Zidane sélectionneur, pour ou contre ?

Zidane sélectionneur,  pour ou contre ?

C’est sur un terrain de foot que Zinédine Zidane a été le plus heureux des hommes. Il y a traversé la vie dont il rêvait depuis tout môme, insouciant mais terriblement présent. Cette vie l’a gâté, comblé même, bien plus qu’il ne l’aurait imaginé. C’est cette adrénaline si particulière et si forte qui l’a enivré et dont il s’est senti orphelin, par la suite, quand il a dû s’accomplir dans un domaine soudain moins bien balisé. C’est donc sur un terrain, assis sur un banc ou debout tout à côté, qu’il se projette désormais, un prolongement auquel personne ne croyait il y a peu, pas même lui!

En 2005, il avait juré qu’il ne serait jamais entraîneur

En 2005, presque à l’heure du bilan final d’une existence bien remplie, il jurait ses grands dieux qu’il ne serait jamais entraîneur, «car, de la génération des champions du monde 1998, seuls Didier Deschamps et Laurent Blanc en ont vraiment l’étoffe», clamait-il. Depuis, il a changé d’avis puisqu’il s’est lancé, en octobre 2012, à Clairefontaine, à la poursuite du diplôme d’entraîneur professionnel (DEPF) qui le conduira, peut-être un jour, à mener la vie d’un technicien lambda. Sauf qu’il ne sera jamais un technicien lambda. Quand on l’a rencontré en juin dernier, un dimanche matin, à Madrid, l’homme semblait atteint de plein fouet par le blues de la quarantaine. Après s’être senti à l’étroit dans le costume de conseiller du président du Real, Florentino Pérez, puis de directeur sportif de l’équipe première auprès de José Mourinho, quelques questions existentielles ont surgi. Qui suis-je ? Où vais-je ? «Je me demande parfois ce que je construis de concret», nous confiait-il, visiblement insatisfait de la vie qu’il menait alors, avant de nous avouer son envie «de passer très bientôt [ses] diplômes d’entraîneur». Il n’était pas le premier à s’interroger sur la meilleure façon de réussir sa vie d’homme après avoir écrit les plus belles pages du football français. Quatre mois plus tard, le 22 octobre, Zinédine Zidane entamait sa formation d’entraîneur à Clairefontaine. Une question interpelle cependant. Peut-il être un entraîneur, ou un sélectionneur à succès, comme l’ont été un Johan Cruiyff à Barcelone ou un Franz Beckenbauer avec la sélection allemande ?  En a-t-il l’étoffe ? Évidemment, il connaît le football. Et comment ! Mais entre le savoir-faire supposé et le faire savoir exigé il y a un monde. La liste des lauréats au Ballon d’Or est pleine de surdoués du foot, mais combien sont devenus de grands techniciens ? Très peu. Aujourd’hui, on ne conçoit pas non plus qu’un entraîneur ou un sélectionneur ne soit pas un bon communicant. Si Zizou est à coup sûr un excellent vecteur de communication, les images qui nous restent de lui sont plutôt celles d’un introverti, timide et réservé.

En 1998, Aimé Jaquet se tournait vers Blanc et Deschamps, pas vers Zizou

Dans le reportage culte de Canal+ au cœur de l’épopée de l’équipe de France au Mondial 98, les Yeux dans les Bleus, on ne l’entend guère. Quand Aimé Jacquet interroge ses internationaux, il se tourne vers Deschamps ou Blanc. Or, Zidane a vingt-six ans à cette époque, un âge où la vocation a déjà frappé à la porte, en théorie. Enfin, la durée de vie d’un coach en club, voire en sélection, est courte et, surtout, terriblement usante. «ZZ» le sait, mais a-t-il bien pris la mesure de ce qui l’attend ?Avec José Mourinho, il a pu s’apercevoir combien il était difficile de tenir un vestiaire comme celui du Real Madrid. Pourtant, le «Special One», qui n’est pas un mou, subit actuellement la fronde de certains joueurs et d’une grande partie des supporters. Comme le dit si bien le président bordelais, Jean-Louis Triaud : «C’est simple d’être entraîneur, du moins à la portée de beaucoup ; le problème, c’est qu’il y a les joueurs…» Quand on connaît le regard que porte la génération actuelle sur les icônes, quelles qu’elles soient, on tremble à l’idée que l’image d’un Zidane puisse être piétinée sans vergogne ou seulement égratignée comme celle de Laurent Blanc l’a été récemment. Même s’il ne faut pas tomber dans le piège consistant à figer «ZZ» dans l’histoire d’une vie, celle d’avant, la nouvelle aventure dans laquelle il a décidé de se lancer pose un certain nombre de questions.

Beckenbauer : «Zidane ferait un grand sélectionneur »

Franz Beckenbauer donne son avis sur la reconversion de Zizou  «Connaissant Zidane, je le verrais plutôt comme sélectionneur que comme entraîneur de club. Il aurait moins de pression et ce poste correspondrait mieux à sa personnalité car c’est quelqu’un qui ne parle pas énormément, or, au quotidien, il devrait se faire violence. Avec son passé de joueur exceptionnel, son aura et son statut, il ferait l’unanimité et chaque joueur serait à ses ordres. Je suis sûr qu’il ferait un grand sélectionneur».

Lacombe : «Zizou ? Succéder à Mourinho serait difficile »

Guy Lacombe qui a participé à la formation de Zizou «Succéder à Mourinho serait difficile car il jouerait alors sur sa seule aura ce qui est tout un art mais aussi très casse-gueule. Entraîner c’est se mettre en danger surtout dans un lieu que tu découvres».

Lizarazu : «Zizou en a envie»

Plusieurs des proches de Zizou donnent leur avis et c’est notamment le cas de Bixente Lizarazu «Et là, je sens qu’il en a envie. Dès qu’un homme se passionne pour un travail, il réussit. Or Zizou a tout : le talent, l’expérience et il est demandeur pour le reste… Maintenant, le plus difficile dans ce boulot c’est le management des hommes. Mais il a désormais l’esprit clair en plus des compétences techniques, tactiques, ajoutées à une aura incroyable».

Courbis :

«Zizou ? Je lui expliquerai le boulot»

Rolland Courbis connaît très bien l’ancien meneur de jeu de l’équipe de France.  «Vous n’avez qu’à lui dire de venir me voir et de passer huit jours en ma compagnie, je lui expliquerai le boulot. En plus, là où je suis en ce moment, il sera bien accueilli».

Fernandez : «Zizou dans la peau d’un Beckenbauer ou d’un Platini»

Jean Fernandez a participé à la formation de Zizou. «Il lui faudra apporter beaucoup de soin à la composition de son staff qui doit tenir la route et avec lequel il doit être en harmonie. A partir de là, je le vois plutôt dans la peau d’un Beckenbauer ou d’un Platini sélectionneur. Entraîneur est un job très différent. C’est plus difficile et il faut être capable d’avaler des couleuvres en permanence».

Lippi «Il doit commencer par une grande équipe»

Champion du monde 2006 avec l’Italie, Marcello Lippi, acien coach du Guangzhou Evergrance en Chine, a dirigé Zidane à la Juventus de 1996 à 1999. Il n’a aucun doute sur les capacités d’un homme qu’il a apprécie énormément.

Êtes-vous surpris par le désir de Zidane de devenir coach?

J’ai souvent parlé avec lui ces dernières années. Quand il a arrêté sa carrière, il a cherché ce qu’il voulait faire et il a choisi de devenir entraîneur. C’est un homme extraordinaire. Quoi qu’il décide, il le fera très bien. Je le vois réussir une grande carrière d’entraîneur.

Devra-t-il être moins introverti ?

Ce n’est pas qu’il parle peu, il parle quand c’est nécessaire. Il dit les choses justes au moment juste.

Quand vous l’entraîniez à la Juve, s’intéressait-il à votre travail ?

Il était très intéressé par tout ce que l’on faisait sur le terrain, par les choix tactiques que j’essayais d’expliquer à l’équipe. C’était un fuoriclasse (surdoué), il comprenait tout de suite ce que je lui demandais, notamment qu’il devait se mettre à la disposition de l’équipe.

Seriez-vous disposé à lui expliquer les secrets du métier d’entraîneur?

S’il avait envie de venir parler avec moi de football, ça me ferait très plaisir. Mais il a déjà les idées très claires. Parmi les meilleurs joueurs de l’histoire, seul Cruyff est devenu un très grand entraîneur et seul Beckenbauer fut ensuite un très grand sélectionneur.

N’est-ce pas trop dur pour un exfuoriclasse de diriger des joueurs de moindre qualité ?

C’est une considération un peu simpliste. Platini a été sélectionneur pendant quelques années et l’a assez bien fait. C’est qu’à un moment il n’a plus eu l’envie d’être sélectionneur. Il avait d’autres choses en tête. Mais si un fuoriclasse éprouve un désir fort de travailler sur le terrain, d’être entraîneur, il n’a pas de grands problèmes.

Ne serait-il pas mieux pour Zidane de commencer par une équipe d’un niveau modeste ?

Non, non, non… Les personnages comme lui doivent commencer par le haut. Il doit commencer sans aucun doute par une grande équipe.

Mais vous, vous avez commencé par entraîner des équipes modestes…

Écoutez, moi, j’ai été un footballeur modeste et puis j’ai débuté dans une petite équipe comme entraîneur. Zidane, lui, a été un grand joueur et doit commencer par un niveau élevé. Il est prêt pour ce métier. Il n’a pas à suivre les traces de quelqu’un. Il a beaucoup à donner et a besoin de faire ce qu’il ressent.