«Ghezzal pourrait éviter la descente à Sienne».
«Meghni pourrait rebondir grâce au Mondial».
Dino Zoff est considéré en Italie comme un monument du football mondial vu la richesse de son palmarès, que ce soit avec la Juventus de Turin ou avec la sélection italienne avec laquelle il a dû brandir haut la main le trophée lors du Mondial espagnol.
Il faut dire que l’ancien portier de la Squadra Azzura demeure aussi un consultant de haut niveau qui pousse les différents organes de presse et les chaînes spécialisées à le solliciter à l’approche de chaque évènement. Dans cet entretien réalisé à Rome, Zoff évoque la participation de l’Algérie lors du Mondial 82 tout en pensant que les coéquipiers de Ghezzal sont capables de rééditer cet exploit en Afrique du Sud.
A l’approche du Mondial, quel est votre sentiment sur ce tournoi, vous qui l’avez gagné en 1982 ?
Merci de m’avoir fait rappelé ce très bon souvenir. Car ce Mondial est mon meilleur souvenir dans ma carrière footballistique. Si les gens commencent à évoquer le Mondial sud-africain, personnellement, je n’oublierai jamais le Mondial espagnol qui restera gravé dans ma mémoire. Si la qualification au tournoi final reste un joli exploit, le fait de brandir le trophée demeure un véritable rêve car il n’y a pas meilleure joie que de retourner à son pays avec le trophée en main.
Que gardez-vous comme souvenir de cette compétition ?
C’était incontestablement le moment où je me trouvais à la tribune officielle pour recevoir le trophée de la main du roi d’Espagne, en présence du président de mon pays qui s’est déplacé en Espagne spécialement pour ça. Mais durant ce tournoi, je ne pourrais jamais oublier ce match que nous avons gagné face au Brésil et qui a augmenté nos chances de gagner ce Mondial. Nous avons battu l’une des meilleures sélections de l’histoire du Brésil, avec Zico, Socrates, Oscar, Eder, Falcao, Serginho et beaucoup d’autres.
Mais l’Italie a souffert au premier tour puisque vous n’avez gagné aucun match ?
C’est vrai, mais ce n’était pas seulement lors de ce tournoi. Généralement, l’Italie commence mal le Mondial avant de monter en puissance. Les Italiens ont toujours peur d’être éliminés au premier tour, ce qui explique cette pression avec laquelle ils évoluent au tout début des tournois. On risque de rentrer sous haute surveillance si on n’accède pas au moins au dernier carré. Durant ce Mondial, on a fait trois matchs nuls avant de s’imposer face aux grandes équipes telles que l’Argentine, le Brésil et l’ex-RFA.
A propos de cette dernière sélection, vous souvenez-vous que l’Algérie avait battu les Allemands de la RFA au premier tour ?
Bien sûr que je me souviens de la victoire de l’Algérie face à la RFA au premier tour de ce Mondial. C’était d’ailleurs l’une des grandes surprises de ce Mondial, surtout que les Allemands étaient les champions d’Europe en titre à l’époque et les favoris pour le sacre final. A ce que je sache, l’Algérie aurait pu passer au deuxième tour si jamais le résultat entre la RFA et l’Autriche avait été tout autre. Votre sélection vient de se qualifier en toute logique. J’espère que l’Algérie passera au deuxième tour.
Avez-vous suivi le parcours de l’Algérie pendant les éliminatoires du Mondial ?
Je n’ai pas suivi les matchs de l’Algérie, mais j’ai vu quelques séquences de la double confrontation face à l’Egypte du moment que tous les médias se sont penchés sur cette empoignade et les incidents regrettables qui se sont produits.
Que pensez-vous de la CAN qui s’est déroulée en Angola ?
Je n’ai vu que quelques matchs de cette CAN dont le niveau était acceptable. Le football dans ce continent a beaucoup progressé, comme en témoigne la valeur des joueurs africains qui font les beaux jours des clubs européens. Mais j’étais vraiment navré après ce qui est arrivé aux Togolais durant ce tournoi d’Angola.
Pensez-vous que l’Algérie est capable de se qualifier au deuxième tour du Mondial ?
Je vous ai déjà dit que je souhaite la qualification de l’Algérie au deuxième tour du Mondial car je sais que votre sélection fera tout pour réaliser des résultats probants au Mondial. Le tournoi se déroulera en Afrique du Sud et ce sera un avantage considérable pour l’Algérie qui renferme dans ses rangs des éléments qui évoluent dans les meilleurs championnats européens, que ce soit en Italie, en Allemagne ou en Angleterre.
Je suis persuadé que l’Algérie va créer une grande surprise du moment qu’elle s’est bien préparée pour ce rendez-vous. Et lorsqu’on jette un œil sur son groupe, on peut dire que le tirage au sort à été à son avantage.
Comment ça ?
Du moment que le premier match se jouera face à la Slovénie, je pense que ce sera une occasion de commencer le Mondial par une victoire. Cela devra permettre aux joueurs de prendre confiance avant d’affronter l’Angleterre et les USA. Il est clair qu’un succès au premier match augmentera les chances de l’Algérie pour la qualification.
Ne pensez-vous pas que la Slovénie veut aussi commencer le Mondial par une victoire ?
C’est sûr que les Slovènes font les mêmes calculs que les Algériens. La Slovénie cherche aussi à se qualifier pour le deuxième tour. Je pense que les deux staffs techniques vont penser de la même façon pour ce premier match.
Cela voudrait-il dire que seule l’Angleterre va passer facilement au second tour ?
Je n’ai pas dit ça. Car d’après mon expérience à travers les différentes compétitions, je trouve qu’il n’y a pas d’objectif facile, surtout lorsqu’il s’agit d’une Coupe du monde. Ici en Italie, on se souvient bien ce que le Cameroun a fait contre l’Argentine au coup d’envoi du Mondial 1990.
L’Argentine a perdu 1 à 0 malgré sa belle forme puisqu’elle est arrivée après jusqu’en finale avant de la perdre contre l’Allemagne. Avant cela, faut-il encore rappeler la victoire de l’Algérie face à la RFA en Espagne que nous avons croisée en finale. Je sens que les sélections africaines vont réaliser de belles surprises en juin prochain, surtout l’Algérie, le Cameroun et la Côte d’Ivoire.
Quels sont les joueurs algériens que vous connaissez bien ?
Je ne connais que ceux qui évoluent dans le championnat d’Italie. Je fais allusion à Ghezzal, le buteur de Sienne, Meghni, le milieu de terrain de la Lazio, et Mesbah qui évolue à Lecce, une équipe qui s’apprête à monter en Serie A. Je suis sûr que le Mondial sud-africain sera l’occasion pour en connaître d’autres joueurs algériens.
Comme ce fut le cas avec Rabah Madjer que j’ai découvert lors du Mondial 1982 ainsi qu’avec son club, le FC Porto, avec lequel il a gagné la Coupe d’Europe en 1987 contre le Bayern Munich et ce but historique d’une talonnade.
Qu’en pensez-vous de Ghezzal ?
Il a pu s’imposer comme titulaire dès la première saison avec Sienne. Ce n’est pas facile dans le championnat italien. Cette saison, il demeure une pièce maîtresse dans l’échiquier de son coach.
On compte beaucoup sur lui pour que l’équipe arrive à se maintenir. La meilleure preuve de sa bonne forme est sans nul doute le doublé réalisé face à la Juventus, suivi par un autre contre Bari. J’étais vraiment émerveillé par le second but de dimanche passé. C’est un joueur professionnel au sens propre du terme. S’il continue de cette façon, il pourra éviter le purgatoire à son équipe. Je suis sûr que son rendement sera appréciable en Coupe du monde.
Et Meghni ?
C’est un joueur hors pair aux qualités indéniables. Les spécialistes présageaient un avenir radieux à ce joueur et ce, depuis qu’il a intégré Bologne il y a de cela plus de dix ans. Mais il n’a pas été épargné par les blessures. Je pense que sa participation au Mondial devra être l’occasion pour Meghni de jouersur sa véritable valeur. Je vous rappelle qu’au début de sa carrière avec Bologne, on l’appelait le petit Zidane.
Comment jugez-vous le rendement de Mesbah ?
Il est en train de réaliser de belles performances avec Lecce. Il est sur le point de réaliser l’accession avec cette équipe. C’est un bel exploit car ce n’est pas du tout évident de s’imposer en Serie B comme le prétendent certains.
Quelles sont les sélections que vous donneriez favorites pour le sacre final en Afrique du Sud ?
Par respect à celles qui ont marqué leur histoire dans cette compétition, je dirai que le Brésil est le favori numéro un, surtout si on prend en considération ses prestations durant les éliminatoires. S’en suivra après la sélection espagnole, championne d’Europe en titre.
Il y a aussi l’Angleterre qui a repris son lustre d’antan avec l’installation de Capello à la tête de la barre technique. Il ne faut pas oublier l’Argentine et l’Italie, même s’il sera difficile pour nous de rééditer l’exploit de Berlin.
L’Afrique va abriter pour la première fois un tel évènement. Pensez-vous que le Mondial sud-africain sera une réussite ?
Je suis convaincu que l’Afrique du Sud va faire tout ce qui est en son pouvoir pour réussir cette grande manifestation footballistique. Cela pourrait même ouvrir la voie à d’autres pays africains à penser à organiser la Coupe du monde à l’avenir.
Vous avez démissionné de l’encadrement technique de la Squadra Azzura juste après la défaite en finale de l’Euro 2000 contre le France, sachant que le chef du gouvernement de l’époque, Silvio Berlusconi, n’était pas tendre avec vous…
Je n’ai pas démissionné à cause de notre prestation ou la défaite, mais à cause du chef du gouvernement qui avait dépassé les limites en portant atteinte à ma personnalité. Et comme ma dignité passe avant tout, je n’accepterai jamais qu’une personne quel que soit son standing me nuise. C’est pourquoi, j’ai dû laisser tomber mon poste de sélectionneur national.
Ne regrettez-vous pas d’avoir démissioné ?
Non pas du tout, car comme je vous l’ai déjà dit, ma dignité passe avant tout.
Pensez-vous que la victoire de l’Italie en Coupe du monde face à la France est une sorte de vengeance par rapport à l’Euro 2000 ?
Le mot est un peu fort, mais je dirai qu’on s’est remis en cause, car durant l’Euro, on a dominé le match avant d’être rejoints au score à la dernière minute du match. Alors qu’en finale de la Coupe du monde, on a dû batailler ferme car c’est la France qui a dominé, et on est parvenus à égaliser à la suite du but de Materazzi.
A propos de Materazzi, que pensez-vous de son histoire avec Zidane lors de cette finale ?
Ce qui s’est passé entre Zidane et Materazzi n’est pas quelque chose d’inédit dans le monde du football. Cette histoire a pris de l’ampleur car cet incident a eu lieu en finale. Je dirai que Zidane n’est pas le premier ni le dernier expulsé lors d’une finale de Coupe du monde. Je pense que la presse a un peu exagéré en donnant beaucoup d’importance à cette affaire.
Un dernier mot pour conclure ?
Merci pour cette interview durant laquelle j’ai évoqué mes meilleurs souvenirs de footballeur. J’évoque avec plaisir ces souvenirs, surtout que je suis devenu un peu vieux (rires). C’est aussi avec plaisir que je m’adresse aux lecteurs algériens. Je saisis cette occasion pour souhaiter la qualification de l’Algérie au second tour en créant une grosse surprise, comme celle de 1982, sinon mieux. Je sens qu’il y aura de grosses surprises et l’Algérie va en réaliser une.