La fiscalité locale et sa redynamisation à travers les aménagements apportés aux textes, a été l’objet d’une table ronde organisée par El Moudjahid, avec la participation de M. Azzedine Kerri, directeur des finances locales au ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, Mme Guerrache Fatiha, sous-directrice chargée des ressources de la fiscalité,
M. Djerrad Djamal, commissaire aux comptes et consultant,
M. Anekik Hakim, sous-directeur des requêtes fiscales.
Liées au budget de l’Etat
Pour M. Kerri Azzedine, les finances locales ont été longtemps liées au budget de l’Etat. La ressource financière, c’est une ressource de l’Etat. Le principal impôt local, demeure l’impôt foncier. Mais il y a des difficultés à assurer son encaissement pour un certain nombre de raisons, dont l’absence de cadastre demeure la principale. Pour le reste, l’impôt foncier est lié à la qualité de propriétaire du bien, ajoutant à cela, les constructions illicites et autres déviances, tout cela donne un impôt foncier à très faible rendement. Dans la série des impôts locaux, le représentant du ministère de l’Intérieur cite aussi la taxe d’habitation, dont un arrêté fixe le taux.
L’Etat en tant qu’accompagnateur
Pour M. Kerri, les collectivités locales vivent grandement de la fiscalité. Toute mission confiée aux collectivités locales par l’Etat est obligatoirement accompagnée par des moyens financiers, note l’orateur (construction d’écoles, etc.).
M. Kerri relève que toute commune qui n’a pas un gisement fiscal est considérée comme commune démunie. Il faut savoir que la plupart des collectivités locales au niveau du pays sont à vocation agricole sur la totalité (1.541 communes), 900 ont une vocation rurale, cela a amené la création d’un Fonds commun de réserve qui est un fonds de solidarité. Il s’agit d’un établissement à caractère administratif pourvu d’un conseil d’orientation, lequel est composé d’élus et de représentants de l’administration. La création des communes, les redécoupages du territoire ont favorisé la création de communes qui n’avaient aucune viabilité économique.
Le Fonds a joué un grand rôle
C’est dans cette perspective que le Fonds a joué un grand rôle pour assurer la sauvegarde de ces communes déshéritées et combler les déficits qu’elle présentaient 1.290 communes déficitaires qui ont vu l’intervention du Fonds, cela s’est fait au détriment de leur développement et de leur équipement. Le Fonds commun des collectivités locales et chargé de verser sur leur fonds de solidarité, aux wilayas et communes, des dotations de service public obligatoire, des attributions de péréquation, des subventions exceptionnelles d’équilibre, des subventions pour répondre à des situations imprévisibles (catastrophes naturelles, etc.).
Les ressources communes aux deux fonds de solidarité sont réparties par le conseil d’orientation aux deux fonds à proportion de 75% au profit du fonds communal, de solidarité et 25% au profit du fonds de solidarité, de la wilaya, une dotation de service public est allouée aux collectivités locales dont les ressources du budget s’avèrent insuffisantes à couvrir leurs charges obligatoires de fonctionnement. Les subventions d’équipement et d’investissement sont destinées à promouvoir le développement des collectivités locales dans le cadre des orientations et des objectifs fixés par le programme national de développement.
Des dépenses obligatoires
Les collectivités locales ont des dépenses obligatoires, salaires notamment. En 2010, selon le représentant du ministère de l’Intérieur, il y a eu 14 budgets déficitaires qui ont été recensés. La commune intervient pour 2% de ses recettes fiscales pour garantir une situation de moins-value fiscale.
En perspective, toute recette prévue doit être ordonnancée, il y a garantie d’avoir des recettes si des missions nouvelles sont confiées à la commune. Le directeur des finances locales a imputé à un manque de civisme de la part du citoyen, le non-paiement de certains impôts, celui relatif à l’enlèvement des ordures ménagères est le plus courant. Il y a de nouvelles préoccupations qui apparaissent à travers les questions liées à l’environnement, l’emprunt, la commune ne peut y recourir ou ne le fait pas.
Pour M. Djerrad Djamel, une collectivité locale pour activer doit avoir des ressources fiscales et autres. S’agissant des ressources fiscales, les wilayas, les communes et le Fonds commun des collectivités locales, disposent d’impositions perçues au profit des wilayas, des communes et du Fonds, la taxe sur l’activité professionnelle. Il y a ensuite des impositions perçues exclusivement au profit des communes, soit la taxe foncière, la taxe d’assainissement. Les taux revenant aux wilayas et communes sont fixés, s’il y a lieu, chaque année par ces collectivités conformément à la loi. Lorsqu’il y a des exonérations (Sud par exemple) en matière d’investissement, l’Etat assure la compensation. Le Fonds commun, qui est un Fonds de réserve assure les compensations chaque année par ces collectivités, conformément à la loi.
Une multitude de taxes locales
Il y a une multitude de taxes qui reviennent aux collectivités locales qui sont traditionnelles : Taxes d’assainissement, la TAP, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la TVA, la taxe sur les déchets médicaux, la taxe sur l’enregistrement (droit de timbre, taxe d’affichage).
Il faut pouvoir gérer tout cela, note M. Djerrad. Il faut encourager désormais l’investissement en octroyant aux collectivités locales des prérogatives. Pour Anekik Hakim, sous-directeur des recettes fiscales, une fiscalité locale implique une création d’impôt.
Différentes mesures ont été prises par l’Etat pour améliorer et renforcer les capacités financières des collectivités locales à travers les lois de finance en 2008, à travers l’institution de l’impôt forfaitaire unique, le relèvement du taux de la TAP, la taxe spéciale sur les actes et permis immobiliers, l’élargissement de la taxe de séjour à l’ensemble des communes avec actualisation de ses tarifs, les redevances au titre de l’installation d’ouvrages sur le domaine public, le relèvement de la quote-part du produit de certaines taxes revenant aux communes, l’autorisation faite aux trésoriers communaux à admettre en dépense, sous forme d’avance, certaines dépenses à caractère obligatoire, s’agissant du montant des recouvrements relatifs la fiscalité des collectivités locales. M. Anekik Hakim, relève que les recouvrements au profit des collectivités locales et des Fonds spéciaux s’élèvent à 77,2 MDA soit une moins-value de 1,5 MDA comparativement aux recouvrements du premier trimestre 2010 (78,6 MDA).
Le taux de réalisation a été de 78% par rapport à l’objectif de la loi de finances 2011.
Evolution importante des ressources locales
En 2008, ce qui a profité aux communes, ce sont des montants dus à la fiscalité de 208 milliards de DA, en 2009, ce montant a été de 241 milliards de DA soit une évolution de 4%. En 2010, le montant a été de 251,2 MDA soit une évolution de 4% également. Il y a donc une évolution importante des ressources fiscales locales qui avoisine les 200%. A propos de l’évasion fiscale, le représentant de la DGI, relève qu’il y a des compensations par le biais du Fonds commun. S’agissant dans le débat également du droit d’affichage et de l’impôt y afférant, M. Anekik Hakim, relève que l’affichage se fait aujourd’hui de façon désordonnée, il doit pourtant satisfaire à des obligations fiscales. C’est aussi le cas pour l’apposition de plaques professionnelles.
De l’argent à répartir
Sur la mission du Fonds, il a de l’argent à répartir est-il noté. Il ne peut dépenser plus qu’il ne dispose, note le représentant du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales. Aujourd’hui on dispose d’une cagnotte qui peut servir sur les dix années qui viennent. Concernant une question sur les missions de service public (création de crèches, d’abattoirs, etc.), le Fonds commun peut les financer. Le Fonds commun qui est un Fonds de réserve est aussi une institution de solidarité intercollective locale.
Des communes qui ont beaucoup d’argent
A propos de nouveaux instruments fiscaux à mettre en place, suite à une question, M. Kerri relève qu’il y a des communes qui ont de l’argent et qui ne savent pas quoi en faire. A l’avenir, il est opportun de créer une dynamique pour permettre aux communes de lancer des initiatives propres à assurer leur développement. Pour le représentant de l’APC Alger-Centre, il y a un potentiel qui est aujourd’hui en jachère.
Zéro déficit pour 2011
S’agissant des déficits, actuellement on prévoit pour 2011, zéro déficit, note M. Kerri qui rappelle que pour 2010, 14 communes présentaient des déficits. 135 millions de dinars ont été déboursés pour ces communes tirés du Fonds commun. En 1999, 1.207 communes étaient concernées, il y a été déboursé 15 milliards de DA. En 2009, 419 communes concernées 3 milliards de DA ont été déboursés. A l’avenir, le Fonds interviendra à la faveur de cette amélioration, beaucoup plus sur les projets d’équipement plutôt que sur les déficits.
Le déficit a été pendant longtemps un déficit structurel né des ressources financières des collectivités locales. On a été contraint, note M. Kerri, d’équilibrer les budgets selon des règles autres que celles connues pour les budgets de l’Etat.
M. Kerri relève que le recouvrement qui a été pendant longtemps de la prérogative des receveurs des contributions diverses a été confié à un moment à des trésoriers communaux ; ce qui a créé une rupture, car ces derniers n’avaient pas de tradition en la matière.
Le problème qui se pose pour le recouvrement est un problème de civisme. Il y a des choix politiques pour l’avenir à faire, note M. Anekik qui cite des exemples étrangers où la fiscalité locale a de bons rendements.
Tahar Mohamed Al Anouar