Pour la première fois, une plaisanterie dont François Hollande est coutumier a provoqué un incident diplomatique: le chef de l’Etat a dû exprimer dimanche ses “sincères regrets” après une boutade sur la sécurité en Algérie, regrets accueillis “avec satisfaction” à Alger.
Prenant la parole le 16 décembre devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), le chef de l’Etat avait déclaré sur le ton de la plaisanterie que Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, était rentré d’Algérie “sain et sauf”. Avant d’ajouter: “c’est déjà beaucoup”.
La saillie de François Hollande a été fort mal accueillie en Algérie, où les souvenirs douloureux de la guerre civile, dans les années 90, restent très vifs.
Le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra a estimé samedi qu’il s’agissait d’un “incident regrettable” et d’une “moins-value” pour les liens entre les deux pays.
Le Rassemblement national démocratique (RND), deuxième force politique du parlement algérien, a même jugé que les propos de François Hollande “dénotaient la haine vouée par les Français aux Algériens”.
“Hollande se moque de l’Algérie devant les juifs”, pouvait-on lire en première page de journaux algériens.
En France, le président de l’UMP Jean-François Copé a qualifié, dimanche sur Twitter, la plaisanterie de François Hollande de “dérapage verbal” et de formule “déplacée” .
Le leader du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon a déclaré, également sur Twitter, que de tels propos lui donnaient “la nausée”.
Face à ces réactions, François Hollande a exprimé dans un communiqué “ses sincères regrets pour l’interprétation qui est faite de ses propos et en fera directement part au président (algérien Abdelaziz) Bouteflika”.
“Chacun connaît les sentiments d’amitié que François Hollande porte à l’Algérie et le grand respect qu’il a pour son peuple, comme l’ont prouvé la visite d’État qu’il a effectuée en décembre dernier et les discours qu’il a prononcés”, a ajouté la présidence de la République.
Peu après, Ramtane Lamamra a fait savoir avoir “pris connaissance avec satisfaction” de ce communiqué.
“Péché mignon”
Ramtane-Lamamra
Ce n’est pas la première fois qu’avec ses bons mots, François Hollande provoque trouble, gêne ou agacement. L’homme pratique depuis toujours ce type de propos badins, avec un succès inégal auprès de son entourage. “C’est son péché mignon, il ne peut pas s’en empêcher, et pourtant il se retient !”, confie l’un de ses proches.
Laurent Fabius l’avait qualifié même de “monsieur petites blagues”, à une époque où les deux hommes s’opposaient au sein du PS.
A une petite fille qui lui disait au Salon de l’agriculture, en février dernier, n’avoir jamais vu Nicolas Sarkozy, François Hollande lui avait répondu à brûle-pourpoint: “bah! tu ne le verras plus”.
L’opposition s’était emparée de cette réplique, y voyant un “dérapage” revenant, selon les mots de Nathalie Kosciusko-Morizet, à “insulter les millions de Français” ayant voté pour Nicolas Sarkozy.
A la même époque, après l’abdication de Benoît XVI, il avait lancé, tout en rendant hommage au pape démissionnaire: “nous ne présentons pas de candidat” au conclave.
Des propos qui avaient suscité un certain émoi dans l’opposition, les considérant comme désinvoltes à l’égard du Vatican.
Mais cette fois-ci, son humour a suscité une vive réaction dans une capitale étrangère car il s’est heurté à la complexité des relations entre l’Algérie et l’ancienne puissance coloniale, très sensibles depuis l’indépendance en 1962.
“L’Algérie m’est chère. Mais force est de constater qu’après plus de 50 ans, ns ne sommes par parvenus à pouvoir plaisanter. Le temps viendra”, a constaté dans un tweet Michèle Delaunay, ministre chargée des Personnes âgées.
François Hollande s’est efforcé néanmoins, depuis son arrivée au pouvoir, de donner une nouvelle impulsion aux relations bilatérales, qui s’est traduite par une visite d’Etat en Algérie en décembre 2012 et, il y a moins d’une semaine encore, par la visite du Premier ministre, durant laquelle Jean-Marc Ayrault a plaidé pour un “nouvel élan” économique avec l’Algérie.
Crédits AFP