Écrit par Wafia Sifouane
Complètement inattendue, la décision du ministre de l’Enseignement supérieur de la Recherche scientifique de fermer pas moins de treize départements de sciences politiques à travers le territoire national a provoqué la stupéfaction des enseignants et universitaires.
Une fermeture rendue nécessaire, selon le ministère de l’Enseignement supérieur, par le nombre insuffisant d’étudiants inscrits à cette spécialité dans les départements concernés et inférieur à la norme, 139 au total. Devant cette situation, la tutelle a décidé de fermer 13 départements de sciences politiques et réorienter les enseignants universitaires vers d’autres instituts. Il en est de même pour les étudiants qui, de leur côté, ont été orientés vers d’autres facultés dans les villes voisines. «On ne peut pas parler de fermeture, mais plutôt de réorientation des étudiants et des enseignants. Nous avons décidé de supprimer les sciences politiques de quelques facultés à cause du très faible nombre d’inscrits dans cette spécialité», a fait savoir M. Zaïd, chargé de communication au niveau du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Les facultés concernées sont celles des wilayas, entre autres, de Biskra, Tébessa, Msila, Adar, Béchar, Skikda, Sidi Bel Abbès, Mascara, El Oued, Guelma, Ouargla et Oum El Bouaghi.
Mohamed Rezig, docteur en sciences politiques et enseignant à la faculté Alger 3, s’est dit étonné par une telle décision, accusant Tahar Hadjar d’improviser dans sa gestion du secteur de l’enseignement supérieur. «Il est complètement incompréhensible de voir le même ministère décider de généraliser l’enseignement des sciences politiques à travers le territoire national et se rétracter quelques années après en ordonnant la fermeture de 13 départements. Ce qui est un nombre important. Ce genre de décisions ne se prend pas ainsi sur un coup de tête, mais est le résultat d’études sur terrain. Ce que l’on comprend aujourd’hui, c’est que la décision de généraliser l’enseignement des sciences politiques n’a pas été bien étudiée, ce qui est une aberration en soi», a estimé le Dr Rezig.
Notre interlocuteur, en plus de dénoncer cette décision, s’est interrogé sur le sort des enseignants formés pour enseigner cette spécialité. «La tutelle a-t-elle les moyens de réorienter ces enseignants vers d’autres facultés, ou va-t-elle les orienter vers d’autres spécialités qu’ils ne maîtrisent pas ? Ce sont quand même des postes budgétaires qui sont en jeu», s’est-il interrogé.
Mohamed Rezig est vraiment «peiné par une telle atteinte» aux sciences politiques qui, selon lui, construisent les citoyens de demain. «Les sciences politiques sont là pour apprendre aux étudiants le véritable sens de la citoyenneté et à développer l’esprit critique et la capacité d’analyse. Je ne suis pas paranoïaque, mais nous avons constaté, ces dernières années, que même les étudiants qui sont réorientés vers d’autres filières ne le sont jamais vers les sciences politiques, d’autant plus que les autorités ne fournissent pas aux étudiants les moyens nécessaires pour mener à bien leurs cursus», a-t-il regretté.
Pour sa part, le Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes), aile Abdelhafid Milat, n’a pas tardé à réagir en dénonçant la décision du ministre, indiquant qu’elle «discrédite les sciences politiques». Le syndicat s’est dit inquiet de savoir que des enseignants spécialisés soient orientés vers l’enseignement du droit qui est une spécialité qu’ils ne maîtrisent pas. Dans ce sens, Abdelhafid Milat a regretté, en conclusion, que le sort de «milliers d’enseignants spécialisés et formés avec l’argent de l’Etat se retrouvent aujourd’hui sans issue».