“Nous nous opposons au taux de 20% proposé par la commission juridique” de l’APN, a fait savoir le ministre
L’intervention, hier, du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, à l’Assemblée nationale au terme des débats autour du projet de loi portant élargissement de la représentation des femmes dans les assemblées élues a eu l’effet d’une douche froide sur les députés. En effet, le ministre de la Justice a fait taire brutalement les opposants au système des quotas en leur disant que “le gouvernement, maintient la proportion de 1/3 et le taux de 30% de représentativité des femmes aux assemblées élues”.
Dans un silence de cathédrale, le ministre, qui s’adressait à des députés hébétés, visiblement surpris par cette position, les a davantage enfoncés en annonçant l’opposition du gouvernement à la commission des affaires juridiques de l’APN ayant réduit le quota de 30% à 20%. “Nous nous opposons au taux de 20% proposé par la commission juridique”, dit-il en substance. Les députés, qui écoutaient religieusement l’intervention du ministre, ne s’attendaient sans doute pas à apprendre de la bouche du ministre de la Justice que le quota des femmes est une décision du président de la République. “Je m’exprime sans doute avec passion, mais c’est parce que c’est le président de la République qui m’a surpris, le 8 mars 2008, en me chargeant personnellement d’élaborer ce texte de loi”, lance-t-il en direction des députés sonnés par la teneur de l’intervention du ministre. Belaïz n’a pas manqué de secouer davantage les députés en leur lançant : “C’est aux députés de prendre la décision par rapport à ce texte de loi, je les laisse avec leur conscience et face à l’histoire (…)”, non sans souligner que “la société algérienne a évolué et ne vit pas en autarcie”.
Le ministre de la Justice, qui a pris une heure de temps pour répondre aux questions des députés, n’a ménagé aucun effort pour remettre en cause leur opposition au quota. Il ciblera la commission juridique de l’APN. “Je n’ai pas compris les arguments de la commission juridique quand elle a décidé de réduire le quota des femmes à 20%, ni quand elle évoque l’impératif d’aller progressivement à l’élargissement de la représentation des femmes en politique, ni encore quand la commission fait référence aux traditions”, lance le ministre de la justice. Pour répondre à la demande d’intégrer progressivement les femmes dans les assemblées, Belaïz dira : “En 1962, il y avait 10 femmes dans l’Assemblée nationale. En 2011, nous avons 7 femmes sénatrices, toutes désignées par le Président. Si vous parlez de progression, il s’agit là d’une progression à l’envers”, ironise-t-il. S’agissant de l’argument des traditions, il s’interrogera : “Est-ce que les traditions empêchent les femmes de faire de la politique ? Je n’ai jamais entendu une personne me dire attention, il ne faut pas nommer une femme à un quelconque poste ! Il y a même une présidente de cour réclamée par les habitants d’une wilaya du Sud. Ils ne l’ont pas exclue sous prétexte que c’est une femme.”
Et de s’étonner, sur sa lancée, en relevant qu’“il y a des métiers plus dangereux que la politique que personne ne dénie à la femme, à l’image des femmes pilotes ou des femmes magistrates qui décident de la condamnation à mort et de la perpétuité”, dit-il. Et d’enfoncer le clou en affirmant que la femme refuse désormais de se contenter du poste de “simple secrétaire d’un homme ou d’être une simple coiffeuse ou de vendre des gâteux, avec tout mon respect pour ces professions”.
“Après 50 ans d’indépendance, la femme n’est pas incompétente et n’a pas besoin qu’on décide à sa place”, dit-il, en expliquant que le quota de 30% a été décidé justement pour permettre aux femmes “d’influer sur les décisions politiques”.
“Sinon, personnellement, je suis d’accord pour aller vers la parité”, lance le ministre aux députés, de plus en plus ahuris.
Belaïz n’a pas manqué de qualifier de “situation catastrophique” la représentation de la femme actuellement aux assemblées élues locales et nationales.
Il précise, toutefois, que l’élaboration des listes électorales échoit “aux partis qui sont libres de placer leurs candidats en choisissant de mettre des hommes ou des femmes en tête de liste”.
NADIA MELLAL