Pour la première fois, une initiative citoyenne réussit à organiser de manière coordonnée tant de manifestations dans des lieux aussi disparates et éloignés
Cette volonté de poursuivre le mouvement un deuxième jour consécutif s’est traduite par un campement sauvage à Londres au coeur de la City, principal centre financier d’Europe.
Le mouvement des «indignés» contre la crise et la finance mondiale, qui a pris samedi une dimension planétaire avec des dizaines de milliers de manifestants à travers le monde, se prolongeait hier au moins en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.
Cette volonté de poursuivre le mouvement un deuxième jour consécutif s’est traduite par un campement sauvage à Londres au coeur de la City, principal centre financier d’Europe.
Plusieurs centaines d’«indignés» ont passé la nuit de samedi à dimanche sur le parvis de la cathédrale Saint-Paul, où 70 tentes ont été érigées après le rassemblement la veille sur les lieux de quelque 2000 à 3000 «indignés».
La manifestation, marquée par quelques heurts et cinq arrestations, et qui dénonçait la politique d’austérité du gouvernement britannique et le système financier, a été contenue par la police à distance du London Stock Exchange (Bourse de Londres). Malgré son ordre de dispersion, la police n’a pas réussi à empêcher certains manifestants, de s’installer pour la nuit.
Une nouvelle confrontation était donc possible hier. «Nous allons rester aussi longtemps qu’il faudra pour que le gouvernement nous entende et dise qu’il va changer les choses», a prévenu Spyro Van Leemnen, 27 ans, un des représentants du mouvement Occupy London Stock Exchange. Pour lui, la protestation vise à «démocratiser le système financier», et les rassemblements, à Londres et partout dans le monde «sont un premier pas».
Une même intention s’est exprimée à Francfort (Allemagne), où près de 200 personnes ont passé la nuit dans 30 tentes devant le siège de la Banque centrale européenne (BCE), au centre de la crise de la dette et de l’euro. En Allemagne, une nouvelle manifestation est également prévue à Berlin, cette fois devant la porte de Brandebourg. La veille, la police berlinoise avait réussi à empêcher certains des 10.000 participants à une première manifestation à camper devant le siège du Reichstag, le parlement fédéral. Une poignée d’interpellations ont été effectuées par les forces de l’ordre, quelques agents ayant été blessés dans des échauffourées sans gravité, a dit une porte-parole de la police. Aux Pays-Bas, Amsterdam a également vu pousser 50 tentes, plantées sur la place de la Bourse, où des «indignés» ont passé la nuit. Genève, Miami, Paris, Sarajevo, Zurich, Mexico, Lima, Santiago, Hong-Kong, Tokyo, Sydney…. «L’indignation» contre le capitalisme s’est exprimée samedi sur pratiquement tous les continents. Pour Max Bank, de la section allemande du mouvement altermondialiste Attac (fondé en France en décembre 1998), la vague de protestation n’en est qu’à ses débuts.
«Le mouvement des indignés renaît comme une force globale», proclame en une hier le quotidien El Pais, premier quotidien d’Espagne, où le 15 mai, les premiers «indignés» avaient dressé leurs tentes en plein coeur de Madrid. «C’est la première fois qu’une initiative citoyenne réussit à organiser de manière coordonnée tant de manifestations dans des lieux aussi disparates et éloignés», se félicite le journal.
Sous les slogans «Peuples du monde, levez-vous» ou «Descends dans la rue, crée un nouveau monde», les «indignés» avaient appelé à manifester dans 951 villes de 82 pays, selon le site 15october.net, contre la précarité liée à la crise et le pouvoir de la finance.
L’appellation «indignés» qui fait le tour du monde semble tirer son nom d’un petit opuscule de l’ancien diplomate et résistant français Stéphane Hessel, intitulé «Indignez-vous!» publié en octobre 2010 à Paris et diffusé à environ un million d’exemplaires. «Il existe désormais de toute évidence un mouvement international», renchérit l’éditorialiste de la Repubblica Eugenio Scalfari, qui en fait remonter les prémices au «Printemps arabe», voire même à la révolte des banlieues en France en 2008 et 2010. «Il exprime la colère d’une génération sans avenir ni foi dans les institutions traditionnelles, politiques mais aussi financières, tenues responsables de la crise et profiteuses des dommages causés au bien commun», poursuit l’éditorialiste.
«Le monde descend dans la rue, unique, pacifique et coloré», renchérit la Stampa, bien que la manifestation de Rome ait été la plus violente, perturbée dès le début par des éléments non contrôlés qui ont saccagé des vitrines et incendié des voitures. Outre Rome, où des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté pacifiquement, Madrid et Lisbonne ont vu les plus gros défilés.
Des milliers de personnes ont également manifesté à Washington et New York, où 88 personnes ont été arrêtées. «Nous sommes le peuple», on nous a «vendus», s’insurgeaient-ils. «Chaque jour, chaque semaine, occupons Wall Street».