Lakhdar Brahimi, le dernier espoir de la Syrie multiethnique

Lakhdar Brahimi, le dernier espoir de la Syrie multiethnique

Il a mis fin aux hostilités au Liban et en Irak. Il a défendu le putsch militaire algérien en 1992 à titre de ministre des Affaires étrangères du pays. Sa fille a été correspondante à Baghdad pour CNN puis a épousé un prince jordanien. Lakhdar Brahimi, le nouveau représentant de l’ONU en Syrie, entame son mandat cette semaine avec des négociations au Caire et à Damas. Portrait d’un géant controversé de la diplomatie.

Lakhdar Brahimi est arrivé avant-hier au Caire et arrivera plus tard cette semaine à Damas. Le diplomate algérien de 78 ans a été mandaté par l’ONU pour trouver une résolution à la guerre civile. Pour y arriver, il aura besoin de toute son expérience, qui remonte aux années cinquante, alors qu’il représentait le Front de libération national algérien en Asie.

«Il va essayer de recomposer la Syrie sur le modèle libanais des quotes-parts attribuées aux composantes communautaires ou confessionnelles», explique Sami Aoun, politologue à l’Université de Sherbrooke. «Ce serait en quelque sorte un nouvel accord de Taëf, comme celui qui a mis fin à la guerre civile au Liban en 1989. Brahimi avait participé aux négociations. Il a aussi, comme représentant de l’ONU en Irak après l’invasion américaine, réussi à organiser une division similaire du pouvoir sur une base ethnique. Le président irakien est kurde, le vice-président sunnite, le chef du gouvernement chiite.»

Comment interpréter ces contributions de M. Brahimi à la paix au Moyen-Orient avec sa défense des putschistes algérien en 1992, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères du pays? «Je crois qu’il est plus sensible aux revendications des minorités, ou en tout cas plus avancé dans sa réflexion à ce sujet, dit M. Aoun. L’Algérie est très opposée au printemps arabe, surtout en Libye, et contre la représentation des minorités. Mais en même temps l’Algérie est un pays qui n’a pas d’animosité majeure avec l’Iran ou la Russie. Ça va être utile pour M. Brahimi, vu leur appui au régime Assad.»

Après une longue carrière politique dans son pays natal – «il a sûrement rêvé au pouvoir», dit M. Assad – M. Brahimi est devenu indispensable à l’ONU, la représentant lors des premières élections en Afrique du Sud en 1994, puis en Haïti, au Yémen, en Afghanistan et en Irak, entre autres. «Sa proposition de réforme du Conseil de sécurité était très intéressante, dit M. Aoun. L’un des compromis qu’il proposait était d’allonger la durée des mandats des sièges non permanents.»

Selon M. Aoun, il a été particulièrement proche de Boutros Boutros Ghali, un copte égyptien qui a dirigé l’ONU de 1992 à 1996. Ces liens avec l’Égypte sont importants vu le rôle accru que cette dernière veut jouer dans la région. La semaine dernière, le président égyptien Mohamed Morsi a assisté à la région des pays non alignés à Téhéran – aucun président égyptien ne s’y était rendu depuis la Révolution islamique de 1979 – et y a publiquement critiqué le président syrien, au grand dam de ses hôtes.

Dans une entrevue au quotidien catholique français La Croix l’an dernier, M. Brahimi a parlé avec chaleur de ses amitiés avec les chrétiens, notamment les coptes égyptiens, et déploré les attaques intégristes musulmans contre les chrétiens et les minorités musulmanes.