à la culture et vice-versa.
Ce qui engendrait tout le temps des malentendus, des disputes et cela avait fini par un divorce pour un problème d’incompréhension. » Le mariage mixte entre les hommes et les femmes de différentes cultures et ethnies devient très courant. Ces mariages sont pourtant très complexes. Les gens se marient souvent sans se rendre compte du fait que le mariage, plus qu’un sentiment, est toute une vie. Très souvent, la première impression qu’on a de la personne diffère énormément de la réalité quotidienne. Et si les sentiments sont forts, cela permet de tout surmonter. L’origine commune des époux ne garantit rien et n’est pas le gage d’un mariage qui dure.
Rym Harhoura