Dès lors que les Conseils des ministres, lieu où les stratégies et les démarches sont rappelées et précisées, ne sont réunis que très rarement, il est normal que la cohésion gouvernementale en souffre.
Le gouvernement Sellal est loin de constituer un modèle de cohésion. D’aucuns attesteront, sans hésitation aucune, qu’il relève même de l’évidence tautologique, tant, durant l’été, voire bien avant, certains ministres nous ont conviés à un spectacle politique qui a dévoilé un Exécutif souffrant terriblement d’un manque de solidarité et naviguant à vue.
Les recadrages que les ministres par trop “bavards” essuient après chacune de leurs dénonciations publiques de malversations ou de faits de corruption en apportent très justement la confirmation. L’itération des rappels à l’ordre, exprimés le plus souvent sous la forme polie de précisions, a montré, elle, que l’indiscipline chez Sellal est quasi structurelle.
En tout cas, il est des ministres qui ne s’obligent pas à solliciter le quitus de la hiérarchie avant de lancer des pavés dans la mare. Ainsi, en a-t-il été du ministre de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de l’Artisanat, Abdelouahab Nouri, qui, lors d’une récente virée d’inspection dans la wilaya de Tipasa, surprend tout le monde en confirmant le scandale de Dounia Parc, dont il révèle, à l’occasion, le détail. Amar Ghoul, son prédécesseur à la tête du secteur, est visé. Ce dernier réagit naturellement et nie toute responsabilité. Soit, mais l’image du gouvernement a été ternie. Le Premier ministre intervient et tente de limiter les dégâts politiques que la sortie de Nouri pourrait occasionner. Il botte en touche, en soutenant qu’il s’agit d’erreurs et que ces dernières ont été corrigées.
L’actualité n’a pas eu le temps de se renouveler qu’un autre ministre, encarté RND, à la tête d’un portefeuille important, livre, coup sur coup, deux scoops qui mettent mal à l’aise Abdelmalek Sellal dont l’intendance a de la peine à venir à bout des indisciplines répétées des membres de son gouvernement. Le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, pour ne pas le nommer, annonce le projet de réintroduction de l’importation de véhicules d’occasion et révèle, quelques jours après, l’histoire de l’importateur qui fait sortir du port d’Alger deux containers de pièces détachées automobiles, malgré les réserves, voire l’opposition au dédouanement signifiée par son ministère.
Pour l’annonce du retour de l’importation du véhicule d’occasion, une source, voix off du gouvernement, a illico opposé un démenti. S’agissant de l’affaire de l’importateur, c’est le ministre de la Justice, Tayeb Louh, qui a répliqué par deux fois à Belaïb. Une première fois en affirmant que les portes des parquets sont grandes ouvertes et, une seconde fois, hier, plus précisément, en faisant remarquer qu’il n’y avait pas lieu de se répandre en déclarations publiques, conseillant aux plaignants, le ministre du Commerce dans le cas qui nous intéresse, de se suffire de suivre l’évolution de la plainte au niveau du tribunal.
Ces passes d’armes entre des ministres d’un même gouvernement font, incontestablement, désordre et provoquent un chahut tellement perceptible que le ministre de la Communication, Hamid Grine, juge, tel un porte-parole, nécessaire de rassurer sur la cohésion gouvernementale. “Il y a une cohérence et une solidarité gouvernementales dans l’application du programme du Président”, a-t-il affirmé avant-hier à Alger. Mais le ministre de la Communication n’a-t-il pas été le premier à trahir dans ses affirmations passées, l’absence de cohésion de l’Exécutif ? C’est lui qui soutenait, contre tout bon sens politique qui voudrait qu’une loi s’applique dans l’intégralité de ses dispositions, qu’il n’allait pas installer l’autorité de régulation de la presse écrite, au motif qu’à ses yeux, elle est inutile. Il aura fallu plusieurs mois et une interpellation parlementaire pour que Sellal le recadre.
Un cadrage, un de plus, un de trop, qui n’aurait pas lieu d’être si la nature du gouvernement ne permettait pas des errements de ministres comme ceux que l’opinion a eu tout le loisir d’observer et de noter. Dès lors que les Conseils des ministres, lieu où les stratégies et les démarches sont rappelées et précisées, ne sont réunis que très rarement, il est normal que la cohésion gouvernementale en souffre. Davantage, d’ailleurs, quand l’Exécutif, et c’est le cas justement avec le gouvernement Sellal, n’est pas l’émanation d’une majorité parlementaire, partisane ou de coalition.