Les tracas de l’étudiant algérien n’en finissent pas. alors qu’il doit se débrouiller tout au long de son cursus pour apprendre les techniques scientifiques de base, il est obligé de faire du bricolage pour décrocher son diplôme de fin d’études.
et pour cause, les moyens fournis par les laboratoires pédagogiques et de recherche, au niveau des différentes universités, sont plus que limités. sans produits ni matériels, il doit trouver des astuces pour pouvoir mener à bien son expérimentation.
«J e prépare un mémoire de fin d’études sur la lignine. J’ai besoin d’un produit qui est interdit en Algérie, que j’ai remplacé par le H2SO4. Ce dernier doit être manipulé sous hotte. Malheureusement, celle de notre laboratoire ne fonctionne pas. Et il n’y a même pas un système de ventilation.
Je risque de graves problèmes de santé», témoigne Meriem, une étudiante en cinquième année chimie organique à l’université de Blida. Fadhila, une autre étudiante inscrite au niveau de ce département explique pour sa part que même les masques protecteurs ne sont pas disponibles. «Nous sommes obligées d’inhaler toute sorte de produits», poursuit-elle.
Les étudiants sont souvent «obligés, à défaut de pipettes, d’aspirer de l’acide chlorhydrique (HCl) avec leur bouche», déclare, pour sa part, Yacine, un étudiant en pharmacie. Le HCl n’est pas le seul produit à être manipulé de la sorte. Les biologistes, les vétérinaires et les agronomes ont parfois recours à cette solution pour aspirer du sang. C’est du moins ce qui a été constaté au niveau du département d’agronomie de l’université de Blida. Pour faire un TP en physiologie animale, en deuxième année tronc commun, à défaut d’un appareil adéquat, les étudiants étaient obligés d’aspirer du sang bovin à l’aide de leurs bouches.
« C’est scandaleux. Même le minimum n’est pas disponible », se désole Sid Ali. Les soucis des étudiants ne s’arrêtent pas à ce stade. Ils sont forcés à se débrouiller pour se procurer les produits nécessaires pour les différentes manipulations. «A défaut de produits au niveau de notre laboratoire, j’ai dû faire le tour des universités pour en chercher. Normalement, l’étudiant ne doit pas se soucier de ce genre de tracas.
On doit lui fournir tout ce dont il a besoin, pour qu’il puisse mener à bien son projet et soutenir dans les délais», dira pour sa part Sabrina, qui prépare un master en biologie à l’université des sciences et technologie Houari Boumediene.
Elle précise au passage que même les boîtes Perti (boîte cylindrique transparente peu profonde, en verre ou en plastique, munie d’un couvercle) utilisées en microbiologie pour la mise en culture de micro-organismes, de bactéries ou de cellules d’organismes supérieurs) ne sont pas disponibles. «Nous sommes obligés de les acheter. Un paquet de vingt boîtes coûte 360 DA, alors que nous avons besoin, au minimum, de 500 boîtes. Cela nous revient très cher».
L’ADMINISTRATION PRETEXTE UN MANQUE DE BUDGET
Les enseignants déplorent aussi une telle situation. Pour eux, un laboratoire universitaire doit être un champ d’expérimentation pour les nouveaux chercheurs. «Cela est inadmissible. Les étudiants sont livrés à eux-mêmes.
Nous avons beau les aider du mieux qu’on peut mais c’est toujours insuffisant. Nous ne pouvons pas leur fournir tout ce dont ils ont besoin», estime une enseignante à l’université Houari Boumediene. Interrogée sur ce manque flagrant de moyens, une source au niveau de l’université de Blida, qui a voulu garder l’anonymat explique que, le budget octroyé par la tutelle (ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique) est insuffisant. «Le matériel est très cher.
Pour l’acquérir, il faut un budget assez conséquent mais ce que nous donne le ministère est en dessous des besoins des laboratoires », déclare-telle. Pour d’autres, il s’agit de «détournement du budget». Effectivement, l’une des responsables d’un laboratoire de recherche au niveau de l’université de Blida, soutient qu’il «existe une mafia au niveau de ce département».
«Ces gens là font la loi. Non seulement, ils compliquent la procédure aux étudiants. Mais le pire, ils ont détourné les fonds destinés à l’équipement des laboratoires», poursuit-elle. Cette déclaration a été confirmée par une autre enseignante au niveau de ce département. Cette dernière a, toutefois, précisé que «l’ancien chef du département a été démis de ses fonctions».
Pour autant, les enseignants ont trouvé une solution pour faciliter à leurs étudiants l’accomplissement de leurs travaux. Certains les placent carrément au niveau des différents laboratoires de recherche en dehors des universités. «Je me suis arrangée avec un laboratoire de recherche public pour l’encadrement de mes étudiants. Là-bas, ils ont tous les moyens. Ils peuvent se concentrer pleinement sur leurs sujets de recherche», déclare une autre enseignante. Ces étudiants se considèrent, en effet, comme étant des plus chanceux.
Rym Boukhalfa