El affroun : L’ancien moudjahid

El affroun : L’ancien moudjahid

Si Madjid Nouas évoque les premiers jours du cessez-le-feu dans la Wilaya IV Si Madjid, 84 ans, actuel secrétaire de la Kasma des moudjahidine d’El Affroun, témoigne, aujourd’hui, de la mobilisation des djounoud dont il faisait partie.

Issu d’une famille de révolutionnaires de Médéa (avec trois fils moudjahidine dont un chahid et une autre victime du devoir lors de la bataille de Tahar Zbiri en 1967 à Bouroumi, et leurs parents torturés et incarcérés durant la guerre de libération), l’ancien moudjahid Si Madjid, qui a été secrétaire de la Région III, zone II, Wilaya IV, évoque ici la période allant du cessez-le-feu à sa démobilisation en octobre 1962.

Militant au sein du PPA, dès l’âge de 15 ans, il prendra le maquis en 1957 (un an après son frère cadet et deux avant le benjamin, âgé de 18 ans et tombé au champ d’honneur un an plus tard) dans la région de Berrouaghia (Djebel Mongorno, un haut lieu de la résistance des combattants de la Wilaya IV), où il sera d’abord secrétaire de secteur, puis secrétaire de Région jusqu’au cessez-le-feu, et où il sera, selon ses pairs, “un pilier de la Région III” et s’avèrera un “maestro” de l’administration — preuve qu’il fera encore comme secrétaire général à la mairie d’El Affroun de 1962 à 1985 et durant les trois dernières années de sa carrière à la daïra.

Si Madjid, 84 ans, actuel secrétaire de la Kasma des moudjahidine d’El Affroun, témoigne, aujourd’hui, de la mobilisation des djounoud dont il faisait partie, dans la préparation de la relève des Français partis en masse et la mise sur pied d’une organisation en vue de la reconstruction d’un pays exsangue, neuf, jeune, où tout était à reprendre, à réaliser avec des moyens matériels et humains dérisoires. “Et nous avons relevé le défi !”, souligne-t-il, une lueur de fierté dans les yeux, ajoutant : “Les Français, avec la politique de la terre brûlée et celle de la chaise vide étaient convaincus qu’après leur départ, ce serait l’anarchie…”

“Cette vaste région difficile (la Région III) surnommée “essabr oua el ima” — patience et foi — (du fait des difficultés rencontrées durant toute la lutte et jusqu’à l’Indépendance : à la suite du regroupement par l’armée française des populations rurales qui nourrissaient et abritaient les djounoud, le ravitaillement de la Région jusqu’aux monts de Tamezguida était devenu extrêmement difficile et risqué.

Il venait de loin, d’Attatba entre autre, avec plusieurs escales, et à dos de moudjahidine qui n’arrivaient pas toujours à la destination) a été dirigée d’une main de fer par le Conseil composé d’un politico-militaire chef de Région, de grade de commandant, secondé par un chef militaire, d’un commissaire politique, de 4 responsables (renseignements et liaisons, logistique, sanitaire, artificier) et du secrétaire chargé des rapports et de la paperasse. Elle se divisait en 4 secteurs, chacun dirigé par un conseil de secteur à l’image de celui de la Région et lui-même divisé en 4 sous-secteurs encadrés par le même organigramme, et ce pour veiller à la bonne marche de l’activité de chaque parcelle du territoire. Après le cessez-le-feu, le PC a été installé au Pic de Mouzaïa dans une vieille maison forestière.

Il était dirigé par le secrétaire général aidé par 2 djounoud et 5 agents de liaison affectés, l’un à la zone et les 4 autres à chacun des secteurs de la Région.

Il a été déplacé en fonction des événements dans le sens progressif de la descente à savoir Granizzi, Aïn Romana et Mouzaïa (au dispensaire) et jusqu’à la démobilisation de tous les djounoud de la Région après l’intégration de certains dans les casernes récupérées par l’ALN. Plusieurs actions ont été menées avec intensité, sous la responsabilité du politico-militaire Si Brahim Seghir (de son vrai nom Brahim Ahmed-Allel) de Mouzaïa, qui était monté au maquis à 16 ans. Elles consistaient, dès l’avènement du cessez-le-feu, à :

– créer les premiers comités d’organisation

– préparer la population pour sa participation au referendum d’autodétermination

– réorganiser les services (agriculture, enseignement – la rentrée 1962-1963 a été assurée avec la réouverture des établissements scolaires désertés après le 19 mars —, hôpitaux et dispensaires, services administratifs…)

– Prendre en charge la campagne des moissons-battages dans certaines fermes abandonnées par les colons après leur fuite en masse, puis celle des vendanges

– désigner les premières APC et leur installation officielle à la tête des communes de la Région (de Tamezguida jusqu’à la mer : Chiffa, Mouzaïa, El Affroun, Oued Djer, Boumedfaa, Attatba, Castiglione, Koléa, Fouka, Douaouda, Tipaza, Bérard, Montebello)

– préparer les aides-soignantes formées dans une structure provisoire à N’haoua sous la responsabilité de feue la moudjahida et infirmière, Fatma Zohra Benzohra, une grande dame dont la maison était devenue un refuge pour les djounoud. Les aides-soignantes formées par ses soins ont assuré la relève dans les dispensaires de la région

-démobiliser les djounoud âgés, fatigués ou malades

– marier ceux qui désiraient fonder un foyer au lendemain de l’Indépendance. Nous les avons rémunérés et leur avons octroyé un logement, du mobilier…

-rassembler les affaires de la région (mobilier laissé par les colons, documentation, archives, finances…) en vue de les remettre au PC de la wilaya IV historique

– restituer les armes récupérées sur la force locale démobilisée…

Tâches menées de jour et souvent de nuit dans des conditions loin d’être aisées, l’OAS étant une menace permanente, depuis la date du cessez-le-feu et jusqu’à la proclamation de l’Indépendance, le 3 juillet 1962. Honneur et gloire à nos martyrs ! ».

F. S.