Conserver le 4-3-3. Le renforcer pour frapper plus vite, plus haut, plus fort. Être l’agresseur. DD avait un plan. Le bon plan. Sans accroc, hormis en fin de match, tout s’est déroulé comme prévu. Voire mieux.
Didier Deschamps avait surpris son monde en changeant son onze. Entrez ici Moussa Sissoko etOlivier Giroud. Deux titulaires lors de la rencontre contre le Honduras ne sont donc pas reconduits : un milieu, Paul Pogba, et un attaquant, le gauche, Antoine Griezmann. Si Moussa Sissoko remplace poste pour poste Paul Pogboum, l’entrée de Giroud change l’organisation offensive.Karim Benzema, meilleur Français du premier match (perf mammouth pour lui), se retrouve à gauche. Surprenant, mais pas tant que ça. L’idée de Deschamps est d’avoir Giroud pour les longs ballons, Karim pour les deuxièmes. L’idée est de gagner en puissance.
Le Giroud où tout a changé
Olivier est apparemment chargé de tout casser devant. Un vrai neuf de 4-3-3. Jeu de tête, de coude, courses et remises, il a tout fait. A permis à la France d’ouvrir le score, d’être l’agresseur, de joueur haut, de jouer long, de jouer vers l’avant, de jouer plus direct. Ainsi, sur sa première relance, Varane a joué long vers Giroud. Surtout, il a permis de donner du sens au jeu, de jouer plus simple. Mais le rôle le plus intéressant dans cette configuration demeure celui de Benzema. Ailier gauche, il s’est appliqué à bien garder son côté, à veiller à ce que le jeu soit écarté, mais aussi à assumer son rôle de premier créateur du jeu bleu. Indéniablement, quand il est sur un côté, le jeu penche du côté de Benzema. Tant mieux. De l’autre côté, Valbuena joue moins vers l’intérieur (ce qui laissait penser que la France, contre le Honduras, attaquait en 4-4-2 losange). Mais Petit Vélo continue de venir déraper là où il peut, dans les intervalles libres, et de toujours proposer une solution de passe. Une fois balle au pied, il est chargé de gagner des yards et de trouver un point d’appui, si possible devant lui, si possible Karim Benzema. Assez rare dans un match de l’équipe de France, on a parfois vu l’ailier droit (Valbuena) combiner avec son ailier gauche (Benzo).
On cruise à 100 à l’heure comme dans les pieds de Benzo
L’idée de DD était de jouer avec Benzema plus dans le jeu, et Giroud en pointe pour les longs ballons. Bingo. L’autre idée était de titulariser Sissoko pour mieux défendre le côté droit et prêter main forte à Debuchy, tout en veillant, offensivement, à bien écarter le jeu, à se montrer disponible côté opposé puisque, sur jeu placé, le ballon allait forcément surtout passer sa vie à gauche. Tactiquement, Moussa Sissoko a fait un gros match. Il a défendu davantage de terrain que Pogba et s’est encore plus simplement libéré à l’opposé des actions, tout en veillant à rester dans des positions qui lui permettent de toujours couvrir son coté. Derrière lui, Debuchy s’est montré, comme Évra, plutôt prudent, mais avait carte blanche pour jouer les coups à fond, à blinde. Comme toute l’équipe. Un homme devait veiller à l’ensemble de l’équilibre, et devait réfléchir pour son bloc. Yohan Cabaye. Plein axe, pile poil au milieu d’un carré Sakho-Varane-Sissoko-Matuidi. Comme un quaterback. Ainsi protégé, on pourrait lui donner le droit de jouer à la main, il n’en serait pas forcément plus avantagé.
En marquant le deuxième but dès la remise en jeu qui faisait suite au premier, la France a su se rendre le match « facile ». Mais tout le mérite lui en revient. Et surtout à ses efforts défensifs. Dès la première ligne, Benzema défend fort, et plus dans l’axe que sur le flanc gauche où règne Blaise Matuidi. De là, les Bleus défendent vraiment haut, le long d’une agressive ligne Matuidi-Sissoko. Giroud revient filer des gnons dans l’axe, Benzema veille pour intercepter les éventuelles passes en retrait, et Cabaye celle vers l’avant. Comme sur cette anticipation – interception, où il lance tout de suite Benzema sur l’aile gauche. L’attaquant du Real revient dans la surface, fixe Djourou, ça mène au pénalty. Un plaisir de contre-attaque. Avant cet autre contre d’école : super relance de Varane, course de Giroud, passe pour Valbuena, tout est bon. Jusqu’à la célébration de but, avec Petit Vélo qui saute sur le dos d’un Giroud qui n’attendait que ça.
Système DD
L’idée de Deschamps était donc la bonne : conserver le 4-3-3, mais y mettre encore plus d’impact, avec les présences de Giroud et Sissoko (les deux entrants) et celles habituelles de Matuidi dans l’axe pour tout bousculer, Varane et Sakho derrière. Une fois les ballons récupérés, Cabaye devait organiser, Valbuena et les latéraux proposer, Benzema fixer. En vrai, le match s’est encore mieux déroulé que le plan. Tous les joueurs ont fait de tout, et les rôles se sont même inversés. C’est Matuidi qui distribue et marque ; c’est Cabaye qui intercepte, c’est Giroud qui remonte les ballons à toute vitesse, c’est Valbuena qui conclut dans la surface. De sorte que le 4-3-3 est devenu une machine à jouer, haut, à gagner les duels, fort, et à jouer vers l’avant, vite.
Certes, quand le match s’est équilibré, la France était un peu essoufflée. Didier a alors fait les bons changements. Giroud a laissé sa place à Pogba, histoire de reformer le milieu Cabaye-Pogba-Matuidi. Réorganisation devant avec Sissoko à droite, Valbuena à gauche, Benzema dans l’axe, qui retrouve donc sa supposée meilleure possession. Sur une action demi terrain, où tous les Bleus sont dans le camp suisse, il fait d’ailleurs un superbe appel croisé, de l’axe vers le poteau droit, pour plonger reprendre la splendide diagonale de Pogba, direct de son extérieur droit vers l’intérieur de celui de Benzo. Tout va vraiment bien. Après son péno raté, c’est bon pour la confiance du 10 français. Et comme Karim sent toujours aussi bien le jeu, il passe pile poil dans le timing, comme pour le cinquième de Sissoko. De sorte que Benzema a sans doute encore mieux joué en neuf qu’à gauche, mais collectivement, la qualité de la première mi-temps des Bleus est telle que l’on doit considérer l’association avec Giroud comme l’option numéro un de la France. De toute façon, à gauche ou devant, Benzema a été décisif, et pourrait limite en être à six buts. Cette association a tellement bien marché qu’on ne devrait même pas la voir lors du prochain match : Deschamps a gagné le droit de faire jouer son banc. Et sa défense éventuellement aussi. Surtout, il a gagné le droit d’avoir une certitude : son EDF est comme lui, elle ne joue jamais aussi bien que lorsqu’elle n’a pas à révolutionner le jeu ; elle n’est jamais aussi dangereuse que lorsqu’elle joue simple. Didier Deschamps connaît mieux le football que vous, et ce dernier le lui rend bien.