Depuis le mois de février dernier, le phénomène de la fausse monnaie ne cesse de défrayer la chronique locale à Mostaganem. Près de 1 milliard de centimes, en billets de 1 000 dinars contrefaits, a été débusqué jusque-là. La dernière « prise », d’un montant de 36 millions de centimes, remonte à près d’une semaine.
Ce qui suscite davantage curiosité et expectative demeure la « perfection » et la super sophistication de la contrefaçon quasiment à l’identique. Partout où l’on perçoit des fonds, caissiers et préposés ont la trouille et sont sur le qui-vive. « Pas plus tard que cette semaine, un abonné m’a remis 4 faux billets pour régler sa facture de taxiphone. Je lui ai dit de partir ! Ni vu ni connu ! Et épargne-nous des tracasseries superflues ! », nous confiait, mercredi passé, un caissier d’Algérie Télécom, fort soupçonneux quant au billet de 1 000 DA que nous lui tendions pour régler une facture de téléphone.
Une réticence somme toute légitime eu égard à la responsabilité pénale qui pèse sur cette catégorie de personnel des banques, organismes financiers et autres administrations publiques de perception, depuis que le vent de la contrefaçon sophistiquée souffle sur Mostaganem. La même méfiance est affichée par tous les commerçants qui en ont eu vent !
À Mostaganem, « l’amateurisme » trop risqué du recours au matériel informatique équipé de logiciels pro de traitement de l’image, au scanner et à l’imprimante couleur, pour imprimer des billets sur papier ordinaire, semble avoir été dépassé cette fois-ci. Les faussaires sont passés à l’étape supérieure en imprimant de faux billets, parfaitement vrais pour l’usager novice, difficilement reconnaissables par les compteuses ordinaires de billets. C’est dire à quel point l’imitation est quasi parfaite si ce n’est le menu détail ayant échappé à la vigilance des artistes-faussaires, non encore identifiés à ce jour. Et désastre davantage préoccupant, le ver a été découvert dans les entrailles du fruit : les banques ! Par l’importance des sommes découvertes pour l’heure, l’affaire dont l’enquête inhérente semble piétiner, se révèle donc sérieuse, voire gravissime.
Une affaire qui « éclate » au lendemain de l’arrestation de trois individus inculpés d’association de malfaiteurs car faisant partie d’une bande spécialisée dans le vol et le trafic de véhicules. Un gros lot de pièces de rechange et des véhicules en l’état et désossés furent récupérés, et une somme de près de 700 millions de centimes, provenant vraisemblablement du trafic, fut saisie.
La première appréhension ne fut qu’un maigre soupçon car, localement, même les compteuses de billets high-tech en avaient « douté ». Seuls les examens et expertises opérés au niveau central de la Banque centrale d’Algérie confirmeront la véracité de la contrefaçon. Depuis, plusieurs affaires de vrais-faux billets ont été traitées par les services de sécurité de la wilaya de Mostaganem. Les banques ne seront pas les seules « victimes » de l’infiltration de la fausse monnaie dans le circuit commercial et financier. Un agent de la direction de la jeunesse et des sports le sera également.
Après avoir encaissé son salaire d’un peu plus de 20 000 dinars, auprès du Trésor de la wilaya, il alla au guichet de la poste en vue d’expédier un mandat. Ainsi, découvrit-on que la liasse qu’il venait de remettre était constituée de fausses coupures ! Et ainsi, se retrouvera-t-il, lui et le caissier du Trésor public, au commissariat de police. Auparavant, une centaine de millions de centimes encaissés par une agence de la Cnep est passée à travers les premiers maillons de la détection et a failli être recyclée. La tromperie sera décelée lors du dépôt de fonds auprès de la BCA. La dernière victime en date est un autre agent administratif. Tout heureux d’avoir enfin « réuni » les 80 millions de centimes nécessaires, il se pressa d’aller déposer, auprès de l’agence BNA du centre-ville, son apport personnel pour l’acquisition du logement socio-participatif dont il venait de bénéficier. Malheureusement pour lui, dans la liasse remise, pas moins de 36 millions de centimes se révéleront faux ! La suite ne sera pas de tout repos !
Ainsi, dans l’attente d’une conclusion, – heureuse -, à l’enquête et aux investigations menées, la liste des victimes s’allonge, les plaintes contre X pleuvent, la rumeur et les on-dit battent leur plein et les appréhensions perturbent la routine en matière d’encaissement et de transactions. Aussi, doit-on se présenter beaucoup plus tôt que d’habitude devant les guichets, car le préposé, depuis qu’il a été rappelé et mis en garde qu’il était le seul responsable pénal au cas où le moindre billet contrefait lui échappe, se doit de prendre les précautions de vérification requises, même au détriment du « temps » de celui qui dépose l’argent.
Certains businessmen dans la filière de l’achat-revente des véhicules ont changé d’habitudes. Boudant le cash, ils préfèrent encaisser par virement sur leurs comptes bancaires. Fatalistes à souhait, les fellahs affairés dans la vente, au niveau des champs, de pommes de terre dont l’arrachage bat son plein, comptent sur le Bon Dieu. « Engrangeant » les billets à tout-va, sales ou déchirés, vrais ou contrefaits mais pas grossièrement, cette grosse affaire de fausse monnaie semble malvenue car en porte-à-faux à la fête du « remplissage des sacs » !