Le procès du réseau accusé d’être à l’origine de l’acheminement pour adoption d’enfants vers la France en contrepartie d’argent a finalement été reporté à la prochaine session criminelle. Le président du tribunal criminel a motivé cette décision par l’absence de plusieurs accusés. Retour sur cette affaire.
Sur treize accusés, seulement sept étaient présents hier à l’audience. Au banc des accusés, un médecin et le fils d’un notaire en détention provisoire depuis quatre années et quatre femmes qui comparaissaient en étant toujours en liberté. Ils sont poursuivis sur la base des articles 321 et 326 du code pénal relatifs au détournement et enlèvement d’enfants sans user de violence et sur la base des articles 216 et 218 relatifs aux chefs d’inculpation de faux et usage de faux. Leur sort ne sera finalement connu que lors de la session criminelle prochaine. Le juge a décidé du report du procès en raison de l’absence d’accusés, essentiellement les familles adoptantes qui se trouvent en France. Le juge a précisé que les procédures de contumace seront entreprises contre les accusés absents au cas où ils ne se présenteraient pas devant le tribunal criminel lors de la prochaine session. Une décision qui n’a pas été du goût de la défense qui espérait l’ouverture du procès. Les avocats des principaux accusés, à savoir le médecin généraliste et le fils du notaire, ont tenté vainement d’obtenir la libération provisoire de leurs clients maintenus en détention provisoire depuis quatre années. Le président de la cour a estimé que les faits qui leur sont reprochés sont loin d’être «banals». Ces derniers remontent à 2009 lorsque, suite au décès d’une jeune fille après un accouchement dans une clinique privée à Aïn Taya, les enquêteurs découvrent un réseau bien organisé et spécialisé dans l’acheminement de bébés vers la France pour adoption monnayant de l’argent. Les enquêteurs ignorent combien d’enfants exactement ont été ainsi transférés vers la France. Des investigations avaient permis de récupérer trois enfants au domicile d’une puéricultrice exerçant dans une pouponnière à El- Biar. Les enquêteurs avaient également retrouvé 12 certificats d’adoption rédigés entre 2005 et 2006, dans lesquels figurent neuf enfants déjà expatriés. Le mode opératoire était toujours le même : un médecin généraliste exerçant à Aïn Taya illégalement comme obstétricien proposait à des mères célibataires non pas l’avortement mais une prise en charge totale jusqu’à l’accouchement. Ces futures mamans étaient alors hébergées chez des femmes en attendant l’accouchement. Une fois les bébés venus au monde, ils étaient enregistrés au nom de la maman célibataire avant que cette dernière ne signe devant notaire une kafala au profit de couples choisis par le médecin. Les mamans étaient-elles consentantes ? Savaient-elles que leurs bébés étaient confiés contre une somme d’argent que percevait le médecin ? Selon plusieurs avocats de la défense, le juge aura beaucoup de mal à prouver l’usage du faux car, affirment-ils, les mamans étaient consentantes et les kafalas faites devant notaire sont valables puisque remplissant toutes les conditions exigées par le législateur. Le notaire qui les avait rédigées n’est plus de ce monde. C’est son fils qui est poursuivi pour usurpation de la fonction de son défunt père. Une accusation qui lui a valu quatre années de détention provisoire en attendant l’ouverture du procès. Le même sort est réservé au médecin qui, affirme-t-on, avait déjà été inculpé pour avoir pratiqué des avortements non thérapeutiques sans compter qu’il pratiquait l’obstétrique sans en avoir le diplôme. En attendant la prochaine session criminelle, il sera tout comme le fils du notaire maintenu en détention. Le procès permettra certainement de dévoiler davantage de détails sur une affaire qui tient en haleine l’opinion publique.
N. I.