Avertissement sur la croissance des dépenses publiques, La Banque d’Algérie récidive

Avertissement sur la croissance des dépenses publiques, La Banque d’Algérie récidive

Au cours de la semaine écoulée, l’état de nos finances publiques est revenu sur le devant de la scène économique à la suite des annonces successives de l’abandon du projet de LFC-2013, suivi de peu par le nouvel avertissement de la Banque d’Algérie sur le rythme élevé de la croissance des dépenses publiques.

À la veille de l’été 2012, c’est à la surprise générale que l’institution dirigée par Mohamed Laksaci avait délivré, contrairement à ses habitudes dans ce domaine considéré généralement comme réservé au ministère des Finances, un véritable “warning” sur les finances publiques nationales en estimant dans son rapport de conjoncture pour l’année 2011 que “désormais, l’équilibre budgétaire requiert des niveaux de prix des hydrocarbures supérieurs à 112 dollars le baril pendant que les recettes budgétaires totales restent fortement dépendantes de celles, très volatiles, des hydrocarbures”.

Depuis, la situation est loin de s’être améliorée, et la Banque d’Algérie a décidé de récidiver en fin de la semaine dernière, cette fois au titre des dépenses de l’État pour l’année 2012. Le constat est encore plus dur que l’année dernière. M. Laksaci attire l’attention de l’Exécutif sur la tendance haussière que suivent actuellement les dépenses publiques, ce qui “représentent un risque majeur pour les finances publiques. La volatilité des prix du pétrole sur le marché international constituant une menace permanente et sérieuse pour le budget de l’État.” Suivent une série de chiffres figurant dans le rapport annuel de la Banque centrale sur l’évolution économique et monétaire de l’exercice 2012. Ils indiquent notamment “que le taux de couverture des dépenses courantes par les recettes hors hydrocarbures a continué à reculer pour atteindre 45% contre 55% en 2010” , ou encore que “le poids de la dépense publique a pris des proportions importantes, passant de près de 45% en 2011 à 50% du PIB en 2012, alors que ces ratios sont de l’ordre de 27% au Maroc et 26% en Tunisie en 2011.” Une situation jugée “défavorable” par les locataires de la villa Joly, qui considèrent qu’elle illustre de façon très claire la “vulnérabilité significative du budget de l’État.” Le chiffre le plus significatif et le plus récent cité par M. Laksaci concerne la forte croissance des dépenses budgétaires totales en 2012, évaluée au niveau vertigineux de 22,5%. Un rythme qui “n’est pas soutenable”, conclut le gouverneur de la Banque d’Algérie .

L’annulation du projet de LFC-2013 : une bonne nouvelle

Dans ce contexte et même si l’annulation du projet de loi de finances complémentaire (LFC) pour 2013 provoque, ces derniers jours, des inquiétudes légitimes au sujet du bon fonctionnement des institutions gouvernementales, cette décision, que le Premier ministre a confirmée la semaine dernière, risque de s’avérer finalement une très bonne nouvelle pour la santé de nos finances publiques. Ceci pour une raison très simple qui tient dans le fait que la “routine” des lois de finances additionnelles a essentiellement servi au cours des dernières années à alimenter la fièvre dépensière de l’État. On comprendra mieux le contexte dans lequel intervient cette décision si on se rappelle que les dépenses de fonctionnement de l’État sont en pleine explosion depuis plus de 5 ans. Entre 2007 et 2012, elles ont pratiquement été multipliées par 3, passant de 22 à 65 milliards de dollars.

Curieusement, alors que les lois de finances initiales adoptées en début d’année étaient en général assez “sages” sur le chapitre de la dépense, ce sont les lois de finances complémentaires qui ont souvent été l’instrument privilégié du dérapage financier de l’État. L’exemple le plus typique et le plus récent dans ce domaine est celui de l’année 2011 où, dans le sillage des émeutes de janvier et dans le but de satisfaire les augmentations de salaire réclamées par les fonctionnaires, une LFC élaborée précipitamment a carrément augmenté de 600 milliards de dinars (plus de 8 milliards de dollars) les dépenses de fonctionnement prévues en début d’année.

Une pause des dépenses confirmée en 2013 ?

Pour la première fois depuis l’avènement de cette boulimie de dépenses, la loi de finances initiale pour 2013 avait tenté de ramener les dépenses courantes à un “niveau plus acceptable”, notamment grâce à la fin des opérations du versement des rappels sur les salaires de la Fonction publique.

Il n’empêche que le Parlement a encore approuvé pour 2013 des dépenses de fonctionnement de près de 60 milliards de dollars (environ 4 400 milliards de dinars) qui prennent en charge notamment la création de plus 52 000 nouveaux postes dans la Fonction publique. L’abandon du projet de LFC est une bonne nouvelle donc qui pourrait n’être qu’un sursis puisque le Premier ministre annonce que toutes les mesures prévues au titre de la LFC-2013 seront finalement inscrites dans le projet de loi de finances pour 2014. Il est vrai que l’année prochaine sera marquée par une échéance politique capitale qui risque de se révéler peu favorable à la mise en œuvre d’une politique budgétaire rigoureuse. En attendant, l’année 2013 devrait être le premier exercice budgétaire depuis longtemps (et peut être aussi avant longtemps ?) à ne pas enregistrer un nouveau dérapage du train de vie de l’État.

H. H