Elle s’est échinée depuis six mois à réunir un maximum de conditions pour arriver à un consensus au sujet des prix du baril.
En l’espace de trois jours, l’Algérie deviendra La Mecque de l’énergie. demain mardi et mercredi prochain elle abritera la XVe édition du Forum international de l’énergie (IEF15), le plus grand rassemblement mondial des ministres de l’Energie, avec la participation de 72 pays producteurs et consommateurs de pétrole et de gaz. Ce rassemblement sera suivi de la réunion informelle de l’Opep.
Deux événements suffisants pour braquer l’attention de la planète entière qui scrutera avec intérêt ce qui jaillira des rendez-vous d’Alger. Le fait d’avoir réuni les producteurs du pétrole et non-membres de l’Opep est un acquis à l’actif de l’Algérie qui peut se targuer d’un autre succès plus retentissant au plan diplomatique, celui d’avoir ramené l’Iran à la table des discussions, alors qu’il était le grand absent à la réunion de Doha.
C’est donc la voix de l’Algérie qui est la plus audible d’autant qu’elle engrange une autre victoire politique en signifiant au monde, à travers ces rendez-vous, qu’elle maîtrise son avenir politique et économique. En aucune façon donc, la réunion d’Alger ne risque d’être un échec.
L’Algérie a fait le nécessaire pour sensibiliser et les consommateurs et les producteurs. Elle s’échinait depuis six mois à réunir un maximum de conditions pour arriver à un consensus au sujet des prix du baril. Le ministre de l’Energie, Nourredine Bouterfa, a effectué un périple mondial qui l’a mené en Russie où il a rencontré son homologue russe Alexandre Novak. Il s’est rendu en Iran, au début du mois puis au Qatar, et il a rencontré son homologue saoudien à Paris, avant de multiplier les invitations et les assurances envers les pays membres et non membres de l’Opep.
A ces déplacements de Bouterfa à l’étranger, s’ajoutent les visites organisées à Alger, en mars, avec Fausto Herera, le ministre vénézuélien des Finances, en février avec Yukiya Amano, directeur général de l’Aiea, et en janvier avec le président vénézuélien Nicolas Maduro. C’est dire que l’Algérie ne s’est pas prise à la va-vite dans cette rencontre. Parce que le rendez-vous est crucial.
La plupart des pays producteurs de pétrole connaissent des soubresauts économiques à cause de la chute des cours du baril de pétrole. Pour y remédier, l’Algérie a jugé nécessaire d’appeler les producteurs membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole-Opep- à la table des discussions. Evidemment, ce n’est pas la première fois que l’Opep organise des rencontres pour aborder la question des prix. Ce n’est pas la première fois non plus que l’Opep procède à des réunions d’urgence pour examiner le moyen de relever les prix du baril, mais souvent, ces rencontres butent sur l’intransigeance de l’Arabie saoudite en sa qualité de plus gros producteur.
Or, cette fois-ci, la donne a totalement changé. La réunion d’Alger, même informelle, intervient dans un contexte mondial et régional particuliers. Il s’agit d’une rencontre d’après-gaz de schiste qui a basculé la donne mondiale de l’énergie, d’une rencontre et d’après-embargo imposé par les Occidentaux contre l’Iran. Ensuite, c’est une réunion qui coïncide avec des guerres engageant des pays producteurs de pétrole.
Aussi, les prix du baril de pétrole sont devenus aujourd’hui un enjeu géostratégique majeur. Le pétrole est un levier de pressions pour les nations et un facteur de crises internes chez les pays producteurs, le Venezuela est à ce titre un exemple éloquent. L’un des premiers producteurs de pétrole au monde est asphyxié… Ce n’est pas l’unique exemple. Des pays réputés comme étant aisés et sur des matelas financiers inépuisables, comme le Qatar et l’Arabie saoudite, ont été contraints par le fait de cette crise pétrolière de réduire drastiquement leurs dépenses.
En Afrique, la situation est plus difficile, comme au Nigeria, en Angola et au Gabon. L’Arabie saoudite gagnerait à se départir de sa stratégie du statu quo et de prendre option pour le gel de la production en vue d’espérer un relèvement des prix durant l’année 2017. Le Royaume wahhabite doit assumer sa coûteuse guerre au Yémen qui traîne avec son lot de dépenses onéreuses, son engagement en Syrie et en Irak. Avec un baril à 50 dollars, Riyadh, qui a accusé un déficit budgétaire historique de 98 milliards de dollars en 2015, risque de graves perturbations sociales.
Pour toutes ces raisons, il serait suicidaire pour le royaume de refuser l’accord d’Alger et de laisser glisser davantage les prix du pétrole. La Russie est aussi en proie à une crise économique depuis l’embargo que lui a imposé l’Union européenne. Elle ressent donc les difficultés de cette crise pétrolière.Mais, si ces deux grands acteurs sont au creux de la vague, est-ce suffisant pour arriver à un accord à Alger? Est-il possible qu’il y ait une entente entre les deux protagonistes, à savoir l’Arabie saoudite et l’Iran qui sont en pleine crise? Les deux pays sont engagés dans la guerre en Syrie et au Yémen. Cela d’une part, de l’autre, les conflits confessionnels entre Téhéran et Riyadh sont aussi vieux que l’islam.
C’est dire que l’antagonisme entre les deux pays risque d’être un sérieux facteur de blocage dans un contexte énergétique extrêmement compliqué. Autant dire que le pari est très difficile et la réussite de la rencontre de demain (27 septembre) n’est pas liée au génie et aux compétences du ministre de l’Energie et aux conditions réunies par le pays d’accueil.Il appartient aux principaux acteurs de surmonter leurs divergences et d’arriver à un compromis à même de préserver les intérêts de leurs peuples. Au-delà des divergences politiques, il y a la stabilité interne des pays et l’avenir des populations.
A Alger, toutes les conditions sont réunies pour que cette rencontre soit un succès. Il appartient aux principaux acteurs de surmonter leurs divergences et d’arriver à un compromis à même de préserver les intérêts de leurs peuples.