La triple manoeuvre de Bouteflika: Kabylie en ébullition, Hamrouche en caution, Benflis à l’hameçon

La triple manoeuvre de Bouteflika: Kabylie en ébullition, Hamrouche en caution, Benflis à l’hameçon

Après avoir tout verrouillé, Bouteflika cherche des mécanismes pour donner plus de consistance à son estocade contre l’armée et des subterfuges pouvant assurer un minimum de mobilisation lors de la prochaine présidentielle. En plus des actions occultes, qu’il est difficile voire impossible de deviner pour l’instant, les indiscrétions d’un clan sous tension dévoilent trois leviers sur lesquels on agit depuis longtemps.

Le chef de l’Etat vient d’actionner ses agents en Kabylie pour promettre l’officialisation de Tamazight (voir article de Sadaoui sur l’APW de Tizi Ouzou).

Chargé de feindre la panique de l’oligarchie présidentielle, Farouk Ksentini est missionné pour suivre Ali Benflis à qui est promis l’aide voulue pour la conquête de la magistrature suprême(ou le poste de vice-président), s’il pouvait assurer de sa mansuétude les personnes impliquées dans« les dossiers sensibles ». La réponse de l’ex-chef du gouvernement fut sans équivoque : «  vous ne trouverez pas meilleur protecteur que moi. » Said Bouteflika jubile : Benflis est ferré ; des taupes sont discrètement encouragées pour susciter ou s’associer à ses «  comités de soutien » qui doivent fleurir un peu partout dans le pays.

Parallèlement, des contacts sont maintenus, de longue date, avec un autre ancien chef du gouvernement, Mouloud Hamrouche. Plus méfiant, ce dernier, intéressé par un compagnonnage, attend de voir si les militaires, qui ne lui ont jamais pardonné d’avoir joué par devers eux avec le FIS en 1991, sont définitivement écartés.  Après avoir envisagé de le rappeler comme premier ministre, Bouteflika sonde les grands partenaires de l’Algérie sur l’hypothèse de le désigner, lui aussi, comme…vice-président  après la révision de la constitution.

Hormis les législatives de 1991 où il fut éliminé et l’éphémère campagne de 1999, Hamrouche n’a jamais affiché de grandes disponibilités pour un combat politique ou une compétition électorale. Homme du sérail, il préfère tabler sur le pourrissement général  et  les divisions, désormais publiques, des clans et attend «  d’être appelé ». Pour l’heure, il semble se satisfaire du de la  représentation du FFS envoyé en ouvreur dans l’antre présidentielle.

Le choix de Benflis est autrement plus aléatoire. Encouragé à se porter candidat avec des services de sécurité, une justice, une administration, un conseil constitutionnel, et, depuis ce dimanche, une cour suprême, caporalisés, une bonne partie de l’opinion suit difficilement son positionnement. D’autant que 8 ministres, actuellement en poste, originaires de Batna et opportunément répartis sur les grandes tribus de la région, susurrent que Benflis ne ramassera que des miettes dans les  Aurès.

On notera que, dans un cas comme dans l’autre, le clan Bouteflika cherche la garantie de l’impunité, ce qui implique la pérennité du système, d’où la fixation sur les notabilités du régime et la recherche de l’anesthésie de la Kabylie.

Le jeu de Bouteflika se précise. Il a un objectif unique : protéger les siens. Se sachant diminué, il ne veut laisser aucune faille dans laquelle pourrait s’infiltrer le moindre facteur de risque pour ses proches. Il s’emploie à tout bétonner et, si possible, tout acheter; faisant en sorte que le successeur soit son obligé avec une Kabylie domestiquée, le reste du pays étant livré à un premier ministre VRP de la famille et coutumier des campagnes électorales à sens unique.

Il restera à affronter deux problèmes : se présenter en s‘assurant d’un semblant de participation et se prémunir contre les aléas de la maladie. En ce qui concerne le premier aspect, « l’hameçonnage » de Benflis semble acquis et rien ne dit que le dernier revers essuyé en Kabylie ne sera pas suivi par d’autres tentatives de désinformations. Mais si d’aventure sa santé devait l’empêcher de se porter candidat ou le lâcher en cours de mandat, le scénario de  Hamrouche comme vice-président peut être une formule qui agrée aux deux hommes : l’un étant rassuré sur l’avenir de la famille et son un patrimoine ; l’autre accédant enfin à la présidence sans avoir concouru. Au vu de ce qui s’est passé ce 18 novembre à Tizi-Ouzou où les affidés du clan présidentiel ont été malmenés- et c’est euphémisme -, « le chantier kabyle » est toujours volcanique. Il reste à savoir ce qu’espère gagner Benflis dans ce périlleux challenge.

Malek YACINI