Deux jours après le FFS, l’ancien chef de gouvernement réformateur, Mouloud Hamrouche, a souligné, dans un entretien publié dimanche par le journal électronique Tout sur l’Algérie, l’écart gigantesque entre la gravité des risques pour l’Etat et le pays et l’option du statu-quo politique « par défaut » à laquelle s’accrochent les tenants du pouvoir.
Mouloud Hamrouche qui avait déjà mis avant la présidentielle d’avril 2014, les trois plus hauts responsables de l’Etat algérien, le président Abdelaziz Bouteflika, chef de l’Etat-major de l’armée Ahmed Gaïd Salah et chef du Département de renseignement et de la sécurité (DRS) Mohamed Mediene, devant leur responsabilité revient à la charge avec un constat : les choses, comme prévu, se dégradent.
Ces trois hommes, avait-il dit, « je les charge, je les rends responsables de ce qui risque de se passer, je leur propose une ultime mission exaltante : mettre le pays sur la voie du changement démocratique » avait-il déclaré le 30 mars 2014 en appelant à « construire un nouveau consensus car, le semblant de consensus de 1992 est rompu ».
Pessimisme
Plus d’un an plus tard et alors que l’an II du quatrième mandat du président Bouteflika est entamé dans la confusion au sujet d’une révision constitutionnelle qu’il qualifie de « légende du Loch Ness », le pessimisme et l’inquiétude de Mouloud Hamrouche se sont lourdement accentués.
L’Algérie, dit-il, doit faire face en urgence à « deux risques imminents, la désintégration totale du pouvoir de l’État et la dé-légitimisation de l’ensemble de la représentation politique et sociale ».
Ce risque est encore aggravé par le fait que « l’Algérie ne se conduit pas encore comme une société » et de ce fait n’est pas préparée à faire face, au moindre cout, à un effondrement du système de pouvoir en place.
Les tenants du système, estiment-ils, s’accrochent au statu quo et à l’immobilisme sur la base d’une « lecture erronée » de la situation du pays et des menaces externes qui pèsent sur lui.
« Ce sont pas le pouvoir régalien, la réforme et la démocratie qui menaceraient la stabilité. Ce sont plutôt le délitement de l’État, la corruption, le désordre social et le dysfonctionnement du gouvernement » souligne-t-il dans un constat qui est également une appréciation sévère de la situation du pays et de son mode de gouvernance.
Cette insistance sur l’urgence de « procéder à la réhabilitation du pouvoir régalien de l’État » exprime clairement une inquiétude face à une extension vertigineuse du domaine de l’informel à tous les aspects de la vie du pays y compris au sein de l’Etat.
Il faut rappeler que même dans une vision libérale, certaines fonctions régaliennes ou souveraines ne peuvent faire l’objet d’aucune délégation car elles fondent l’existence de l’Etat. Il s’agit notamment de la sécurité extérieure, la sécurité intérieure, la définition du droit et le devoir de rendre la justice ainsi que la souveraineté économique et financière.
Or, estime Mouloud Hamrouche, la « génération post-indépendance n’a pas achevé le processus de rétablissement de l’État algérien » et le pays n’est plus gouverné et navigue à vue.
« Il y a de graves déficits en termes de contrôle politique, parlementaire et légale. Il n’y a point d’expertises financières, juridiques et industrielles nationales impliquées dans la préparation des dossiers. De même, nos institutions de veille sont diminuées et aveuglées du fait de la déstructuration et l’affaiblissement des systèmes de collecte et de contrôle de l’information économique et financière » constate-t-il sombrement.
Une situation gravissime
« La situation du pays est gravissime et ne s’accommode plus ni avec des mesures d’urgence ni avec des mesures de fond mal concoctées ou appliquées à la hâte. Un pays peut accélérer ou ralentir mais il ne peut jamais rattraper le temps perdu ».
Cette non-gouvernance du pays, ce délitement des institutions de veille et cet attachement obsessionnel au statu quo est alarmant car les « les menaces d’instabilité » sont réelles.
« Ces menaces pèsent sur la cohésion sociale et la discipline légale, pèsent sur la gouvernance nationale et pèsent aussi sur les droits des Algériens. D’autant que notre espace géoculturel est promis aux instabilités, aux insécurités et aux agressions multiformes pour les quinze prochaines années au moins » observe-t-il.
« Le message de Mouloud Hamrouche n’a pas besoin de décodeur. Il est limpide et alarmant » note un universitaire.