Acquisition d’OTA (Djezzy),Une gestion chaotique

Acquisition d’OTA  (Djezzy),Une gestion chaotique

Une fois de plus, le gouvernement algérien a montré ses défaillances dans la gestion du dossier d’acquisition de la société Orascom Telecom Algérie.

En fait, l’appel d’offres lancé mercredi dernier par la direction des opérations budgétaires et des infrastructures, relevant du ministère des Finances, ne donne aucune indication sur la date de la remise des offres. Les cabinets d’experts comptables algériens qui devront l’assister dans l’opération d’acquisition d’OTA ignorent la durée qui leur est accordée pour remettre leurs propositions.

Le ministère des Finances, qui est le garant de la «régularité » des marchés publics, est donc victime d’une erreur de procédure qui risque de remettre en cause tout le processus de l’achat de Djezzy. Au-delà de ces détails de procédures, c’est toute la démarche du gouvernement algérien qui est désarticulée et laisse entrevoir d’énormes contradictions entre le ministère des Finances, le Premier ministère et la présidence de la République. La chronologie des faits démontre les défaillances de cette démarche. La procédure d’acquisition de Djezzy a été entamée au cours de la deuxième semaine de janvier 2011, par la sélection de Shearman & Sterling pour un montant 2 155 millions de dollars. Ce cabinet devait accomplir sa mission dans un délai de 100 jours. Au moment où on pensait que l’opération allait être lancée dans des conditions normales, le ministère des Finances surprend tout le monde, le 29 mars, en lançant un appel pour la sélection d’un bureau d’experts-comptables algérien en vue de «lui apporter une assistance dans l’opération d’acquisition» de Djezzy. Les candidats à cette sélection disposaient de vingt jours pour déposer leurs offres. Mais, ce n’est que le 14 juin, soit deux mois et demi plus tard, que le ministère des Finances annonce timidement que la commission d’évaluation des offres s’est réunie le 23 mai et qu’elle a déclaré infructueux l’appel d’offres.

Pas un seul mot sur les raisons de cette décision. Entre-temps, les activités du cabinet Shearman & Sterling sont suspendues en raison de l’insistance des responsables d’OTA sur la clause de confidentialité. Loin de trouver des solutions techniques à ce dossier, le gouvernement n’arrête pas de rappeler sa détermination à racheter Djezzy.

Alors, si cette détermination existait réellement, pourquoi le ministère des Finances devait attendre plus de quatre mois pour relancer l’appel à sélection en direction des bureaux d’experts-comptables ? Il faut remarquer que ce double emploi de bureaux d’expertise est un cas unique dans les annales des opérations d’acquisition. Par ailleurs, il faut rappeler que l’ARPT devait se prononcer aujourd’hui sur l’octroi des licences 3G. Mais comme pour le cas de Djezzy, le gouvernement éprouve toutes les difficultés du monde pour respecter ses engagements.

Shearman & Sterling : un cabinet qui connaît l’Algérie

Contrairement à ce que pensent certains observateurs, le cabinet Shearman & Sterling connaît très bien l’environnement économique et financier en Algérie. Sa plus belle prestation reste de toute évidence, la représentation de Sonatrach dans le litige qui l’opposait au groupe pétrolier espagnol Gas Natural. Cette action s’est soldée, le 9 août dernier, par un accord conclu à l’amiable entre la compagnie algérienne et Gas Natural Fenosa. Ce même cabinet a représenté Aabar Investments PJSC (Aabar) d’Abu Dhabi, dans son projet de joint-venture avec un consortium allemand dans un projet de partenariat en Algérie. Le groupe Aabar et ses partenaires allemands ont conclu, le 28 juillet 2009, un accord avec les ministères algériens de la Défense et de l’Industrie pour la construction et l’exploitation d’usines de fabrication de véhicules en Algérie. Ces atouts ont incité le cabinet à investir tout son savoir-faire dans la gestion du dossier OTA. Du reste, dans les milieux financiers internationaux, on laisse entendre que durant l’été dernier, le bureau parisien Shearman & Sterling a fait appel à un joker appelé John Madden, un spécialiste en fusions et acquisitions sur la place de New York. John Madden a conseillé de nombreux groupes industriels sur des opérations de fusions-acquisitions de toutes catégories, amiables ou hostiles. Il a également apporté son expérience dans des acquisitions avec effet de levier, des stratégies de résistance face aux offres publiques d’achats, des cessions d’actifs et des transactions internationales. C’est sur cet homme que Shearman & Sterling comptait pour faire aboutir le dossier d’OTA. Alors pourquoi le gouvernement s’acharne à l’encombrer avec des experts comptables algériens ?

H. M.