Inconnu du grand public il y a un mois, Saïd Bouchouk est devenu en l’espace de quelques jours le sujet numéro un des discussions des Algériens.
La réflexion faite par un supporter présent au stade 5-Juillet, qui s’est inspiré d’un titre de France Football (match Saint-Etienne-PSG dans les années 1980. Le titre était : On est venus voir Platini, on a vu Moumous, ou Mustapha Dahleb), reflète très bien ce qui s’est passé avant-hier au stade 5-Juillet. «On est venus voir Feghouli et on a découvert Bouchouk», disait ce fan. Tout le monde était resté admiratif devant le talent et la technique de ce garçon. Vahid Halilhodzic a raison de crier haut et fort que c’est grâce à lui qu’il est là. Avant lui, aucun technicien ni journaliste n’avaient parlé de Bouchouk. Dorénavant, on ne parlera que de lui. Parce qu’il était la star de la soirée. On a jugé utile de l’appeler pour lui poser quelques questions. Humble et très modeste, Saïd Bouchouk a accepté de répondre à nos questions avec une sincérité et une innocence hors du commun. Entretien.
– Sacrée soirée que celle que vous avez vécue hier (ndlr : entretien réalisé hier) au 5-Juillet …
– Je ne sais pas quoi vous dire. J’ai donné le meilleur de moi-même. J’espère avoir été à la hauteur des espérances de mon coach d’abord, de ma famille ensuite et enfin de tous les supporters de l’équipe nationale.
– Vous étiez énervé en fin de match. Peut-on connaître les raisons ?
– Ce qui s’est dit à mon égard la veille m’a beaucoup affecté. L’entraîneur ne m’a jamais dit que je jouais comme un gamin ou que j’étais un joueur de cirque. Au contraire, il m’a toujours encouragé et soutenu depuis le début du stage. Je pense que certains journaux ont exagéré un peu et ont voulu faire de moi le dindon de la farce.
– Peut-être qu’ils voulaient vous passer un message. Il est possible aussi qu’ils aient voulu vous secouer et vous responsabiliser…
– C’est possible. Mais j’ai trouvé les mots utilisés dans la presse un peu blessants. Je suis nouveau en équipe nationale et de pareils écrits sont la dernière chose dont j’ai besoin en ce moment.
– L’essentiel est que le résultat final soit positif et que vous avez marqué votre première apparition avec les Verts…
– Je n’ai jamais douté de ça. Vous allez, peut-être, vous dire que je suis un vantard ou que j’ai eu la grosse tête, ce qui n’est pas le cas, mais je suis un joueur confiant qui croit fort en ses capacités. J’espère être à la hauteur. Je promets d’être plus fort à l’avenir.
– Coach Vahid n’a pas tari d’éloges à votre égard. Cela devrait vous faire plaisir…
– C’est normal, surtout venant d’un grand entraîneur de sa trempe. C’est lui qui m’a découvert. Je le remercie pour sa confiance et son soutien. Ces quelques jours passés avec lui m’ont beaucoup aidé à comprendre ce que c’est que le haut niveau. C’est un coach intentionné, proche de ses joueurs. C’est un vrai professionnel au sens propre du mot.
– Pensez-vous pouvoir être sélectionné si un autre entraîneur était à la barre de l’équipe nationale ?
– Je n’en suis pas sûr.
– Quand la convocation de l’EN vous est parvenue, qu’est-ce que vous vous êtes dit ?
– Que mon heure venait de sonner. Que c’était ma chance qu’il ne fallait pas que je gâche.
– êtes-vous satisfait de votre prestation ?
– Je suis content car je me suis donné à fond sur le terrain. Je ne pouvais pas espérer un meilleur début avec l’équipe nationale. Néanmoins, j’estime que je pourrai faire beaucoup mieux que ça à l’avenir. Je continuerai à travailler avec mon club pour être présent lors du prochain match en février prochain face à la Gambie. Maintenant que Vahid m’a ouvert la porte, à moi d’avancer et de gagner ma place.
– Dans le poste où vous évoluez, il y a plusieurs bons joueurs. Pensez-vous être capable de vous imposer ?
– Comme je vous l’ai dit, je suis un joueur très confiant. Je ne doute jamais de mon talent ou des mes capacités. Cet entraîneur fera jouer les meilleurs et je suis convaincu que je pourrai être parmi eux si je suis les consignes et que je continue à travailler comme je le fais depuis que j’ai commencé à taper dans un ballon.
– Qui aurait imaginé qu’un joueur du CAB va concurrencer des joueurs de Valence, Valenciennes, Sochaux…
– Oui, je suis Saïd Bouchouk et je veux m’imposer en équipe nationale. L’entraîneur a dit que l’important n’était pas où tu joues mais ce que tu peux donner sur le terrain. Je sais que ça ne sera pas facile, et qu’il y a plusieurs bons joueurs qui jouent dans le même poste que moi, mais je ferai tout ce qui est de mon pouvoir pour gagner une place dans cette équipe. Si je réussis tant mieux, sinon, je me dirai que j’ai tout fait pour.
– Votre sang-froid nous étonne. On dirait que vous êtes en équipe nationale depuis des années…
– Vous savez mieux que moi que dans la vie, et surtout en Algérie, que si vous êtes trop timide, vous n’aurez rien du tout. Moi, je ne l’ai jamais été. Je m’exprime quand j’en ai envie et je me tais quand je le veux aussi. J’essaye d’être respectueux envers tout le monde et ne manquer de respect à personne, mais quand il faut dire quelque chose, je le dis et quand quelque chose me dérange, je le dis aussi. Je suis comme ça…
– Parlons un peu de vos premiers jours en sélection. Comment les aviez-vous vécus ?
– J’ai découvert un groupe magnifique et très chaleureux. Je remercie tous les joueurs de m’avoir facilité la tâche et aidé à m’intégrer, plus particulièrement Khaled Lemouchia, qui, je l’avoue, m’a énormément conseillé et aidé à me trouver une place parmi les autres.
– Que vous ont dit les joueurs après le match ?
– La plupart sont venus me féliciter. Antar Yahia, Medjani, Khaled Lemouchia, Doukha, Soudani, Zemmamouche. Ça m’a fait très chaud au cœur.
– Et Vahid…
– Il ne m’a pas dit un mot.
– Pourquoi, d’après vous ?
– Je n’en ai aucune idée. Mais j’ai vu dans la presse qu’il était content de ma prestation et c’est le plus important pour moi.
– Avec votre nouveau statut, c’est une nouvelle vie qui commence pour vous…
– Je ne vois pas les choses de cette façon. Je suis toujours Saïd Bouchouk, joueur du CAB et enfant de Bir El-Arch. Je ne compte pas changer de mentalité ou de conduite. Je reste comme je suis, je ne changerai pas.
– Normalement dans votre cas, les rêves grandissent, à commencer par penser à l’Europe…
– On n’en est pas encore là. Il ne faut pas trop s’enflammer. Je garde les pieds sur terre et je continue à travailler, parce que dans le cas contraire, tout pourrait s’écrouler et on ne pourrait s’en vouloir qu’à soi-même. «Derdja, Derdja», comme on dit chez nous.
A. B.