En Algérie, il n’existe pas de loi sur l’asile ni d’organe chargé de statuer sur les demandes d’asile. Du coup, en l’absence de véritable politique d’accueil et d’accompagnement des demandeurs, c’est le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), organe de l’ONU, qui détermine ce statut . Le HCR fournit également une assistance de base et des services essentiels aux réfugiés, surtout aux Sahraouis qui, 40 ans plus tôt, ont fui la guerre au Sahara Occidental et vivent encore aujourd’hui dans des camps près de Tindouf dans le sud de l’Algérie.
« Lorsqu’ils arrivent dans le sud de l’Algérie, les migrants sollicitent le HCR qui leur délivre un récépissé une fois leur déclaration enregistrée. Mais seuls les migrants en provenance de pays en guerre peuvent prétendre à la protection du HCR et obtenir le statut de réfugié, explique Said Salhi, vice-président de la ligue algérienne de défense des droits de l’Homme. C’est le cas par exemple des Syriens ou des Libyens. Ceux qui fuient des pays qui connaissent une très grande pauvreté et insécurité alimentaire comme le Niger restent en situation illégale au regard de la loi algérienne. » Et malgré les rapatriements par milliers de migrants nigériens, le flux ne se tarit pas.
Dans les centres urbains, les structures d’accueil pour les réfugiés manquent cruellement. Des ONG comme le Croissant-Rouge algérien tentent d’intervenir pour subvenir à leurs besoins de base. Du fait de leur statut, les réfugiés ont un accès gratuit à l’éducation et aux soins de santé. Les migrants, eux, n’y ont pas droit. C’est une des raisons qui a donné naissance au projet « L’école des réfugiés ».
« L’idée est surtout de leur permettre de se débrouiller pour des choses simples du quotidien. »
Comment les aborder ? Comment établir le contact ?
Nous avons réuni un peu d’argent et sommes partis chez un libraire pour acheter des fournitures scolaires. Le libraire s’est montré très généreux avec nous, nous offrant également du matériel. Nous sommes repartis avec un sac rempli. Ensuite, nous avons été dans le camp qui a été improvisé près de la gare routière à Tizi Ouzou. Nous ne savions pas vraiment comment les aborder et établir le contact. Finalement, nous nous sommes assis par terre et avons commencé à colorier les pages des cahiers que nous avions apportés. Les enfants se sont réunis autour de nous et ont demandé à apprendre. Même des adultes ont voulu se joindre. Beaucoup, cela se voyait, n’avaient jamais tenu un crayon dans leur main.
Le projet se transforme en projet d’aide aux réfugiés.
Nous y sommes retournés cinq fois depuis et avons donné des cours de base : l’alphabet, les nombres, les couleurs. Nous nous sommes rendus compte que parmi les langues que nous essayions de leur enseigner, le français, l’anglais, l’arabe et le tamazigh, c’était surtout le français et l’anglais qu’ils retenaient. Du coup, nous leur apprenons le français en priorité. D’autres volontaires nous ont rejoints en entendant parler du projet. Nous n’avons pas encore répondu à tous. Nous sommes des étudiants et disposons de peu de temps. Des habitants ont fait des dons matériels. Nous ne voulons pas avoir à gérer de l’argent et nous refusons les dons financiers. Le projet se transforme en projet d’aide aux réfugiés. Nous commençons à nous organiser pour gérer et distribuer tous ces biens aux migrants.
Notre initiative a fait des petits.
C’est important de mèner cette initiative, car un certain nombre d’Algériens entretiennent des clichés racistes sur les Subsahariens. Il y a en Algérie des cas d’agressions envers les Subsahariens. Ce n’est pas le cas à Tizi Ouzou, mais on remarque des cas isolés de racisme, notamment chez les habitants qui vivent près des campements, et pensent que les migrants sont agressifs et risquent de propager des maladies. Par notre action, nous luttons contre ces clichés et montrons que les migrants sont comme tout le monde.
Notre initiative a été médiatisée localement et a essaimé. Des projets similaires ont vu le jour à Oran, Alger et Bejaïa par exemple. Nous avons mis en place un formulaire de contacts sur Internet. Plus de 200 personnes des différentes régions d’Algérie nous ont répondu. C’est encourageant de voir que nombreux sont ceux qui veulent aider pour faire face aux besoins des migrants.