Le sulfite, ce produit permet de conserver l’apparence de fraîcheur de la viande avariée
Chez certains bouchers tout y passe. Surtout quand il s’agit de tromper le client, en trichant sur la qualité de la viande.
Pas moins de sept boucheries à Alger, dans la daïra d’Hussein Dey, ont été mises sous scellés pour une durée de 15 jours. Cette décision a été prise suite aux résultats d’analyses effectuées par les agents du service d’hygiène le 31 janvier dernier, sur des échantillons de viande hachée. Tout a commencé lors d’un contrôle d’hygiène routinier dans un fast-food «C’est à partir des fast-foods que le service d’hygiène a révélé les dépassements des bouchers», a relaté le président de l’APC d’Hussein Dey. Les résultats positifs au sulfite ont conduit M.Serdati à donner l’ordre de fermeture immédiate des boucheries. «Nous étions obligés de prendre une décision conservatoire, celle de procéder à la fermeture des boucheries concernées pour une durée de 15 jours», a-t-il confié.
Ces analyses ont clairement montré la présence d’une substance chimique appelée le sulfite. Selon les experts, ce produit permet de conserver l’apparence de fraîcheur de la viande avariée, bien que ce soit un additif alimentaire dont l’utilisation est interdite par la loi algérienne. Le plus dramatique dans l’histoire, est que ces bouchers sont conscients de la nocivité de cette substance chimique sur la santé des consommateurs. Les médecins attestent que ce produit peut conduire à diverses maladies chroniques, mais aussi il peut être nocif pour les personnes asthmatiques qui peuvent développer, une fois exposées à ce produit, un bronchospasme sévère. Il provoque également des maux de tête, des irritationq de la peau et des crises d’estomac.
Apparemment, cette pratique n’est pas nouvelle. Il y a environ trois ans, que les services d’hygiène de Sidi M’hamed (toujours à Alger), avaient découvert l’utilisation d’une poudre autorisée uniquement dans les morgues, sur la viande avariée, afin que celle-ci garde sa couleur rouge dans les rayonnages frigorifiques.
Des procédures de prélèvement douteuses
Les exploitants des boucheries touchées par ces fermetures doutent de la fiabilité des résultats du service d’hygiène de la commune d’Hussein Dey. Ils sont allés jusqu’à dénoncer la procédure de prélèvement effectuée par le même service. Le gérant de la boucherie Chikhi située dans la même commune relate: «Les agents du service d’hygiène ont demandé à mon employeur de faire hacher un morceau de viande. Ensuite, ils ont mis l’échantillon dans une glacière ordinaire, sachant que celle-ci ne respecte pas la température idéale pour préserver la fraîcheur de la viande», s’est-il défendu.
L’autre remarque faite par le même gérant, concerne les contrôleurs qui ne lui ont pas laissé un échantillon pour l’analyser à son tour. Avec force arguments, et détails il explique les procédures de prélèvement. «Il est convenu que le service d’hygiène prenne trois échantillons, un pour l’analyse, le deuxième pour le garder, en cas de recours et enfin le troisième sera analysé par nous-mêmes», a-t-il précisé. Le gérant a déploré le fait qu’aucune de ces procédures n’ait été respectée par les services de contrôle de la qualité et de l’hygiène.
La même version des faits a été donnée par un deuxième exploitant de boucherie située au niveau du quartier Mer et Soleil dans la même daïra. Le responsable de la Boucherie Ennajah a indiqué que les mêmes services sont passés le 31 janvier dernier pour contrôler la qualité de la viande de sa boucherie. «Ils ont fait un prélèvement sans me laisser un échantillon», a-t-il contesté. «Quand je l’ai vu mettre l’échantillon dans une simple glacière, je l’ai prévenu qu’elle risquait de présenter une mauvaise qualité», a-t-il martelé.
Les moyens de contrôle manquent
Quelques jours plus tard, poursuit le gérant, «la police est venue pour procéder à la fermeture du magasin, sous prétexte que ma marchandise contient du sulfite». Une révélation qu’il n’arrivait pas à admettre. «Je n’ai pas volé ma réputation. Ça fait plus de 20 ans que je pratique ce métier et je n’ai jamais eu de réclamation ni relevé d’intoxication auprès de mes clients», a-t-il justifié. «J’ai trois écuries, chaque mois une production de quatre tonnes de viande est écoulée sur le marché, sans aucun problème», a-t-il justifié.
Le responsable n’arrivait pas à comprendre un tel résultat de la part des services d’hygiène. Le même service, poursuit-il, a l’habitude de contrôler sa marchandise et à chaque visite il l’encourage et le rassure qu’il est dans la bonne voie. Lors de notre rencontre avec ce gérant, un responsable de service de la pratique commerciale et la répression des fraudes dans le même quartier (Mer et Soleil) s’est approché de nous pour comprendre ce qui s’était passsé. Ce dernier nous a expliqué qu’il a déjà contrôlé par ces agents la même boucherie. «J’ai contrôlé à maintes reprises la boucherie Ennajah, elle a toujours respecté les normes d’hygiène», a révélé le responsable du service, tout en soulignant que «ce n’est pas pour autant que les analyses du service d’hygiène qui a trouvé du sulfite sont fausses». Par ailleurs, ce responsable a soulevé tout de même une vérité inattendue. Elle concerne le manque de moyens de contrôle flagrant des services d’hygiène. Il a cité à titre d’exemple, les petits sachets stérilisés. Ceux-ci permettent de garder l’échantillon destiné à l’examen en bon état. «Quand on a appris l’existence de cette poudre, on a voulu faire un deuxième prélèvement dans toutes les boucheries de la daïra. Mais l’inexistence de ces sachets nous paralyse pour le moment», a-t-il révélé. Le service a reçu un nouveau matériel de contrôle.
Le même responsable nous a montré dans son bureau la toute dernière glacière électronique conçue spécialement pour ce genre de contrôle. Cet équipement nous a-t-il expliqué, contrairement à une glacière ordinaire, respecte les températures qu’il faut. Nonobstant le manque de sachets stérilisés comme l’a révélé ce responsable, l’utilisation des glacières ordinaires des services d’hygiène ne décrédibilise pas les résultats avancés par les services d’hygiène? Après ces révélations, on a essayé de se rapprocher du responsable du service d’hygiène d’Hussein Dey. Ce dernier n’a pas voulu faire de déclaration sous prétexte que le P/APC est le seul habilité à nous répondre. Serait-il vrai que ce service n’a pas de matériel adéquat pour faire ces prélèvements? Les boucheries auraient-elles été victimes de leur APC qui n’a pas pris la peine de renouveler son matériel de contrôle? On ne pourra pas le savoir, surtout que l’enquête du procureur général est toujours en cours. Ceci dit, ce n’est pas la première fois que l’appât du gain peut entraîner les commerçants, quelles que soient leurs activités, à commettre l’impensable.
Les infractions et les fraudes ont dépassé le seuil de l’imagination. Il est temps de sanctionner fermement les responsables pour qu’ils servent d’exemple aux autres.