Hassan Bouras, journaliste, 18 jours de grève de la faim : Victime de potentats locaux

Hassan Bouras, journaliste, 18 jours de grève de la faim : Victime de potentats locaux

Harcèlement judicaire, intimidations policières, acharnement contre ses proches, Hassan Bouras, journaliste à El Bayadh et président du bureau local de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, n’en peut plus. En grève de la faim depuis le 14 avril, l’homme espère par cette action, ultime recours, faire cesser « les représailles » exercées par les autorités locales contre sa personne et les membres de sa famille.

Après 18 jours de grève de la faim, l’état de santé de Hassan Bouras se détériore dans l’indifférence général. « Il est souffrant et très fatigué. Son problème de côlon s’aggrave. On voulait l’évacuer vers l’hôpital, mais il n’a pas voulu. Le docteur a diagnostiqué samedi 30 mais une baisse de tension artérielle. Malgré l’injonction du médecin, il n’a pas voulu manger. Il compte aller jusqu’au bout », raconte sa sœur, Zohra, jointe par téléphone.

Hassan Bouras a décidé d’observer une grève de la faim illimitée pour dénoncer une décision de la justice à l’origine de la dépossession du bien immobilier de sa veille mère. « C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Par ce que son fils est un journaliste critique, ils (responsables locaux) se sont vengés sur sa mère », affirme Zohra.

Pour elle, la décision portant confiscation du bien de leur mère « est très injuste ». « Nous disposons de tous les documents, reconnus du reste par le ministère des Finances et le directeur général des domaines, M. Benmeradi, l’actuel ministre de l’Industrie, qui prouvent l’existence de falsification des documents administratifs sur lesquels la justice s’est appuyée pour décider de déposséder ma mère de son bien», ajoute notre interlocutrice.

Par de là cette histoire de saisie que la famille conteste de fond en comble, Hassan Bouras est devenu une personne trop gênante, pour ses écrits journalistiques et son militantisme au sein de la LADDH. « Hassan n’arrive pas exercer son métier de journaliste. A l’époque de l’ancien wali [préfet] , on lui a interdit de rentrer au siège de la wilaya. Cela fait six ans qu’il ne peut pas y accéder », raconte Zohra.

Pour avoir écrit en 2006 un article publié dévoilant la corruption dans l’administration locale dans la wilaya d’El-Bayadh, 650 kms à l’ouest d’Alger, Hassan a été poursuivi en justice par l’ancien wali pour diffamation. Il avait écopé d’une peine de 2 mois de prison ferme, selon sa sœur.

« L’ancien wali, Ziani Mohamed, a donné consigne à l’actuel wali pour harceler mon frère. Même à l’hôpital, il a été menacé. C’est pour cela que je ne peux pas l’hospitaliser à El-Bayadh », affirme encore sa sœur.

Par ailleurs, selon Zohra, Hassan Bouras a reçu aussi une convocation, émanant du bureau de la sécurité intérieur d’El Bayadh dépendant du DRS lui enjoignant de « ne plus écrire sur ce qui se passe dans la région d’El Bayadh ». Le journaliste a refusé de signer le procès-verbal de la réunion.

Dans la famille Bouras, Hassan n’est pas le seul à être victimes de harcèlements. « Sa sœur a été suspendue pendant deux ans de son poste au niveau de la direction régionale de la formation professionnelle. A l’origine, il y avait l’affaire d’une épouse d’un haut responsable de la justice. Cette femme a falsifié un document. Ils pensaient que c’était la sœur d Hassan qui avait ébruité l’info. Or, mon frère qui a révélé cette affaire a eu l’information d’une autre source », confie-t-elle .

Dans cette wilaya agro-pastorale, la demeure familiale des Bouras est étroitement surveillée. Ce qui ne manque pas de terroriser les membres de la famille. « La maison est entourée d’indicateurs et de policiers armés. On ne peut pas sortir tranquillement. Le téléphone portable de Hassan ainsi que le mien sont sur écoute. Vous voyez, on nous en est arrivé ! », s’indigne la sœur du journaliste gréviste.

Tahar Larbi, représentant de la ligue algérienne des droits de l’homme dans le Sud, venu rendre visite il y a quelques jours à son ami Hassan, en a fait l’expérience. « A sa sortie de notre domicile, des indicateurs sont venus l’apostropher dans l’espoir de connaitre les raisons de cette visite », indique–t-elle.

Irritée par ce traitement, elle interpelle les autorités : « Cessez votre harcèlement, on a marre, on est entouré d’indicateurs et des policiers, on dirait que nous sommes des terroristes ? On n’a pas de bombe chez nous ! Nous avons seulement des stylos», tempête cette jeune militante du FFS ( Front des forces socialistes ), un des principaux partis d’opposition.

En dépit de tout, Hassan est bien décider à continuer sa grève de la faim jusqu’à la cessation de ces « représailles ». « Il ne s’arrêtera pas, il ira jusqu’au bout », indique sa sœur.

Hassan Bouras est le premier journaliste emprisonné en application des dispositions introduites dans le code pénal algérien relatives au délit de presse. En novembre 2003, il avait été condamné pour diffamation, par le tribunal d’El Bayadh, à deux années de prison fermes et à 5 ans d’interdiction d’exercice du métier de journaliste.

Ce n’est qu’après 25 jours de détention et une grève de la faim que la cour d’appel de Saida a ordonné sa libération. S’en est suivit par la suite plusieurs procès intentés contre lui par des pontes locaux