Initialement réticente à une intervention militaire dans le conflit malien, Alger soutient désormais l’opération française contre les groupes armés au Mali. Pour l’instant, le pays n’est pas entré en action pour chasser les différents groupes terroristes armés qui occupent le Nord-Mali, mais a autorisé les avions français à survoler son territoire.
Alger a-t-il changé sa position vis-à-vis de cette crise ? Pour les plus avertis sur ce dossier malien, l’Algérie n’a jamais exclu le recours à la force pour éliminer la menace terroriste.
Pour ce conflit malien, la messe est dite. Presque tout le monde s’y mêle y compris l’Algérie qui a décidé d’ouvrir son espace aérien pour permettre aux appareils basés en France de participer aux frappes au Mali.
L’information, communiquée par le ministère des Affaires étrangères français, n’a pas été confirmée par Alger. En effet, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius a indiqué dimanche que l’Algérie a autorisé sans limite le survol de son territoire aux avions français. La France aura trouvé finalement en l’Algérie un soutien de taille.
L’Algérie «a autorisé le survol de son territoire et je l’en remercie», se réjouit le ministre des Affaires étrangères français à l’émission Grand Jury LCI-Le Figaro-RTL. Il a confié: «Nous travaillons avec les Algériens, nous continuons à discuter. Ce que nous avons à l’esprit c’est que si les troupes africaines doivent remonter au Nord, il faudra que les Algériens ferment leurs frontières».
La décision d’Alger d’ouvrir son espace aérien aux appareils français basés sur le territoire national et qui frappent les islamistes dans le nord du Mali est significative compte tenu de la position officiel d’Alger et ses craintes face à toute intervention militaire de Paris dans la région. Une intervention militaire qui risque d’embraser toute la région.
Le nombre de réfugiés maliens est appelé à augmenter avec le risque que des terroristes d’Aqmi de s’y s’infiltrer. Pourquoi alors, l’Algérie a décidé d’ouvrir son espace aérien pour l’aviation française ? Y a-t-il un changement dans la position officielle d’Alger depuis la dernière visite du président français en Algérie? Autant de questions que l’opinion publique ne cesse de poser et qui méritent certainement des réponses par les autorités algériennes.
Il est clair que le dossier malien était au centre de la visite de François Hollande à Alger. Mais peu a filtré sur le contenu des négociations entre les deux parties, algérienne et française. Vendredi, la veille du déclenchement de cette opération militaire au nord du Mali, le chef de la diplomatie française a téléphoné à son homologue algérien, Mourad Medelci. Mais là aussi, rien n’a filtré.
Interrogé sur cette intervention militaire, Amar Belani, porte-parole du ministère des Affaires étrangères a estimé qu’«il faut surtout bien noter que c’est une décision souveraine du Mali», rappelant que c’est ce dernier qui «a demandé l’aide de puissances amies pour renforcer ses capacités nationales de lutte contre le terrorisme». Une déclaration que chacun de nous peut interpréter à sa façon. Soutien à l’intervention militaire pour certains, silence complice pour d’autres.
Une chose est sûre, en prenant acte de l’intervention militaire étrangère au Mali, l’Algérie légalise l’opération en soulignant que celle-ci s’est faite à la demande de Bamako, qui a lui-même demandé l’aide des puissances amies.
Peu avant, il y avait cette déclaration du Premier ministre depuis la Libye: «nous avons soutenu au maximum le dialogue et continuons et le faire mais en cas d’atteinte à la sécurité et d’utilisation d’autres moyens, nous sommes appelés à être fermes».
Comprendra qui voudra. Mais à observer les différentes déclarations des responsable algériens depuis le début de ce conflit, Alger n’est pas pour le tout politique dans le règlement de cette crise. En fait, l’Algérie n’a jamais exclu le recours à la force pour éliminer la menace terroriste.
LA GUERRE APPROCHE DE NOS FRONTIÈRES
Au quatrième jour de l’intervention militaire au Mali, l’armée française poursuit ses opérations. Après avoir stoppé la progression des islamistes vers le Sud, en direction de Bamako, les forces françaises, engagées dans la guerre au Mali, se sont attaquées au fief des islamistes dans le nord du pays, notamment les régions de Kidal, de Gao et de Tombouctou.
Des raids aériens ont été effectués dimanche par l’aviation française près de Gao et Kidal dans le nord du Mali où une offensive de l’armée malienne a été lancée contre les groupes armés.
Le chef de la diplomatie française a affirmé que la progression des groupes islamistes vers le sud du Mali est stoppée et que la France s’est attaquée aux bases arrière des terroristes dans le nord du pays, précisant que des frappes ciblaient l’un de leurs fiefs, Gao. A en croire Fabius, les terroristes ont été stoppés dans leur tentative d’avancer vers le sud du Mali.
Le chef de la diplomatie française a rappelé par la même occasion que l’intervention des militaires français au Mali avait trois objectifs, à savoir bloquer l’avancée des terroristes, permettre de recouvrer l’intégrité du Mali et l’application de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui prévoit un dialogue politique et de traiter l’aspect développement du pays.
LES DJIHADISTES CONTRE-ATTAQUENT
Mais, les djihadistes ont repris hier l’offensive au Mali, s’emparant de la ville de Diabali, à 400 km au nord de Bamako, tout en menaçant de «frapper le coeur de la France», qui bombarde depuis quatre jours leurs colonnes et leurs positions, leur occasionnant de lourdes pertes.
Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a confirmé la prise par les islamistes de Diabali, non loin de la frontière avec la Mauritanie. «Nous savions qu’il y aurait une contreoffensive vers l’ouest, d’autant plus que là se trouvent des éléments déterminés, les plus structurés, les plus fanatiques (…).
Ils ont pris Diabali, qui est une petite commune, après des combats importants et après une résistance de l’armée malienne qui était insuffisamment dotée à ce moment précis», a déclaré le ministre sur la chaîne BFM-TV. L’attaque sur Diabali était dirigée par Abou Zeid, un des chefs d’Al- Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), selon une source sécuritaire régionale, qui a confirmé l’attaque. Peu avant, les Djihadistes ont menacé de frapper le coeur de la France.
«La France a attaqué l’islam. Nous allons frapper le coeur de la France. Au nom d’Allah, nous allons frapper le coeur de la France. Partout. A Bamako, en Afrique et en Europe», a déclaré à l’AFP Abou Dardar, l’un des responsables du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
LA FRANCE EN MANQUE DE LÉGITIMITÉ ?
La France a sollicité pour aujourd’hui une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. En matière de légitimité internationale, l’affaire se corse donc.
Fin décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité la résolution 2085 autorisant le déploiement d’une force internationale dans le pays «pour une période initiale d’un an». Mais cette résolution, comme le rappelle encore le Quai d’Orsay, privilégiait la mise en place d’une opération «exclusivement africaine» dans le cadre d’une «Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA)».
Pour justifier l’intervention française, Paris a donc mis en avant l’article 51 de la charte de l’ONU qui mentionne «le droit de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée».
Et ce jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Paris et Bamako étant liés par des accords de défense bilatéraux, la France estime avoir respecté le droit international en prêtant secours au gouvernement officiel du Mali, qui avait réclamé son aide dans une lettre adressée à Paris vendredi dernier. Reste que cette intervention isolée de la France alimente les soupçons.
M.A.M.