Conflit du Sahara Occidental: Le jeu “trouble” du Maroc

Conflit du Sahara Occidental: Le jeu “trouble” du Maroc

Le représentant sahraoui auprès des Nations unies n’a décelé aucune volonté de la part de Rabat pour mettre fin à son occupation du Sahara occidental.

C’était dans l’air. Cela se confirme jour après jour. Les larmes de crocodile versées par le souverain marocain pour apitoyer les pays africains qui ont consenti à son adhésion à l’UA font partie d’une basse manoeuvre pour garder sous sa coupe les territoires sahraouis annexés en 1975. Neutraliser ses membres favorables à l’organisation d’un référendum d’autodétermination qui puisse garantir le droit du peuple sahraoui à se prononcer librement quant à son avenir comme le stipulent les résolutions successives du Conseil de sécurité de l’ONU. Et pourquoi ne pas en exclure la Rasd qu’il qualifie d’entité fantoche. Le pouvoir marocain a clairement affiché ses objectifs, ce qui augure incontestablement une situation de statu quo prolongé, voire de pourrissement.

Dans une déclaration à la BBC, le représentant sahraoui auprès des Nations unies souligne n’avoir décelé aucune volonté de la part de Rabat pour mettre fin à son occupation du Sahara occidental. Et il a bien raison. «Nous n’avons pas encore vu, de la part du Maroc, des déclarations publiques encourageantes qui pourraient indiquer la volonté de Rabat de mettre un terme au conflit au Sahara occidental l’opposant au Front Polisario», a déclaré Ahmed Boukhari, à la télévision britannique.

Le diplomate sahraoui qui s’est référé aux anciens agissements du Makhzen remet en doute l’ «honnêteté» et la «franchise» du Maroc, évoquant même des «intentions inavouées» de ce pays nouvellement arrivé au sein de l’UA, rapporte l’APS dans une dépêche datée d’hier. «Pourtant, l’adhésion du Maroc à l’Union africaine (UA) pourrait être une opportunité pour résoudre le conflit du Sahara occidental, pour peu que Rabat ne joue pas à un jeu trouble et douteux», a-t-il fait remarquer. En plein dans le mille! Le Maroc ne «reconnaîtra jamais» la République arabe sahraouie démocratique (Rasd), a indiqué le ministre marocain délégué aux Affaires étrangères.

«Le retour du Maroc au sein de sa famille institutionnelle continentale ne changera rien dans nos positions immuables concernant la marocanité du Sahara occidental», a ajouté Nacer Bourita qui a qualifié la République sahraouie d’ «entité fantoche» dans un entretien publié le 5 février par le site d’info en ligne Le Desk. Le Front Polisario se met en vigilance rouge. Dorénavant, le Maroc est sur écoute. «Nous allons suivre de près toute déclaration ainsi que tout mouvement politique et diplomatique du Maroc. S’il s’avère qu’il cache des intentions de trahison, les Etats membres de l’UA ne l’accepteront pas», assure le représentant sahraoui auprès de l’ONU.

Il va falloir par conséquent obliger le Maroc à respecter l’Acte constitutif de l’UA qu’il a ratifié, à respecter les frontières héritées de la colonisation qui font du Sahara occidental un territoire distinct du royaume, ce que ne peuvent ignorer les Etats membres de l’Union africaine. «A la base, tous les chefs d’Etats africains étaient unanimes à dire qu’être membre c’est accepter la Charte. Ne pas respecter cette Charte a des conséquences politiques, et c’est aussi trahir tous les Etats membres de l’Union», a signalé Ahmed Boukhari. La Rasd a-t-elle été dupée ou a-t-elle fait preuve de naïveté? Possible. Ce qui est certain c’est qu’elle a cru en la bonne foi du Maroc. Comme elle a cru que l’adhésion du Maroc allait faire progresser la cause sahraouie.

L’adhésion du Maroc pourrait permettre une coopération «plus active entre l’UA et l’ONU, en vue d’accélérer la mise en oeuvre du plan de paix, élaboré conjointement par les deux organisations», affirme le diplomate sahraoui. L’arrêt rendu par la Cour de justice européenne le 21 décembre 2016 pourrait faire pencher la balance. La Cjue a reconnu que la présence marocaine au Sahara occidental est «illégale, du moment qu’il s’agit d’un territoire distinct et séparé du territoire du Maroc, réaffirmant ainsi, le sens de l’article 4 de la Charte de l’UA», a rappelé Ahmed Boukhari à la chaîne de télévision britannique, la BBC. «La balle est dans le camp marocain», a conclu le représentant du Front Polisario auprès des Nations unies. Il est pratiquement certain que le pouvoir marocain bottera en touche.