«Ici on noie les Algériens», prochainement en salle à Paris

«Ici on noie les Algériens», prochainement en salle à Paris
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Il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’il provoquera des vagues sur les eaux calmes de la Seine. Le dernier film de la réalisatrice Yasmina Adi sur les massacres du 17 octobre 1961 à Paris, « Ici on noie des Algériens- 17 octobre 1961 », qui sortira prochainement en salle, va en effet rappeler l’un des plus abjects visages de la colonisation française. Et ce film tombe à pic puisque sa sortie va coïncider comme l’a souhaité l’auteur, avec la commémoration du cinquantenaire de la violente répression de la manifestation d’Algériens, sur ordre du sinistre préfet de police Maurice Papon.

En pleine guerre de mémoire et au moment où le révisionnisme français continue son bonhomme de chemin pour gommer l’histoire, ce film de Yasmina Adi, vient rappeler fort opportunément qu’il est illusoire d’essayer d’enterrer, même sous les flots de la Seine, cette page sombre de la colonisation française.

C’est dire que ce film est loin du politiquement correct si prégnant à Paris. Et à la veille de la commémoration du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, ce document constitue une belle pièce à conviction de ce qu’ont enduré nos compatriotes à Paris. Il sera aussi une autre preuve à charge à a verser dans le dossier lourd de massacres commis par la France coloniale contre les algériens.

Quand la Seine recrache ses vérités…

LG Algérie

L’histoire connue par tous les algériens se déroule à Paris. A l’appel du Front de libération nationale (FLN) des milliers d’Algériens venus de Paris et de toute la région parisienne, sont sortis manifester contre le couvre-feu discriminatoire qui leur était imposé et réclamer l’indépendance de l’Algérie. Cette manifestation pacifique fut sauvagement réprimée par les forces de police obéissant aux ordres du préfet Maurice Papon.

Les historiens évoquent des milliers d’arrestations, des dizaines d’assassinats, des manifestants jetés dans la Seine, des centaines d’expulsions et autant de plaintes restées sans suite. Il n’y eut ni enquête, ni procès et encore moins de commémoration. C’est cette quête de vérité que Yasmina Adi a mené pour mettre des images sur un événement sanglant que la mémoire oublieuse de la France d’aujourd’hui veut encore cacher au fond de la Seine. La cinéaste met ainsi en lumière ces vérités encore taboues.

Mêlant témoignages et archives inédites, histoire et mémoire, passé et présent, le film de 1H30, retrace les différentes étapes de ces évènements, et révèle la stratégie et les méthodes mises en place au plus haut niveau de l’Etat colonial: manipulation de l’opinion publique, récusation systématique de toutes les accusations, verrouillage de l’information afin d’empêcher les enquêtes.

« L’avant-première de ce film documentaire, sera projetée le 17 octobre à Paris et nous prévoyons d’organiser une séance simultanée à Alger. Sa sortie en salle à Paris est prévue le 19 octobre, alors qu’une autre projection est programmée le 20 octobre à Toulon », a confié la réalisatrice à notre collègue de l’APS.

Riche en émotion

La courageuse Yasmina Adi n’est pas à son premier pavé dans la marre bien sale de la colonisation française. Déjà auteur du documentaire « L’autre 8 mai 1945 – aux origines de la guerre d’Algérie », réalisé en 2008, Yasmina s’est tout de suite lancé à la recherche de la vérité sur l’inoubliable 17 octobre 1961. Son défi ? Que la vérité « remplace les non-dits et pour faire émerger la dimension politique et humaine de cet épisode trop longtemps tu ».

Tout au long de deux années de recherche, l’auteure a compulsé et collationné documents d’archives, témoignages, rapports officiels, articles de presse, archives filmées et radiophoniques, ainsi que des documents inédits pour rétablir les faits. Une véritable enquête historique en fait. Et pour ce faire, Yasmina Adi a collaboré avec les associations, les mairies, et passé des appels à témoins et par le bouche-à-oreille pour mettre la main sur les témoins privilégiés de ce drame humain.

« Parmi les témoins algériens, peu d’entre eux avaient jusqu’alors évoqué cette histoire. Sortir de l’anonymat, faire le récit de ces événements devant une caméra, sur les lieux où ils se sont déroulés, leur a demandé beaucoup de courage », précise-telle à l’APS. La cinéaste nous promet au final, que son film est plein de moment  » d’intense émotion « .

Cela étant dit, ce film ne pouvait mieux tomber à la veille de la présidentielle française où le thème de la colonisation et accessoirement l’immigration s’invitera inévitablement au débat entre candidats. Qui sait, peut être que l’œuvre cinématographique de Yasmina aidera-t-elle certains d’entre eux à mieux percevoir la réalité de la longue coloniale loin du prisme déformant d’une colonisation « bienfaitrice » voire « civilisatrice » de la France. Une chose est certaine, ce film va permettre à la Seine de recracher beaucoup de vérité qu’elle a englouti cinquante ans durant. Et pour cela, les algériens d’ici et d’ailleurs doivent une fière chandelle à cette cinéaste engagée.

Bio express

Yasmina Adi à été attachée de presse, avant de devenir en 1997, assistante de réalisation. Elle se consacre ensuite à l’écriture de documentaires. « L’autre 8 mai 1945 – aux origines de la guerre d’Algérie », son premier film, a été récompensé du prix à la diffusion France 3, du Prix International du Documentaire et du Reportage Méditerranéen 2008.

Ce documentaire a également remporté le Prix des Etoiles de La Société civile des auteurs multimédia (SCAM) 2009, prix récompensant les trente meilleurs documentaires de la télévision française. Il a été diffusé sur plusieurs chaînes en France et ailleurs et sélectionné dans de nombreux festivals tels que les festivals d’Amiens, Barcelone, Bruxelles, Ouagadougou, Tunis, et Rabat. « Ici on noie les algériens – 17 octobre 1961 » est le deuxième film de Yasmina Adi.