Le dispositif des subventions agricoles demeure parmi les questions cruciales caractérisant la politique de renouveau agricole et rural déployée ces cinq dernières années. Revues à la hausse pour permettre aux producteurs agricoles d’améliorer leurs revenus et instaurer un climat incitatif pour l’investissement agricole, les subventions affectées aux différentes filières ne jouent pas, pour autant, le rôle de catalyseur d’une nouvelle dynamique sectorielle tant attendue.
La situation que traverse depuis quelques semaines la filière laitière renseigne clairement sur le malaise qui plane sur la production agricole mais aussi le flou qui entoure la politique des subventions alloués aux producteurs de produits de large consommation. Le nouveau coup de colère de nombreuses unités de transformation de lait pasteurisé ne fait en réalité que rappeler une situation d’anarchie qui perdure.
La poudre de lait, importée et cédée aux transformateurs à un prix administré dans le but d’assurer la production de lait en sachet à 25 dinars, continue d’être le gouffre qui engloutit des milliards de dinars. Le détournement des subventions agricoles a toujours été un fléau qui n’est pas étranger ni aux producteurs ni aux responsables et cadres du secteur. Sinon, où sont passés les 200 milliards de dinars que l’État consacre chaque année sous forme de subventions agricoles, dont plus de 50% aux filières céréalière et laitière. Nul n’ignore que la poudre de lait importée par l’ONIL (office interprofessionnel de lait) et distribuée aux laiteries est souvent détournée pour la production de produits dérivés à forte valeur ajoutée.
Pour y parvenir, les procédés ne manquent pas aux transformateurs « indélicats ». Mais pourquoi l’État a-t-il opté pour le laxisme au lieu de venir à bout de cette saignée qui, faut-il le souligner, est parmi les facteurs freinant l’essor de la filière laitière locale ? C’est la question que se posent à l’unanimité les éleveurs et autres acteurs de la filière qui regrettent que le gros lot des subventions laitières est capté par des lobbies qui sont même étrangers au secteur agricole. Il suffit d’adopter un autre regard sur les dessous de cette filière pour constater les raisons pour lesquelles les transformateurs convoitent autant la poudre de lait importée au détriment du lait cru produit localement.
Pourtant, chaque année la production locale est estimée à plus de 3 milliards de litres en moyenne mais la collecte peine à atteindre le seuil des 800 millions de litres, soit moins d’un quart de la production nationale. Les importations, quant à elles, sont estimées à plus de deux milliards de litres annuellement en poudre de lait seulement destinée à la transformation.
La sortie médiatique du ministre de l’agriculture et du développement rural, Abdelwahab Nourri, ayant reconnu, à la fin janvier que « des spéculateurs sont à l’origine des perturbations que traverse la filière laitière » ne suffit pas à remettre de l’ordre dans un secteur qui s’enfonce davantage dans le gouffre des anomalies. En effet, pour de nombreux spécialistes et acteurs du secteur, il ne faut pas se limiter au stade des constats, l’urgence est de donner un coup de pied dans la fourmilière et mettre au clair les jeux et enjeux d’une filière aussi stratégique que vulnérable.
A souligner que la demande s’est accentuée ces derniers jours sur le lait conditionné, suite à la hausse des prix de la matière première. Selon le ministère de l’Agriculture, 116 producteurs publics et privés de lait et dérivés sont partenaires dans le dispositif de soutien du prix du litre à 25 DA. Le stock disponible actuellement est de 114 000 tonnes de poudre de lait, ont précisé récemment les services de l’ONIL qui tentent de rassurer sur la situation de pénurie qui plane sur le marché depuis le début de l’année en cours.
Mourad Allal