Le documentaire “Sur les traces des camps de regroupement” présenté à Alger

Le documentaire “Sur les traces des camps de regroupement” présenté à Alger

ALGER – Le film documentaire « Sur les traces des camps de regroupement », un travail historique explorant en profondeur la vie dans les camps de regroupement des populations civiles algériennes instaurés par les forces coloniales, a été présenté au public lundi à Alger par son réalisateur Said Oulmi.

Projeté à la salle Ibn Khaldoun, ce documentaire d’une durée de 74 mn, a été produit par le ministère de la Culture dans le cadre du programme cinématographique du cinquantième anniversaire du recouvrement de l’indépendance.

Ce film tente de restituer le vécu de plus de trois millions d’algériens, contraints de quitter leurs villages et leurs vie nomade, enfermés par l’armée coloniale dans des camps de regroupement sous la surveillance permanente des militaires, afin de couper les liens entre l’Armée de libération nationale et la population.

Le réalisateur concentre une première partie de son travail à recueillir des témoignages en allant à la rencontre de citoyens algériens ayant vécu dans ces camps à la fin des années 1950 et qui racontent les conditions inhumaines dans lesquelles ils ont vécu plusieurs années dans les régions de Bouira, Collo, dans les Aurès ou encore dans le nord sahara.

Promiscuité, malnutrition, maladies, et menace permanente étaient le lot quotidiens de ces algériens déracinés, coupés de leurs moyens de subsistance et de leurs habitats détruits te contraints à s’adapter à un mode de vie « inhumain ».

Le film s’intéresse plus longuement aux témoignages de soldats appelés à passer leur service militaire en Algérie qui ont également longuement témoigné de l’horreur des camps à l’image de Xavier Jacquie, infirmier dans un de ces camps, qui deviendra psychiatre par la suite, et qui évoque « l’immense impact » d’un tel acte sur une aussi large population qui se « répercute » même sur les enfants et l’entourage des survivants après l’indépendance de l’Algérie.

Les documents et témoignages d’anciens appelés ou de l’ancien premier ministre français Michel Rocard, font état de plus d’un million de personne menacés par la famine, du déplacement de plusieurs millions d’algériens et de centaines de morts quotidiennement.

D’autres personnalités témoignent dans ce documentaire de l’atrocité des camps et de l’impossible retour à la normale à l’image de l’historien Benjamain Stora, de l’avocat et militant Jacques Vergès, de l’universitaire Mustapha Khiati ou encore de l’homme politique et ancien chef du gouvernement Reda Malek.

Une partie du documentaire s’articule autour du travail de mémoire entrepris par le photographe français Marc Granger qui avait prit, alors qu’il passait son service militaire, près de 20 000 clichés de femmes algériennes forcées à se dévoiler et à se laisser photographier pour avoir des cartes d’identité alors qu’elle vivaient dans les camps de regroupement.

Le photographe a voulu montrer ces photos et en faire un livre et des expositions pour dénoncer la vie dans les camps et il revient à Bouira à la rencontre de ceux qu’il avait photographié plus de cinquante ans plus tôt.

Meriem Soudani, Zohra Kacem, Zohra Laamouri et Hadda Kouhel, seules femmes encore en vie à avoir été photographiée dans les camps témoignent face caméra de la violence et des humiliations quotidiennes subies, en plus du choc d’être photographiée et dévoilée contre son gré.

Le documentaire retrace également le long processus de dénonciation initié par Michel Rocard et qui sera porté très vite par les grands journaux français.

Si les études historiques sur les camps de regroupement restent « très faibles », il est cependant attesté, selon le réalisateur, que ces lieux ont couté la vie à plus de « trois millions d’algériens », mort essentiellement de faim ou de maladie, en plus des séquelles indélébiles laissées chez les survivants dont quelques uns étaient présents à cette projection.