L’arrivée sur le «marché» de l’émotivité musulmane d’un film dénigrant le prophète de l’Islam s’est traduite le mardi 11 septembre par des manifestations de colère qui ont culminé par une attaque violente contre le consulat américain à Benghazi où quatre fonctionnaires américains dont l’ambassadeur des Etats-Unis J. Christopher Stevens ont été tués. L’auteur du film dit l’avoir fait pour servir Israël.
L’ambassadeur américain est mort par suffocation après un tir de roquette contre le siège du consulat à Benghazi. L’affaire, qui s’est passée à une date symbolique, intervient en pleine campagne présidentielle aux Etats-Unis et elle a été immédiatement instrumentalisée par l’adversaire d’Obama à l’élection.
L’administration américaine a choisi de mettre à l’index, ce qu’Hillary Clinton a qualifié de «petit groupe sauvage» et a indiqué que les Etats-Unis préserveraient leur «amitié» envers la Libye. Mais pour montrer qu’elle ne reste pas inactive, l’administration Obama a décidé de déployer une équipe de Marines spécialisés dans la lutte antiterroriste en Libye.
L’annonce a été faite par un responsable du Pentagone.»Les Marines envoient une équipe +Fast+ (Fleet Antiterrorism Security Team, ou Equipe de sécurité de la flotte antiterroriste) en Libye» a-t-il indiqué sous couvert d’anonymat. Le président américain avait demandé à son administration «de fournir toutes les ressources nécessaires pour contribuer à la sécurité de notre personnel en Libye et renforcer la sécurité dans toutes nos représentations diplomatiques à travers le monde».
En Egypte, la situation est tout aussi inquiétante pour les intérêts américains, même si elle n’a pas pris un aspect dramatique comme à Benghazi. Une manifestation rassemblant quelque 3.000 manifestants a eu lieu devant l’ambassade et des manifestants ont arraché le drapeau américain.
Les manifestants ont été repoussés par les forces de l’ordre. Le film «Innocence des musulmans» qui a mis le feu aux poudres et qui provoque une brusque flambée de manifestations antiaméricaines dans le monde musulman a été réalisé par un promoteur immobilier israélo-américain, Sam Bacile, pour «aider Israël, son pays d’origine, en montrant au monde les défauts de l’islam».
Sans aucune valeur artistique et encore moins historique, le film fait le choix délibéré de l’insulte et du dénigrement. Le prophète y est campé en personnage débile, sournois, pervers, pédophile et amateur de sang. Tous les ingrédients nécessaires pour provoquer des sentiments aisément inflammables dans le monde musulman dès qu’il s’agit de la personne du prophète.
DES COPTES ÉGYPTIENS MANIFESTENT CONTRE L’INSULTE AU PROPHÈTE
Circonstance aggravante dans le cas de l’Egypte, des coptes établis aux Etats-Unis, à l’instar de Morris Sadek, ont soutenu le film et en ont fait la promotion. Un fait relevé avec force par les islamistes salafistes en Egypte qui accusent carrément les coptes en question d’avoir réalisé le film.
Des coptes ont d’ailleurs appelé, hier, à un rassemblement devant l’ambassade américaine pour protester contre le film. Des associations coptes ont condamné «toute forme de mépris contre quelque religion que ce soit, de même que toute tentative de semer la discorde entre personnes de différentes confessions ». Le dispositif de sécurité a été renforcé dans le centre du Caire et aux abords de l’ambassade américaine.
Mais c’est en Libye où l’impact a été le plus grave. La mort de l’ambassadeur américain, de deux marines et d’un fonctionnaire est un coup dur pour les autorités libyennes qui devaient élire, hier, le chef du gouvernement. L’attaque contre une représentation présumée protégée donne une idée de l’incapacité des autorités à rétablir l’ordre et la sécurité. Elle est aussi, ironie du sort, un effet de la grande dispersion et disponibilité des armes consécutives à l’intervention occidentale en Libye.
La région de Benghazi est une zone d’implantation forte des islamistes et elle a connu ces derniers mois des attaques contre des Occidentaux et des assassinats d’officiers de l’armée ou de la sécurité. La Libye, par la voix de Mohamed al- Megaryef, président du Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique du pays, a présenté ses «excuses aux Etats-Unis, au peuple américain et au monde entier pour ce qui s’est passé».
UN MAUVAIS COUP POUR OBAMA
Pour Barack Obama, la mort de l’ambassadeur et de trois autres fonctionnaires, est un très mauvais coup à l’approche de l’élection présidentielle et son adversaire, Mitt Romney n’a pas attendu pour exploiter l’affaire. Le président américain a condamné une «attaque scandaleuse ».
«Les Etats-Unis rejettent les efforts visant à dénigrer les croyances religieuses des autres, et nous devons tous, de façon non équivoque, nous opposer à ce genre de violence insensée qui coûte la vie à des fonctionnaires». De son côté, Hillary Clinton avait déploré «toute volonté délibérée de dénigrer les croyances religieuses d’autrui» tout en soulignant que «rien ne saurait jamais justifier des actes de cette nature».
Sans attendre, le candidat républicain, Mitt Romney, s’est attaqué à l’administration Obama dont la première réaction n’a pas «consisté à condamner les attaques mais plutôt à sympathiser avec ceux qui ont les ont menés». Dans le camp d’Obama on s’est dit choqué que le «gouverneur Romney lance une attaque sur le terrain politique au moment où les Etats-Unis d’Amérique font face à la mort tragique d’un agent diplomatique en Libye».
En tout cas, le film, les réactions violentes qu’il provoque sert bien Israël. Celle-ci préfère de manière quasi-ouverte le républicain Mitt Romney à Barack Obama… et les morts américains de Benghazi tombent à pic. Sans compter que la vague antiaméricaine dans le monde arabe qui s’appuie sur une mécanique désormais huilée de la provocation- réaction sur le terrain du sacré, curieusement relancée un 11 septembre, n’est qu’à ses débuts.
Salem Ferdi