Des brouhahas se font entendre au sein du monde ouvrier. Le malaise est devenu perceptible. Ce n’est plus des revendications salariales qui sont mises en avant pour protester.
L’argument choc qui faisait déplacer des corporations entières de travailleurs de divers secteur d’activité dans la rue pour une démonstration de force est relégué à l’arrière-plan.
Les ouvriers des unités de production se mobilisent pour un peu plus d’« égard « et de « considération » par le gouvernement et les responsable à la tête des entreprises, notamment publiques. La patience semble avoir ses limites. Et même le patron de l’UGTA, qui ne peut être soupçonné de faire de la surenchère ou dans la provocation, s’est décidé à parler le langage des travailleurs et ainsi retrouver « sa place » parmi les siens. Les masses laborieuses sont attentives au discours que développent « le leader» et reçoivent le « message » et les « signaux » qui leur sont adressés. Il n’a pas fallu longtemps pour les travailleurs, affiliés à l’UGTA, pour traduire dans les faits les « recommandations » du secrétaire général de la centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd, pour défendre leurs « droits ».
Les travailleurs, semble-t-il, n’attendaient que ce signal pour se mettre en ordre de bataille. « Aujourd’hui, je vous dis vous avez ma solidarité et celle de l’état-major de l’UGTA pour prendre toute mesure que vous jugerez utile pour l’intérêt des travailleurs », avait lancé le patron de l’UGTA, devant un parterre de secrétaires nationaux, de fédérations et d’unions de wilaya lors de la réunion des cadres, tenue mercredi dernier à Alger.
Pour bien se faire comprendre, Sidi Saïd évoque les « dépassements » commis par le gouvernement et le patronat à l’égard de l’UGTA qu’il qualifie d’« humiliation pour nous tous ». Le secrétaire général de la centrale syndicale s’est-il senti humilié ou s’est-il rappelé que les mots d’ordre d’une organisation syndicale n’est pas de faire de la politique mais de défendre les intérêts des travailleurs… Des travailleurs qui se sentent « trahis » par une centrale syndicale qui a abandonné de défendre « les fondamentaux » et « les idéaux » du syndicat. Les « dépassements » et les « humiliations », les travailleurs n’en peuvent plus de les subir et les bruits sourds qui se sont entendre de la zone Industrielle de Rouiba, un bastion de la contestation ouvrière, ne présage rien de bon. « On subit des agressions quotidiennement. À chaque fois qu’on pose un problème, ils répondent par des licenciements. Ils ne comprennent que le langage de la rue ! » s’indignent les travailleurs de la zone industrielle de Rouiba.
Ils, ce sont les gestionnaires des entreprises ou les représentants du gouvernement. Le constat est fait, la « hogra », un mot honni et vomi par les travailleurs est lancé et cette forme d’injustice ne peut être combattue, dans l’esprit des ouvriers, que par le langage de la rue qu’on peut comprendre par une démonstration de force qui peut être pacifique ou violente. Que dire alors des travailleurs sans salaire depuis des mois, impuissants à faire valoir leurs droits. A l’est du pays c’est le syndicat des travailleurs du complexe sidérurgique d’El Hadjar (Annaba) qui accuse Sonatrach de préférer acheter ses pipelines auprès de traders étrangers au détriment d’une entreprise algérienne spécialisée dans la fabrication de tubes en acier, en l’occurrence TSS El Hadjar. Ce n’est ni plus ni moins, dans l’esprit des travailleurs d’El Hadjar, qu’ « une provocation » à l’égard des travailleurs du complexe. « Où est la protection de la production nationale ? Où est la préférence nationale dans pareil cas ? » s’interroge le syndicat du complexe qui emploie presque autant d’ouvriers que le complexe SNVI de Rouiba. Un carnet de commande qui pourrait donner un souffle nouveau à TSS El Hadjar. Le syndicat du complexe sidérurgique d’El Hadjar parle pour le premier contrat de 454 millions de dollars de contrats avec Sonatrach, le deuxième 148 millions de dollars et le troisième 128 millions de dollars. Autant de commandes qui fourniront du travail à la main d’œuvre de ces entreprises étrangères au détriment de la main d’œuvre locale. Dans ce pôle industriel de l’est du pays, les syndicalistes n’hésitent pas à parler de l’existence d’un Etat dans un Etat, où des gestionnaires appliquent les lois comme ils veulent et selon leur humeur. Deux pôles, réputés pour leur combativité et qui se soulèvent spontanément pour des revendications qui sortent de l’ordinaire, posent des questionnements.
La paix sociale obtenue à travers des revalorisations salariales dérange-t-elle des intérêts ? Y a-t-il des parties qui veulent le pourrissement ? La question reste posée en attendant les actions que vont entreprendre les syndicalistes de la zone industrielle de Rouiba et ceux du complexe d’El Hadjar. Les premiers envisagent de se retrouver lundi, 26 décembre à Alger. Les sidérurgistes, eux n’ont pas encore pris de décision. Sans doute, l’écho du rassemblement à Alger des travailleurs de la ZI de Rouiba leur sera d’une grande utilité pour réfléchir sur les actions à mener pour sauver les postes de travail.
Par : Sadek Belhocine