«On ne peut pas instaurer un projet économique sur un soubassement bureaucratique»
Pour cet industriel, la ressource humaine est la vraie richesse qu’il faut préserver.
C’est en tant que professionnel averti ayant passé plus de 30 ans au service de l’entreprise algérienne, que Larbi Ouhamed nous fait le constat du climat économique actuel. Il estime que la réindustrialisation du pays est un beau rêve auquel il faut y croire. Néanmoins, il affirme sans ambages que les conditions et l’environnement actuel ne le permettent pas! «On ne peut pas instaurer un projet économique sur un soubassement bureaucratique néfaste et antiéconomique», soutient-il. «Il faut donc d’abord faire un diagnostic précis de la situation et solutionner trois problèmes que je vois comme principaux freins du développement de notre économie», ajoute-t-il.
Le premier de ces freins est, selon lui, sans conteste, l’inflation. Un terrible problème qui freine et casse tout élan de l’économie nationale. «Il faut juguler cette inflation galopante», rétorque-t-il. «Pour cela on a besoin de productivité. On ne peut pas manger ce qu’on on ne produit pas. Pour vaincre l’inflation, il faut aussi nécessairement faire de la croissance. Mais malheureusement, le climat économique actuel ne le permet pas», assure, d’un air dépité, M.Ouhamed. A l’obstacle de la bureaucratie s’ajoutent «les problèmes des producteurs, le marché informel qui se consolide d’année en année, la communication dans l’interprétation des textes qui n’est pas claire et précise et le grand chantier des banques qui abusent des pouvoirs que leur ont conféré les pouvoirs publics», poursuit-il. Larbi Ouhamed souligne avec force et conviction que «les ressources financières ne valent absolument rien sans les ressources humaines». «S’il y a une richesse à préserver jalousement, c’est bien celle des ressources humaines», insiste-t-il. «Les universitaires ont besoin de vraies formations pratiques dans les entreprises. Celles-ci assureront une partie du salaire pour une période déterminée. Ce qui permettra aux étudiants d’être formés et de créer la stabilité pour l’entreprise et pour le salarié», atteste-t-il. Il rappelle également que les entreprises qui ont subi les conséquences de la LFC 2009, en souffrent encore. Le patron de Dekorex ne s’est pas contenté de la position confortable de faire des critiques et des constats. Il pose des solutions et des pistes de réflexion. Il rappelle, entre autres, d’abord l’application des décisions prises par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, notamment lors de sa réunion avec les walis en août dernier. «Abdelmalek Sellal a cerné les problèmes qui touchent les producteurs en faisant un constat objectif et en prenant des décisions pour les régler», témoigne-t-il.
Néanmoins, il regrette que ces décisions soient restées jusque-là lettre morte. «On constate malheureusement une non-application de ces recommandations ou une mauvaise interprétation. Et parfois, il y a même un manque de volonté de la part des exécuteurs», dénonce-t-il.
Ce chef d’entreprise réclame également la réduction des charges salariales pour les entreprises de production afin «de leur permettre de créer de nouveaux postes d’emploi et former du personnel». «Je recommande aussi à ce que le taux de TVA qui est actuellement de 17% soit réduit à 10% pour les entreprises de production, j’ai bien dit de production, celles qui apportent de la plus-value. L’IRG doit, lui aussi, être réduit, surtout que cet impôt est partagé par les travailleurs et les entreprises», exhorte cet entrepreneur. Il dénonce aussi le surplus des coûts dans l’importation des matières premières dû au retard de dédouanement. «Cela est un cas type de la bureaucratie qui gangrène le pays. Ces retards sont en plus aussi une forme d’inflation», certifie-t-il. «Pourquoi ne pas faire travailler le port d’Alger avec le système du 3 fois 8? Notre économie gagnera beaucoup grâce à cette simple réorganisation des horaires de travail dans le port d’Alger», s’interroge-t-il. Larbi Ouhamed qui souligne le manque de formation des cadres, insiste sur un partenariat entre les universités et les entreprises. Notre interlocuteur a aussi tenu à revenir sur la dernière tripartite. Il estime qu’il est trop tôt pour la juger car «pour le moment ce n’est qu’une réunion qui s’est tenue, il faudra attendre pour voir les résultats».
Cependant, il regrette que les associations de chefs d’entreprise présentes à cette réunion ne soient pas représentatives du volume des entreprises nationales. «Le FCE, par exemple, ne représente que 250 entreprises nationales, ce qui est très insuffisant pour pouvoir représenter la dynamique du développement de l’économie nationale», témoigne-t-il. «Par conséquent, il n’y a pas assez d’informations pour pouvoir alimenter les pouvoirs publics afin qu’ils prennent une décision adéquate», certifie M.Ouhamed qui salue au passage l’initiative de la création de la nouvelle organisation patronale et leur regroupement.
«J’irais plus loin en préconisant la création d’un syndicat patronal. Cela permettra aux pouvoirs publics d’être alimentés par des informations précises et diversifiées», propose-t-il comme idée.
«L’Algérie est un territoire vaste, deux fois et demi plus grand que la France, on ne connaît pas ce qui se passe à 200 km d’Alger, or ces entreprises ont, elles aussi, des problèmes mais comme elles ne sont pas représentées, ils n’arrivent pas aux oreilles des autorités car elles ne sont pas représentées», dit-il pour expliquer l’importance de ce syndicat. «Ce syndicat patronal devra apporter les solutions objectives et devra représenter toutes les entreprises nationales. Ça sera un tableau de bord pour les autorités et en même temps un contrepoids», conclut Larbi Ouhamed.