Le président Bouteflika excelle en matière de suspense, et il vient encore de le prouver lors du Conseil des ministres tenu dimanche.
En invitant le gouvernement à entamer la préparation “des prochaines échéances politiques”, le chef de l’État vient rajouter une couche au flou qui entoure ses intentions.
En effet, la seule échéance politique, du moins la plus proche, reste l’élection présidentielle prévue en avril 2014. À moins que par “échéances” au pluriel, l’on voudrait évoquer la révision de la Constitution, qui était prévue avant la fin de l’année en cours.
En tout état de cause, la phrase lâchée par le président Bouteflika a de quoi alimenter les débats des jours, et peut-être des mois durant, sachant que le chef de l’État est passé maître dans l’art de ne jamais dévoiler ses intentions et de toujours attendre le dernier moment pour faire connaître ses décisions. De quoi refroidir davantage les potentiels candidats à la magistrature suprême.
En évoquant “les échéances politiques”, le président Bouteflika laisse penser que l’élection présidentielle serait bel et bien maintenue. Or, si la révision de la Constitution se fait avant cette échéance et que l’idée d’une prolongation de l’actuel mandat présidentiel se concrétise, cela voudrait dire que la présidentielle serait tout bonnement annulée.
Le président Bouteflika écoutera-t-il les voix d’une partie de la classe politique qui demande que la révision constitutionnelle se fasse après la présidentielle ? Possible. D’autant plus que le projet de révision constitutionnelle reste entouré de flou et ne bénéficie d’aucun débat politique digne de ce nom au sujet du premier texte de la République.
Il reste toutefois un projet, une sorte de joker aux mains du Président sortant au cas où son état de santé venait à se dégrader, mais aussi au cas où il venait à annoncer sa candidature pour un quatrième mandat. Sachant qu’il ne pourrait mener une campagne électorale avec une santé aussi chancelante, il aurait besoin d’un vice-président pour le faire, et c’est dans ce cas-là que la révision constitutionnelle deviendrait un passage obligé.
Cela dit, le président Bouteflika compte mener la bataille jusqu’au bout, et quelle que soit sa décision finale, ce serait son programme et son bilan qui devraient être défendus bec et ongles par le gouvernement Sellal jusqu’en avril prochain ou jusqu’à ce que la décision finale soit prise.
Le ton a été donné dimanche par le président Bouteflika en ordonnant aux membres du gouvernement d’entamer la préparation de “ces échéances politiques”. Une sorte de signal de départ pour une campagne électorale déjà entamée par le Premier ministre lors de ses sorties sur le terrain, mais qui devrait s’accentuer dans les jours à venir, avec des messages politiques plus précis et plus ciblés.
Donc, le président Bouteflika est en campagne, pour sa propre succession. Mais il reste tout de même six mois qui pourraient paraître les plus longs de l’histoire du pays, en raison du flou qui entoure “les échéances politiques” à venir, mais aussi, et surtout, de l’état de santé du président Bouteflika.
A B