L’Algérie a fermé sa frontière avec le Mali, où une intervention militaire française est en cours, a annoncé lundi 14 janvier le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Amar Belani. Samedi, l’Algérie avait exprimé son soutien « sans équivoque » aux autorités de transition au Mali où l’armée, appuyée par les troupes françaises, a lancé une contre-offensive pour repousser l’avancée vers le sud des groupes islamistes.
Alger, initialement réticente à une intervention militaire dans le conflit malien, soutient maintenant l’opération française contre les islamistes au Mali en autorisant le survol de son territoire par l’aviation française. Il n’est cependant pas question officiellement pour Alger d’envoyer des troupes au Mali frontalier. Les Algériens ont toujours eu pour principe de ne pas intervenir militairement dans un pays étranger.
« LA POSITION D’ALGER A ÉVOLUÉ »
« L’Algérie a sans doute été un peu surprise que l’opération ait été lancée aussi rapidement », ont estimé des diplomates étrangers à Alger. « Elle a fait contre mauvaise fortune bon cœur », a ajouté l’un d’eux, tout en rappelant que l’option militaire pour combattre le terrorisme n’avait jamais été écartée par Alger.
Omar Belhouchet, patron du quotidien francophone algérien El-Watan, confirmait à RFI lundi un « incontestable » tournant dans la position d’Alger, qui « a tout fait, à juste titre, pour que les choses se règlent de manière diplomatique ». Les Algériens, selon lui, « se sentent aujourd’hui trahis par les représentants d’un certain nombre de groupes maliens », qui ont profité des négociations pour se réorganiser.
« IL FAUDRA QUE LES ALGÉRIENS FERMENT LEURS FRONTIÈRES »
« La position d’Alger a évolué », confirme le politologue Rachid Tlemçani, pour lequel l’autorisation de survoler le territoire revient à « une forme de participation indirecte »algérienne à cette entreprise militaire. Mais pour lui, les Algériens « doivent être vraiment déçus », car « la France jouait le double jeu de la négociation pendant qu’elle se préparait militairement ».
Dimanche soir, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, a précisé que Paris « travaillait avec les Algériens. Nous continuons de discuter », avait-il dit, après avoir annoncé qu’Alger avait « autorisé sans limite le survol de son territoire » aux Rafale français basés en France. « Ce que nous avons à l’esprit, c’est que si les troupes africaines doivent remonter au nord, il faudra que les Algériens ferment leurs frontières », a précisé M. Fabius.
L’ALGÉRIE « EXPORTE » SES PROBLÈMES
Le Conseil de Sécurité de l’ONU devait se réunir lundi à la demande de Paris, désireuse qu’on « accélère la mise en œuvre de la résolution 2085 » qui autorise le déploiement de la Force internationale de soutien au Mali (Misma), approuvée le 20 décembre. Ce déploiement était prévu par étapes.
Et les délais ont fait grincer des dents en Afrique de l’Ouest, selon le politologue nigérian Jibrin Ibrahim. « L’Algérie et la Mauritanie ont déployé leur vaste pouvoir de lobbying au sein de l’Union africaine et de l’ONU pour faire seulement prévaloir la ligne de négociations » inter-maliennes. Entre temps, les insurgés ont pu« consolider leurs positions », accuse-t-il. Ils ont « tout fait pour bloquer le rôle de leadership de la Cédéao. Pour nous en Afrique de l’Ouest, nous ne pouvons paspermettre à l’Algérie et à la Mauritanie de poursuivre cette politique d’exportation de leurs problèmes dans notre région ».
Le premier ministre malien par intérim, Diango Cissoko, accompagné d’une importante délégation, dont le ministre de la Défense, Diaran Koné, se trouve à Alger depuis dimanche. Il a été reçu lundi par le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, mais aucune information n’a filtré sur les discussions.