APN : Psychodrame et crise de nerfs

APN : Psychodrame et crise de nerfs

Écrit par Houria Moula

Après la déclaration du Premier ministre Ahmed Ouyahia, avant-hier samedi, qu’il n’y aura aucun «coup de fil» de la présidence de la République, en guise d’arbitrage dans la crise de l’APN, tous les pronostics, hier, tablaient sur la démission de son président.

Au cœur du mauvais feuilleton qui secoue depuis plusieurs jours l’Assemblée populaire nationale, Saïd Bouhadja a lui-même déclaré, hier, qu’il allait jeter l’éponge et rentrer chez lui. Alors que toutes les rédactions préparaient à leurs éditions du jour sur l’information de son départ, M. Bouhadja a quitté son bureau vers 18 heures 30 sans déclaration ni annonce de démission.

Par sa décision de s’éclipser par la petite porte, il aura ainsi choisi de donner une nouvelle séquence au psychodrame parlementaire dont il est devenu la (malheureuse) tête d’affiche et de provoquer une nouvelle crise de nerfs chez la majorité de députés qui ont juré d’avoir sa tête. Résumé du feuilleton hier, donc : Bouhadja groggy mais pas au point de jeter l’éponge ! « Une question d’heures », a commenté hier un parlementaire du RND, convaincu que le président décrié de l’APN finira par lâcher le morceau, peut-être même dans la soirée (celle d’hier NDLR) a-t-il parié.

Avant le coup de théâtre du soir et sa fuite à l’anglaise, Saïd Bouhadja a semblé décidé, en effet, à partir et démissionner. Il a déclaré : «Oui, je suis sur le point de quitter mon poste dans les heures qui viennent.» Une décision que les journalistes et les observateurs ont compris comme étant la conséquence directe du coup de massue que lui avait asséné 24 heures plutôt le secrétaire général du RND Ahmed Ouyahia lors de sa conférence de presse. «On entend dire que l’APN sera dissoute. Il n’y aura pas de dissolution de l’Assemblée», a-t-il lancé ajoutant qu’il n’y a en Algérie aucune crise politique qui nécessite cette option, mais «seulement un problème à l’APN». Le patron du RND, qui semblait plutôt s’exprimer en sa qualité de Premier ministre, a conseillé à M. Bouhadja de quitter en beauté avant d’ajouter : «Il n’y aura aucun appel téléphonique de la Présidence.»

Est-ce que c’est l’attente de ce coup de fil qui a motivé l’attitude rocambolesque de M. Bouhadja, hier ? L’hypothèse demeure, en effet, forte que l’intéressé attendait quelque chose, un signe ou un signal peut-être, avant de brandir le drapeau blanc.

Mais s’il n’a pas encore capitulé, rien ne dit qu’il résistera longtemps au bras de fer qui l’oppose à la majorité parlementaire, composée des députés FLN, RND, MPA, TAJ et des Indépendants. Le pourrissement ne l’arrange pas, ni politiquement, ni personnellement, lui dont la réputation, désormais démentie, est d’être un militant discipliné.

Pour rappel, ce sont les députés du FLN, sa propre famille politique, qui ont déclenché cette fronde contre Bouhadja à la fin du mois de septembre dernier, l’accusant de «dépassements» et de «violations» enregistrés au sein de l’institution législative, notamment «la marginalisation éhontée, le report intentionnel de l’adoption du règlement intérieur de l’APN, marginalisation des membres de la Commission des affaires juridiques, mauvaise gestion des affaires de l’APN, frais exagérés déboursés illicitement, recrutement douteux… ».

Très vite, l’affaire a pris des proportions importantes et le SG du FLN convoquera une réunion de son bureau politique en présence de Bedda Mahdjoub, ministre chargé des Relations avec le Parlement, pour enclencher la machine. La coordination se fera par la suite avec les députés de la majorité (RND, MPA, TAJ et Indépendants) et une motion commune de retrait de confiance sera signée par «361 députés». Une liste qui ne sera jamais rendue publique pourtant. Mais, quoi qu’il en soit, il s’avère que le nombre de signataires importe peu devant les nouveaux rebondissements. En rompant le silence, Ahmed Ouyahia aura mis fin au suspense.

En affirmant que la Présidence n’allait pas intervenir, le Premier ministre, a envoyé un message à Bouhadja. Ce dernier ne doit plus compter sur cette institution pour sortir de la crise. En d’autres termes, la Présidence l’aurait lâché. Hier en fin de journée, des informations, qui parvenaient de l’hémicycle Zighout-Youcef, faisaient écho d’un «bilan» que Bouhadja était en train de préparer concernant son court passage à la tête de l’APN. Son épilogue est pour le moins vaudevillesque.