Les internautes finissent par vivre des relations amoureuses et rêvent d’épouser une femme qu’ils n’ont jamais vue.
«Désolé cher ami. Je ne peux tenir mon engagement de te rendre visite. J’ai un rendez-vous très important ce soir à Paris avec ma femme», répond Tahar dans une conversation téléphonique avec son ami. Tahar est un simple employé dans une pizzeria à Alger depuis l’obtention d’une licence en sociologie en 2006.
Il n’a jamais quitté le territoire national. Il ne possède même pas de passeport ! Lorsqu’il parle de certaines villes européennes (Paris, Bruxelles, Barcelone, Valence ou Rome), on dirait qu’il y était réellement. Ce jeune de 28 ans a tissé des relations par le biais d’ Internet.
Le rendez-vous important dont il parle n’est, en fait, qu’une rencontre virtuelle avec une Parisienne qu’il considère comme son âme sœur. «Je ne peux pas rester une soirée sans lui parler. Nous nous sommes connus il y a bientôt une année et nous nous entendons à merveille». Tahar a connu d’autres «blondes» avant, mais ses efforts se sont avérés infructueux. «Celle-là, je l’épouserai Inch’Allah. J’ai trouvé en elle toutes les qualités que je recherche chez une femme», se félicite Tahar qui passe une grande partie de la nuit dans un cybercafé.
Les rendez-vous amoureux nocturnes sur internet sont devenus un vrai phénomène ces dernières années. Les cybercafés de la capitale sont bondés de monde dès les premières heures de la nuit. A 22h, il est impossible de trouver un poste libre pour se connecter. «Il y a même des jeunes qui réservent d’avance leur place, tant ils redoutent de rater leur rendez-vous.
La plupart des clients veillent jusqu’à 6h du matin», affirme le gérant d’un cybercafé, rue Hassiba-Ben Bouali (Alger). Un grand silence règne dans ces espaces de rencontres virtuelles. La concentration atteint son paroxysme, tant les jeunes cherchent les meilleurs mots et phrases pour séduire les Européennes. «Ici, nous n’avons pas droit à l’erreur. Il faut se montrer à la hauteur et surtout tenir des discussions d’un niveau assez élevé», affirme Karim, la quarantaine, rencontré dans un cybercafé, rue Hamani (ex-Charras). Les rencontres virtuelles permettent à ces Algériens de tisser des liens avec des gens de différents pays et de connaître d’autres cultures. Mais le principal objectif reste d’«arracher» un mariage pour aller vivre en Europe.
Ces jeunes sont plus que jamais convaincus que pour aspirer à un bel avenir, il faut quitter le pays. La plupart des internautes rencontrés affirment avoir effectué des démarches infructueuses de demandes de visas.
La cherté de la vie, la crise de l’emploi et du logement, la montée en force de l’intégrisme dans notre société sont autant de facteurs qui poussent les Algériens à se partager en deux. Ils sont en Algérie mais ont l’esprit en Europe ou en Amérique. Et ils sont prêts à sacrifier leurs maigres salaires et même recourir à des prêts pourvu qu’ils puissent être «assidus» dans leurs relations virtuelles. Ne dit-on pas que quand on aime, on ne compte pas ?
A.H