On ferme. Les sept églises protestantes de la wilaya (préfecture) de Bejaia, en Kabylie, sont sommées de fermer définitivement. « Le wali (préfet) nous a signifié depuis dimanche qu’il fallait fermer toutes les communautés protestantes sur le territoire de la wilaya sans aucune explication et sans préalable », a indiqué dans une déclaration à DNA Mustapha Krim, pasteur et président de l’Eglise protestante d’Algérie (EPA).
Dans un arrêté signé le 8 mai, le wali a notifié la « fermeture définitive » des 7 églises protestantes dans cette région de Kabylie. L’arrêté, ajoute M, Krim, joint par téléphone, s’appuie sur la loi 06-03 du 28 février 2006 encadrant l’exercice des religions autres que l’islam.
Dans une correspondance adressée dimanche 22 mai, le chef de la sureté de la wilaya de Bejaia informe ainsi le président de l’EPA de « la fermeture et d’une façon définitive sur l’ensemble du territoire national de toute bâtisse consacrée ou en voie de d’être consacrée à la pratique d’un culte non musulmane sans autorisation ».
« Selon cet arrêté, si on n’obéit pas aux consignes, les autorités menacent de faire agir la force publique », indique encore M. Krim.
Aucune date n’a été avancée par les autorités pour l’exécution de cette décision.L’église protestante d’Algérie, agréée en 1976, ne compte pas rester les bras croisés.
« Nous allons rencontrer, aujourd’hui (lundi 23 mai), le ministère des Affaires religieuses et voir ce qu’il faudrait faire. Nous avons une pile de dossiers. S’ils veulent aller en justice, nous sommes tranquilles. Nous avons observé, depuis des années, toutes les démarches nécessaires pour entrer dans la légalité comme il se doit », explique-t-il.
Le président de l’EPA ne manque pas par ailleurs de stigmatiser l’attitude hermétique du ministère de l’Intérieur. « Si le ministère des Affaires religieuses nous écoute depuis quelques temps, en revanche les portes du ministère de l’Intérieur sont fermées à double tour. Ils ne veulent rien entendre », souligne M. Krim.
Pour celui-ci, ce tour de vis cache mal les intentions « réelles » des autorités. « Apparemment, on veut nous faire disparaitre de la carte. On n’a pas le droit d’être chrétien et algérien. C’est ce qui les dérange le plus. Tant que ce sont des chrétiens étrangers, cela ne les dérange guère. Mais dès qu’il s’agit de chrétiens algériens, les autorités nous disent que notre pratique n’est pas conforme à la loi », s’indigne notre interlocuteur.
Depuis plusieurs années, procès, persécutions et discriminations se multiplient contre les chrétiens en Algérie où l’islam est religion d’Etat.
Ausssi, l’église protestante d’Algérie accuse régulièrement les autorités de persécuter les chrétiens protestants et de bafouer la liberté de conscience et de culte garantie par la constitution algérienne. Des églises ont été fermées par les autorités locales, notamment en Kabylie, alors que certaines ont été attaquées par des individus.
Officiellement, l’ordonnance de février 2006 visait à garantir « la tolérance et le respect entre les différentes religions ».
Dans les faits, cette loi stipule que le lieu de culte et son servant doivent être agréés par le ministère des affaires Religieuses. Le texte prévoit également une peine de 5 ans de prison et une amende de 1 million de dinars (10 000 euros), contre toute personne qui « incite ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion ».
Toutefois, son application jugée trop zélée conduit à la fermeture de dizaine d’églises protestantes, mais aussi de quelques mosquées.
L’Algérie compte environ 10 000 chrétiens sur une population de 36 millions d’habitants. Bien qu’il est présent en Algérie depuis plusieurs décennies, le protestantisme évangélique a été médiatisé au cours des cinq dernières années.