Paris a finalement donné l’accréditation au nouvel ambassadeur d’Algérie, Amar Bendjama, confirmant par là même le rappel de Missoum Sbih dont le sort a longtemps miné le fonctionnement de la représentation algérienne. Ainsi, Missoum Sbih, 77 ans, un des symboles de “la diplomatie des copains”, initiée par la président Bouteflika, rentre à Alger après 8 ans en poste à Paris avec un bilan dont les observateurs ont du mal à qualifier de réussite.
En effet, cet énarque, natif d’Oran, dont le nom est associé à la réforme éponyme concernant les institutions de l’État, quand il occupait le poste de conseiller du Président de 2000 à 2005, n’a pas été le grand ambassadeur que l’Algérie espérait. Paris étant une place forte et dynamique, Missoum Sbih a chloroformé les relations algéro-française au point que le Quai d’Orsay privilégiait le canal de son ambassade à Alger pour créer les passerelles utiles entre les deux pays.
Mais Missoum Sbih aura tout de même les honneurs d’une lettre dithyrambiques de la part de son “patron”, le MAE, Mourad Medelci, qui a pris sa plus belle plume pour lui rendre hommage : “En effet, et tout le monde en témoigne, vous n’avez ménagé aucun effort afin de porter tout haut la voix de I’ Algérie (…) sans oublier votre rôle dans la consolidation des relations bilatérales algéro-françaises”, écrira-t-il.
Au-delà de l’aspect surréaliste de cet hommage, Missoum Sbih n’aura pas laissé un souvenir impérissable au sein de la communauté algérienne en France et l’échec de son mandat est triple. D’abord, au niveau politique. Le désormais ex-ambassadeur avait pour mission première, et il ne s’en cachait pas auprès de ses interlocuteurs français et algériens, d’organiser une visite d’État du président Bouteflika à Paris. Le président algérien n’avait plus remis les pieds à Paris, en voyage officiel, depuis sa retentissante visite de juin 2000, à l’invitation du président Chirac. Depuis, et bien que deux présidents français se soient succédé (Sarkozy puis Hollande), et qu’ils ont invité officiellement le président algérien, l’ambassadeur Sbih n’a pas réussi en 8 ans d’exercice de monter une telle visite. Certes, ses défenseurs vont plaider le fait que c’est au président Bouteflika de donner son aval, mais le peu d’entrisme de Sbih et son manque d’initiatives ont définitivement plombé la photo d’un Bouteflika avec les honneurs du tapis rouge à l’Élysée.
Ensuite, échec diplomatique. Sur tous les dossiers qui ont envenimé les relations bilatérales algéro-françaises, Sbih était aphone et n’a pas su peser pour défendre les intérêts de l’Algérie. Sur celui du Sahara Occidental, pomme de discorde entre Paris et Alger, l’ex-ambassadeur n’a pas réussi à mieux expliquer la démarche algérienne et n’a pas su diminuer de l’agressivité diplomatique française sur ce dossier en faveur du Maroc. Les interventions françaises en Libye puis au Mali n’ont fait que confirmer ce constat d’échec puisque la représentation algérienne à Paris n’a pas su être réactive ou au moins nouer les canaux indispensables pour que ces dossiers ne deviennent pas des différends irréconciliables.
Enfin, l’échec consulaire. Sur cet aspect, il ne faudrait pas faire de sondages auprès de la communauté algérienne en France pour comprendre la vacuité de la représentation algérienne qui a abandonné la communauté à elle-même. On reproche à Sbih de se comporter davantage comme un “super consul” que comme un chef de poste diplomatique et son interventionnisme récurrent dans le travail des consuls algériens était devenu insupportable. Si l’on y ajoute les dossiers du transport aérien, celui des rapatriements, de l’état civil, ou de la Mosquée de Paris, notre ambassade était bien en deçà des attentes.
En définitive, ce triple échec de Sbih, qui a réussi le tour de force de n’apparaître sur aucun plateau TV durant 8 ans, suppose que Paris a cessé d’être une place forte pour l’Algérie.
Le nouvel ambassadeur a du pain sur la planche pour remettre l’influence algérienne à l’endroit et être le premier lobbyiste algérien en France.
M B