L’Expression: Comment est venue l’idée de passer à l’écriture de ce livre?
Karim Younès: J’appartiens à une génération pour laquelle écrire participe de l’acte fondateur du passage qualitatif, de la mue qu’opère depuis quelques années la société algérienne qui passe pour des raisons objectives données du stade de l’oralité à l’écriture.
Revisiter notre histoire nationale, antique et contemporaine, nous permettra de comprendre ce que nous sommes devenus et d’oser des regards vers des horizons plus cléments.
Dans votre livre, vous avez utilisé plusieurs genres en même temps. C’est à la fois un livre d’histoire, un témoignage politique, une autobiographie. Pourquoi ce choix?
J’aime les choses compliquées peut-être. Ce n’est pas un livre autobiographique, ce ne sont pas des mémoires non plus. Les mémoires sont l’apanage des grandes personnes qui ont joué un rôle important dans la vie politique d’un pays, lequel rôle mérite d’être connu. Je ne me considère pas dans cet état-là.
Ce n’est pas une autobiographie parce qu’en fait, une autobiographie est un CV étoffé. Et qui établit un CV, peut laisser supposer une demande d’emploi. Ce n’est pas mon cas. J’ai préféré user de ce style, le style propre à tout essai, qui permet d’être libre, ce qui n’empêche pas de passer, d’un genre à un autre: plonger dans l’histoire de notre pays, comprendre le présent et avoir un regard prospectif.
Pourquoi avez-vous tenu à avertir d’emblée, en quatrième de couverture, que votre livre n’a pas pour objectif de régler des comptes. Avez-vous anticipé ainsi sur les attentes d’une partie de vos lecteurs?
J’ai le coeur en paix et la conscience tranquille. Je n’ai de compte à régler avec personne. Ma conscience constitue pour moi le seul phare qui guide ma vie. Le reste, c’est du relatif, il ne m’intéresse pas.
Vous avez occupé de hautes fonctions au niveau de l’Etat. A la lecture de votre ouvrage, on s’attend à des révélations…
Ce que j’ai à donner, c’est le bilan de mes propres activités au sein du gouvernement dans la transparence et aussi mes activités et mes prises de position lorsque je fus à la présidence de l’Assemblée populaire nationale. J’ai rendu compte d’un certain nombre de choses pour la simple raison que je considère que nous sommes comptables devant l’opinion d’aujourd’hui.
Dans ce livre, je dis ce que je sais et ce que j’ai pu faire. Je pense que tous les responsables, chacun à son niveau, doivent rendre compte de ce qu’ils ont fait pour que l’opinion puisse se faire une identité de l’auteur et aussi être informé de ce qui se passe dans notre pays.
Est-ce qu’on peut dire, à travers la publication de votre livre et cette série de ventes-dédicaces, que vous signez votre retour sur la scène politique nationale?
Pourquoi voulez-vous parler de retour? Je ne suis parti nulle part. Je suis là. J’observe la société et j’analyse ce que nous faisons. Je me fais une idée et puis j’apporte mon concours en tant que citoyen.
Et déjà être un bon citoyen, c’est suffisant. C’est la meilleure responsabilité qu’on doit avoir vis-à-vis de notre pays. En outre, la grandeur et la servitude militante s’exercent sans qu’il soit besoin d’assumer directement une responsabilité de direction.